Catégorie : Polars et Romans Noirs

Les feuilles mortes – Thomas H. Cook


Propriétaire d’un magasin de photos dans une petite ville américaine, Eric Moore mène une vie tranquille avec sa femme Meredith et leur fils de 15 ans, Keith. Ce dernier joue parfois les baby-sitters pour des voisins. Ainsi un soir, il garde la jeune Amy, mais le lendemain matin, la petite fille est introuvable, et les soupçons de la police se portent aussitôt sur le fils d’Eric.

Après la stupéfaction, le doute va aussi faire son chemin chez Eric: cet adolescent solitaire et taciturne avec qui il n’arrive pas à communiquer n’est certes pas le fils dont il rêvait. Est ce que cela en fait un coupable pour autant? Puis insidieusement, comme la gangrène, le soupçon va grignoter la vie d’Eric, il se met à douter de tout et de tous, de sa femme, de lui même: Sa propre enfance lui revient en pleine figure, sous un éclairage nouveau qui lui laisse penser que toute sa vie pourrait n’être qu’une succession de mensonges… En ouvrant ce livre, je m’attendais clairement à un polar, mais ce n’est pas tout à fait le cas, on est ici plutôt dans le roman noir, très axé sur la psychologie du personnage principal. Contre toute attente, la disparition de la petite Amy n’est pas le point central du récit, mais plutôt un déclencheur: La prise de conscience d’Eric, sa souffrance, les sentiments confus qu’il éprouve envers ses proches sont le véritable moteur de ce roman. Même si cet aspect est intéressant, et le point de vue original, j’ai un peu regretté quand même le manque de consistance de l’enquête qui passe souvent au second plan, et qui réserve finalement peu de surprises.

Gallimard Série Noire, 275 pages, 22,50€

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L’interprétation des meurtres – Jed Rubenfeld


Freud est invité en 1909 à donner une série de conférences aux Etats-Unis, et à son arrivée à New-York, il est accueilli par Younger, un psychanalyste
issu de la grande bourgeoisie américaine. Au même moment une jeune new-yorkaise est assassinée dans une luxueuse résidence, puis une autre jeune fille est sauvagement agressée. Alors que
l’inspecteur Littlemore et le médecin légiste Hugel s’associent pour trouver des indices, Younger, avec l’aide de Freud, entame une psychanalyse avec la deuxième victime afin de l’aider à
recouvrer la mémoire.

Si Freud a finalement un rôle mineur dans l’enquête elle-même, contrairement à ce que laisse entendre la 4ème de couverture, la
psychanalyse n’a pourtant ici rien d’un gadget: La façon dont les théories de Freud étaient perçues en ce début de siècle, entre méfiance, désapprobation et fascination,

les tentatives diverses visant à déstabiliser le psychanalyste viennoisla
rupture avec son héritier désigné Carl Jung, le complexe d’Oedipe, l’interprétation du monologue d’Hamlet (Etre ou ne pas être)…  Des digressions accessibles, même lorsqu’on
n’y connait pas grand chose dans ce domaine,  et pas inintéressantes mais qui alourdissent le propos au détriment de l’intrigue. J’avais envie de connaître le fin mot de l’histoire mais
j’avoue que j’ai eu un peu de mal à aller au bout de ma lecture. L’interprétation des meurtres est un roman ambitieux, qui mélange faits réels et
imaginaires, et qui a sans doute nécessité un travail de recherche titanesque, non seulement sur la psychanalyse mais aussi sur le New-York du début du XXe. Mais à vouloir trop en mettre,
l’auteur s’est à mon avis laissé un peu manger par son histoire… Un premier roman avec quelques failles donc, mais un auteur à suivre!


2007, Editions du Panama, 473 pages, 22€  (Traduction Carine Chichereau, Titre original: The Interpretation of
Murder
)


Lu aussi par Chaperlipopette, Michel, Pascal
& Laure


Le journal d’Asta – Ruth Rendell

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Au début du 20ème siècle, Asta Westerby, une jeune mère d’origine danoise, émigre en Angleterre pour satisfaire les ambitions
de son mari. Pour tromper sa solitude dans ce pays inconnu, elle commence à tenir en secret un journal intime. Après sa mort, sa fille Swanny fait publier ce journal qui deviendra un
best-seller… Mais c’est à Ann, sa petite fille, que reviendra la lourde tâche de faire la lumière sur des points obscurs de la vie d’Asta : Swanny était elle réellement sa
fille ?

