Grey, une jeune anglaise au passé trouble, est obsédée par un film amateur tourné en Chine lors de l’invasion japonaise de 1937. Elle débarque à Tokyo, à la recherche de Shi Chongming, un vieux professeur chinois susceptible de détenir ce document. Sans ressources, Grey accepte un emploi dans un club à hôtesses et ne tarde pas à approcher l’univers terrifiant des Yakusas…D’un côté l’on suit les errements et les rencontres de la fragile Grey dans les bas-fonds de Tokyo, de l’autre on partage les doutes du jeune et orgueilleux Shi Chongming plongé dans l’horreur de Nankin. Ce récit à deux voix met en valeur deux personnages complexes et inquiétants, qui ont bâti leurs existences sur quantité de fêlures et d’obsessions. Tokyo est un bijou de noirceur au suspens implacable et au rythme dense, un roman étouffant et décapant à ne pas mettre entre toutes les mains: certaines scènes sont d’une violence inouïe et vous hanteront longtemps après avoir tourné la dernière page!
Catégorie : Coups de coeur
[roman] La chorale des maîtres bouchers – Louise Erdrich
A la fin de la première guerre mondiale, Fidelis épouse la fiancée de son meilleur ami mort au combat, avant de quitter son Allemagne natale pour les Etats-Unis et le Dakota du Nord. Avec pour tout bagage une valise pleine de couteaux et de saucisses, il s’arrête dans la petite ville d’Argus, ouvre une boucherie et fonde une chorale. Quelques années plus tard, une jeune femme originaire d’Argus, rend visite à son père alcoolique. Elle est accompagnée de Cyprian, un équilibriste homosexuel.
Cette saga passionnante court d’une guerre à l’autre, des années 20 aux années 50. Autour de deux couples aux relations ambiguës, Louise Erdrich fait vivre avec talent le quotidien d’une petite communauté américaine bigarrée, avec ses notables et ses marginaux, ses commerces ou sa chorale, ses amitiés et ses animosités, ses joies ou ses drames. Ces histoires quotidiennes qui se déroulent sur fond de grande Histoire et de conflits mondiaux forment au final une fresque captivante!
[Roman Jeunesse] Sobibor – Jean Molla
Et si l’anorexie d’Emma n’était pas seulement due à l’indifférence de ses parents ou aux mots malheureux d’un petit ami? Une nuit, l’adolescente entend sa grand-mère d’origine polonaise prononcer deux noms inconnus, “Jacques” et “Sobibor“. A la mort de cette grand-mère tant aimée, la jeune fille découvre dans ses affaires un vieux cahier qui va bouleverser sa vie: le témoignage d’un français ayant œuvré dans le camp d’extermination de Sobibor, en Pologne.
Avec une grande puissance romanesque, ce livre mêle deux sujets a priori très éloignés l’un de l’autre, l’anorexie et les camps de la seconde guerre mondiale. Jean Molla évoque le fardeau du secret de famille, le pouvoir de la mémoire et de la transmission. Un roman fort et troublant.
Editions Gallimard Jeunesse 2003, 191 pages –
[Polar] La souris bleue – Kate Atkinson
La souris bleue est d’abord un polar à trois facettes: La petite Olivia disparaît mystérieusement en 1970 dans le jardin familial; Laura, 18 ans, est égorgée en 1994; Michelle assassine son mari en 1979 d’un coup de hache. En 2004, les proches de ces victimes embauchent tour à tour le même détective privé, Jackson Brodie. Voilà de sacrés défis pour ce quadragénaire de Cambridge, plutôt habitué aux affaires ennuyeuses de maris jaloux.
Kate Atkinson jongle avec les différentes intrigues avec une incroyable virtuosité. Elle construit un suspens sans faille, en distillant les indices au compte-gouttes et en multipliant les fausses pistes. Mais le terme “polar” semble une étiquette bien étriquée pour cette formidable comédie humaine, dans laquelle on croise une belle palette de personnages marginaux autour d’un détective, solitaire, désabusé et râleur, et pourtant si attachant.
Dans ce roman à tiroirs où les milieux sociaux, les générations, les personnages et les époques se croisent et s’entremêlent, l’auteur décortique l’âme humaine révélée par les drames familiaux. Avec un regard et un humour “so british”, elle aborde les drames qui jalonnent ce roman avec une ironie délicieuse, et elle effleure la noirceur pour mieux parler d’amour et d’espoir.