Le prix des bonnes intentions, un voyage entre Tel-Aviv et Paris

Le prix des bonnes intentionsUn soir à Tel-Aviv, Eden, médecin et jeune maman solo d’une petite Emma de 4 mois, reçoit un coup de téléphone auquel elle ne s’attendait vraiment pas : sa mère est en garde à vue dans un commissariat parisien. Pourquoi est-elle en France alors qu’elle a quitté son pays natal depuis des décennies ? Cela a-t-il un rapport avec sa sœur jumelle avec qui elle est fâchée, et qu’Eden n’a jamais rencontrée ? En cherchant à comprendre ce qui s’est passé, Eden va découvrir des secrets familiaux qui vont bouleverser son existence. 

“Le prix des bonnes intentions” fait voyager le lecteur entre Israël et Paris, avec de constants allers-retours entre le présent et le passé. Le personnage d’Eden, fragilisé par sa condition de jeune maman, est particulièrement touchant, et les révélations auxquelles elle va être confrontée au fur et à mesure du récit donnent envie au lecteur de tourner les pages pour en savoir plus. J’ai beaucoup aimé ce joli roman autour de la maternité, du lien filial et de la transmission

Le prix des bonnes intentions d’Ornella Nomber, 295 pages, disponible en numérique ou en papier sur Amazon (auto-édition). 

Le baiser du prodige de Philippe Brieallard

Le baiser du prodige romanHugo est un jeune prodige du piano. Son talent, hélas, ne l’empêche pas d’être harcelé au lycée par l’un de ses camarades. Solitaire, Hugo trouve du réconfort dans la contemplation des Nymphéas de Claude Monet, et c’est dans la salle du Musée de l’Orangerie qu’il va croiser Monsieur Raymond, un militaire retraité. Malgré leur important d’écart d’âge, leur passion commune pour la musique et le tableau de Monet va les rapprocher. Et ils vont rapidement se trouver un autre point commun, une passion pour un art bien moins avouable, celui du meurtre…

Ce roman noir est avant tout une histoire d’amitié intergénérationnelle entre deux personnalités atypiques, et c’est l’aspect du roman que j’ai préféré. On se prend facilement d’affection pour Hugo et pour Louis, malgré l’ambiguïté de ces deux personnages. Le meurtre peut-il être un hobby ? Le parti-pris de ce récit est original, mais pourra peut-être déranger certains lecteurs. Heureusement, les références artistiques, que ce soit à la peinture ou à la musique, ainsi qu’une touche d’humour apportent un peu de légèreté à ce roman que j’ai lu avec plaisir.

Le baiser du prodige de Philippe Brieallard, 2024, disponible sur Librinova ou Amazon, 294 pages pour l’édition papier.

Rue de l’échelle de Cyrille Audebert : une enfance sur les bords de la Loire

Rue de l'échelle - Cyrille AudebertDans Rue de l’échelle, Cyrille Audebert met en forme les mémoires de son père, Raymond, né en 1921 et décédé en 1998. Le récit commence à la veille de Noël 1928, à Saumur, alors que le jeune garçon de 7 ans perd brutalement son propre père lors d’un accident du travail.

Le livre est pourtant loin d’être triste : Raymond y évoque les moments joyeux qui ont jalonné son enfance et son adolescence, comme les parties de pêche avec sa sœur sur les bords de Loire, la classe de Monsieur Corbeau, la découverte de la gent féminine (Ah, Nicole !), ou les drôles d’expériences de son patron alors qu’il était tout jeune apprenti coiffeur.

Cette autobiographie enchaîne les scènes cocasses et les personnages hauts en couleur : les lavandières, la marchande d’huile, le cocher de fiacre ou le vitrier peuplent les pages de ce livre qui fera découvrir tout un monde oublié à ses lecteurs. Un récit à la fois drôle et émouvant qui convoque un temps révolu et les plaisirs simples de la vie d’alors.

Rue de l’échelle de Cyrille Audebert, éditions Sindbadboy 2017 (dispo sur Amazon), 201 pages.