Quand j’ai établi ma liste pour le challenge ABC 2007 (bien mal en point soit dit en passant), j’ai choisi pour la
lettre R un livre qui était déjà dans ma PAL, Vera va mourir de Ruth Rendell. Mais je n’ai pas pu m’empêcher d’aller fouiller dans les rayons de ma médiathèque et je
suis finalement reparti avec cet autre titre de Rendell, sorti en 1994.

Les extraits du journal intime d’Asta (qui court du début du siècle jusqu’aux années 60) sont sans conteste les passages les plus intéressants de ce roman: S’y dessine le portrait d’une femme
exceptionnelle, une forte tête qui ne fait pas dans le politiquement correct, toujours en décalage avec son époque, son pays, les attentes de son entourage. Et la certitude qu’elle cache un
terrible secret donne encore une dimension supplémentaire à ce personnage atypique. Le roman aurait en revanche gagné en intensité sans la quasi-omniprésence d’Ann, la petite fille d’Asta, à la
personnalité fade et à l’existence insipide. Les tours et détours qu’elle entreprend avant de découvrir le secret de sa grand mère m’ont parus interminables, et delayent le suspens au lieu de
le renforcer. Impression mitigée donc, même si j’ai passé plutôt un bon moment avec ce livre. J’ai lu ici et là que ce roman n’était pas représentatif de l’oeuvre de Ruth Rendell, je lirais
donc certainement un autre titre pour me faire une idée plus précise de cet auteur.

Le livre de poche, 471 pages, 6,50€

La chambre des morts – Frank Thilliez



Vigo et Sylvain, deux informaticiens au chômage, renversent un homme au beau milieu d’un champ d’éoliennes. A côté du cadavre, deux millions d’euros dont les deux amis s’emparent avant de faire disparaître le corps. Le lendemain, une fillette est retrouvée morte près des lieux de l’accident: l’argent était il destiné à payer sa rançon?

Dans le duel classique entre le flic et le psychopathe s’immiscent ici deux paumés qui vont bousculer l’ordre des choses… L’occasion pour l’auteur de révéler la part d’ombre des gens ordinaires. Sur un rythme haletant, ce roman invite le lecteur à une plongée macabre dans l’horreur et la folie (âmes sensibles s’abstenir!). Au cœur des paysages ravagés du Nord de la France, l’intrigue oppressante prend vraiment le lecteur à la gorge. “La chambre des morts” est un excellent thriller qui montre que, tout en préservant une forte identité régionale, les auteurs français peuvent rivaliser dans ce domaine avec les anglo-saxons.

Editions Le Passage 2005, 311 pages, 15€
Retrouvez Frank Thilliez sur www.auteursdunord.com

Sélection Polar du Grand Prix des Lectrices de Elle 2006

De chair et de sang – John Harvey



Ancien inspecteur, Frank Elder passe une retraite morose dans un coin retiré des Cornouailles, le plus loin possible de son passé, et notamment de son ex-femme. Un cauchemar récurrent le renvoie sans cesse à une affaire non résolue, la disparition d’une adolescente. La remise en liberté du principal suspect, Shane Donald, condamné pour le meurtre d’une autre jeune fille, pousse Elder à reprendre progressivement l’enquête.

Ce polar est le premier volume de ce qui sera une série, construite autour du personnage de Frank Elder. A l’image de ce vieux loup solitaire et désabusé, “De chair et de sang” est un roman policier plutôt classique. Face à Elder, Shane Donald est quant à lui un personnage ambigu, toujours sur le fil: N’est-il qu’un gamin malmené par la vie, un adolescent influençable que la prison a remis sur le droit chemin? Ou un dangereux pervers prêt à basculer de nouveau dans la folie criminelle? John Harvey joue avec les apparences… Grâce à une intrigue efficace et un rythme savamment entretenu par les rebondissements et les accélérations, “De chair et de sang” est un roman sans temps mort qui ne vous laisse pas le temps de souffler. Un bon polar!

Rivages 2005, 366 pages, 20.99€
Sélection Prix Elle 2006

Si vous avez aimé ce roman, vous aimerez La colline des chagrins de Ian Rankin