Jean-André d’Argentières meurt en 1946 après une chute de cheval. Il laisse le domaine d’Argentières à ses deux enfants, André et Marguerite. André, fils unique écrasé par la figure paternelle, s’est marié sur le tard et par défaut avec Jeanne, une jeune femme rigide et peu aimante. Marguerite est quant à elle une veuve au fort caractère, mère de deux filles déjà adultes. La soeur d’André et Marguerite, Antoinette, est décédée bien des années auparavant dans des circonstances tragiques, mais l’ombre de la jeune femme, artiste libre et fantasque, pour laquelle leur père n’a jamais caché sa préférence, plane encore sur la famille… De 1946 aux années 90, ce roman suit trois générations d’une grande famille française dont la situation sociale et financière va se dégrader peu à peu.
Les insomniaques est une fresque familiale ambitieuse qui retrace en plus de 600 pages près de 40 ans de l’histoire de France à travers le destin d’une famille aristocratique, de la fin de la deuxième guerre mondiale à la guerre d’Indochine, de mai 68 aux années sida… Par petites touches Camille de Villeneuve raconte la fin d’une époque et d’une façon de vivre, l’évolution des mœurs et la fin des privilèges pour une certaine catégorie de la population. Avec la mort du patriarche qui intervient dès les premières pages c’est un lent déclin qui s’amorce d’emblée pour la famille d’Argentières. Les personnages se révèlent tous un peu pathétiques, chacun à leur façon, mais presque tous figés dans leurs certitudes et leurs positions, se raccrochant à leur grandeur passée. Une famille sans amour, où l’on s’épie, l’on se juge sans cesse, et où l’on se fréquente plus par obligation que par envie. Et dans laquelle on encaisse les drames de la vie en essayant toujours, et surtout, de sauver les apparences.
J’ai beaucoup aimé la première partie du roman, autour d’André, Jeanne et Marguerite, qui sont à mon avis les personnages les plus aboutis, ceux qui ont le plus de chair et de consistance, mais j’ai un peu décroché par la suite, quand le récit s’intéresse plus à leurs enfants et petit-enfants. Le rythme devient ronronnant, et malgré l’aide de l’arbre généalogique, j’ai eu parfois un peu de mal à m’y retrouver parmi tous ces personnages qui se ressemblent un peu trop. Malgré son poids, Les insomniaques me laisse donc un petit goût d’inachevé, mais il s’agit d’un premier roman (Camille de Villeneuve n’a que 28 ans) et l’ambition de ce projet, la richesse des thèmes abordés, la rigueur de l’écriture laisse présager de beaux romans à venir, et un bel avenir à cet auteur!
Editions Philippe Rey 2009, 602 pages, 20€
Il me fait penser à Une Vie française de Jean-paul Dubois mais je me trompe peut-être…
Je n’ai pas lu ce livre de Dubois, mais j’en ai lu d’autres, et je pense que le contexte historique et politique est sans doute plus présent chez Dubois que dans “les insomniaques” (ici ce n’est finalement qu’un arrière-plan).