Le blé en herbe de Colette

Le blé en herbe Colette

“Vinca et moi, un être juste assez double pour être deux fois plus heureux qu’un seul, un être qui fut Phil-et-Vinca va mourir ici, cette année. Est-ce que cela n’est pas terrible ? Est-ce que je ne puis pas l’empêcher ? Et je reste là… Et ce soir, après dix heures, peut-être que je m’en irai encore une fois, la dernière fois des vacances, chez Mme Dalleray…”

Pour ce mois de septembre, le thème de Les classiques c’est fantastique organisé par Moka était l’adolescence, et j’ai choisi de lire Le blé en herbe de Colette. Depuis toujours les familles de Philippe et de Vinca passent la période estivale ensemble en Bretagne, dans la baie de Saint Malo. Phil, 16 ans et Vinca, 15 ans, sont coincés entre l’enfance et leurs premiers émois amoureux. Mais voilà que Philippe croise Mme Dalleray, une femme d’une trentaine d’années qui va l’initier aux plaisirs de la chair.

Le blé en herbe est un roman sur la sexualité naissante de deux adolescents, un livre à la fois sensuel et mélancolique sur la fin de l’enfance.

Ce livre qui tourne essentiellement autour de la question sexuelle (on est loin de la dark romance quand même), fit grand bruit à l’époque. Tout comme son adaptation cinématographique par Claude Autant-Lara, 30 ans plus tard. Il fut d’abord publié en feuilleton en 1922 dans Le Matin, avant que la rédaction du journal n’en suspende la publication. Comble du scandale, c’est sa propre liaison avec son beau-fils, Bertrand de Jouvenel, qui a inspiré à Colette la relation entre Philippe et Mme Dalleray. Il avait 17 ans, elle en avait 47.

C’est un livre qui a donc été écrit il y a plus d’un siècle, mais que j’ai quand même trouvé étonnamment moderne. C’est aussi un récit très riche d’un point de vue littéraire : Colette décrit ici avec beaucoup de finesse les couleurs délavées d’une fin d’été sur la côte bretonne. Elle connaissait bien le coin puisqu’elle possédait une maison, Roz Ven, située à Saint Coulomb (une maison que le précédent propriétaire refusa d’abord de lui vendre parce qu’elle s’était présentée à lui habillée en homme !).

Le blé en herbe de Colette, j’ai lu éditions, 125 pages.

Bel-ami – Maupassant

Bel-ami Maupassant

Pour ce mois d’août le thème du challenge Les classiques c’est fantastique était Je ne suis pas un héros ! (ni une héroïne), et j’ai choisi de lire Bel-ami de Maupassant, publié en 1885. 

Georges Duroy, alias Bel-ami, est un jeune homme issu d’un milieu modeste, qui débarque à Paris après quelques années dans l’armée. Sans le sou, il croise par hasard un ancien camarade, Forestier, qui lui trouve un petit boulot de reporter pour le journal La Vie Française. Georges n’a aucun talent, il n’est pas particulièrement intelligent ou cultivé, il ne connaît rien à la politique, et il est même incapable d’écrire le moindre article. Mais qu’importe, puisque Georges est beau garçon : dans un monde où seul les apparences comptent, il va donc utiliser son charisme auprès des femmes de la bonne société pour gravir peu à peu les échelons.

Georges est opportuniste et calculateur, rongé par l’envie et l’ambition. Maupassant en a fait un anti-héros mais sans tomber non plus dans l’outrance :  je l’ai presque trouvé touchant parfois, par exemple quand il retrouve ses parents en province, avec une certaine tendresse, malgré le fossé social qui les sépare désormais. Maupassant avait l’habitude de dire “Bel-ami c’est moi !”, et il s’est visiblement beaucoup inspiré de son propre parcours pour nourrir ce roman. Georges Duroy est odieux certes, mais il n’est finalement qu’un produit de son époque : ce roman est avant tout une critique des milieux médiatiques, politiques et bourgeois, où règnent l’entre-soi, l’oisiveté, la manipulation et l’argent

Voilà bien longtemps que je n’avais pas lu Maupassant, et cela a été un vrai plaisir de me replonger dans ce roman plein d’esprit et de férocité

Bel-ami de Guy de Maupassant, Folio Classique, 438 pages.