Catégorie : Coups de coeur

L’extraordinaire garçon qui dévorait les livres – Oliver Jeffers

l'extraordinaire garçon qui devorait les livres

5 étoiles

“Henri adorait les livres. Mais il n’aimait pas les livres comme vous et moi, non. Pas exactement… Henri adorait MANGER les livres.”

Un album pris un peu par hasard à la bibliothèque, c’est le titre qui a attiré mon attention  Ce très joli album prend l’expression “dévorer les livres” au pied de la lettre pour mieux plébisciter finalement le plaisir de la lecture, pas celle que l’on ingurgite, mais celle que l’on déguste, que l’on savoure, qu’on prend le temps d’apprécier… Henri dévore les livres, tous les livres, des romans d’aventures, des dictionnaires, des Atlas, des histoires comiques, des documentaires,  des livres de maths, même si les livres rouges sont ses préférés. Il devient de plus en plus intelligent, mais cette étrange manie finit par le rendre malade. Que va t-il devenir maintenant qu’il ne peut plus manger de livres? Et bien il va les lire pardi!

Si l’histoire est simple et mignonne, j’ai eu surtout un vrai coup de foudre pour les illustrations,  le graphisme et les couleurs, le travail sur la typographie ou les styles de papier. Et puis le petit clin d’œil de la dernière page, que je vous laisse le plaisir de découvrir, est vraiment craquant (ou plutôt carrément croquant…). Dès que j’ai tourné la dernière page je me suis immédiatement renseignée sur les autres albums d’Oliver Jeffers, et hop, Filou dans la forêt , un autre titre de cet illustrateur  est déjà sur ma PAL, je vous en reparle bientôt!

Editions Kaléidoscope 2007, 28 pages, 12,50€ (Titre original: The Incredible Book Eating Boy)

Première lecture dans le cadre du Challenge Je lis aussi des albums.
Lu aussi par Clarabel, Book’in.

oliver jeffers

Artbook – Rebecca Dautremer

art book - rebecca dautremer

5 étoiles

“-Rebecca Dautremer, vous êtes née Ursula Biotrovitz en 1954 à Banska Stiavnica en Slovaquie.
– Non
(…)
– C’est durant le trajet qui devait vous conduire jusqu’à Paris que votre famille se fait attaquer par une bande de renégats tchèques et c’est durant cette attaque que vos parents perdent tragiquement la vie . Apeurée, vous parvenez néanmoins à prendre la fuite et trouvez refuge dans la forêt de Compiègne. Là vous serez recueillie par une meute de loups avec qui vous vivrez jusqu’à l’âge de douze ans, apprenant leur langage et partageant leur quotidien.
– Non
– Vous ne savez pas parler aux loups?
– Non
– Bon… A douze ans vous dessinez un peu quand même?
– Oui”

***

Cette fausse interview qui figure au début du livre donne le ton, cet artbook ne se prend surtout pas au sérieux! Construit comme un jeu de piste, il vous renvoie de page en page selon vos préférences plus ou moins farfelues, c’est un peu “Le premier Artbook dont vous êtes le héros“. Il permet d’explorer de façon ludique l’univers très riche de Rebecca Dautremer: les coulisses de son travail (la maquette de la maison de Kerity par exemple),  des croquis,  des projets avortés, ses premiers dessins… Mais on découvre également au fil des pages d’autres facettes de son travail, comme ses photos,  on en apprend  aussi un peu plus sur la femme à travers  quelques portraits de famille.  Le tout est agrémenté de commentaires ou d’anecdotes amusantes, vous y trouverez même la recette des mojitos!  Chaque page est une véritable curiosité qui fourmille de détails, ça se lit dans tous les sens,  ça se picore selon vos envies ou ça se lit bien sagement de la première à la dernière page pour ne rien rater…  Un joyeux bazar, mais un bien beau livre qui confirme s’il en était besoin l’éclatant talent de Rebecca Dautremer.

Editions du chêne 2009, 160 pages, 39,90€
L’avis de Laure.

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Photos piochées sur le site officiel de Rebecca Dautremer.

-Rebecca Dautremer, vous êtes née Ursula Biotrovitz en 1954 à Banska Stiavnica en Slovaquie.

– Non

(…)

– C’est durant le trajet qui devait vous conduire jusqu’à Paris que votre famille se fait attaquer par une bande de renégats tchèques et c’est durant cette attaque que vos parents perdent tragiquement la vie . Apeurée, vous parvenez néanmoins à prendre la fuite et trouvez refuge dans la foret de Compiègne. Là vous serez recueillie par une meute de loups avec qui vous vivrez jusqu’à l’age de douze ans, apprenant leur langage et partageant leur quotidien.

– Non

– Vous ne savez pas parler aux loups?

– Non

– Bon… A douze ans vous dessinez un peu quand même?

– Oui

The New Yorker, l’humour des livres – Jean-Loup Chiflet


Créé en 1925, le magazine américain The New Yorker a dès ses débuts accordé une large place aux dessins humoristiques. Après avoir rassemblé  Les meilleurs dessins sur la France et les français, Jean-Loup Chiflet a eu la bonne idée de regrouper et de traduire les dessins consacrés à l’univers des livres: Editeurs cyniques, auteurs incompris,  libraires blasés, critiques féroces  ou lecteurs d’un jour… En 300 dessins tout est dit ou presque sur la littérature! Et en mettant en scène notre rapport aux livres, c’est un peu de notre société que ces dessins racontent: la vie de couple, nos relations aux autres, notre incessante quête du bonheur (avec la folie des livres consacrés au développement personnel), la superficialité de notre quotidien,  notre addiction aux nouveaux médias, l’omniprésence de l’argent, du commerce et du marketing qui voudraient dévorer la culture toute crue. Les dessinateurs du New Yorker ont vraiment un talent fou, quelques mots suffisent à faire mouche,  et certaines histoires sans paroles en disent même beaucoup…  Ce livre est un petit bijou qui fera soupirer d’aise tous les amoureux des livres, c’est fin, subtil, bien vu, drôle, saupoudré du délicieux nonsense cher aux anglo-saxons, terriblement riche, trop pour qu’il soit possible de le résumer convenablement. Je ne résiste pas au plaisir de  vous glisser ci-dessous quelques-uns de ces dessins, plus éloquents qu’un long discours!


Editions Les arènes 2009, 189 pages, 24,80€



Et quelques autres à voir ici.

Twist – Delphine Bertholon

5 étoiles

Maman me l’avait assez répété, de ne pas parler aux inconnus, de faire attention avec tous ces détraqués qui courent dans la nature mais là, pas une seconde ça ne m’avait traversé l’esprit. A cause de la bonne tête de R. avec sa chevelure d’éponge, sa voiture brillante, la jolie chatte à 3 couleurs dans la petite caisse, l’orage dément qui me coulait dessus et surtout – surtout – à cause de Stanislas.

Madison, 11 ans, est enlevée par R. à la sortie de l’école, et séquestrée dans une cave. Sur le cahier
qu’elle a réussi à obtenir de son ravisseur elle raconte le tour qu’a pris sa vie depuis Le-jour-de-la-Volvo-noire. Deux voix se mêlent à celle de Madison pour évoquer la disparition de la petite fille : Celle de Léonore, sa mère, persuadée que sa fille est toujours vivante et qui continue à lui écrire des lettres, et celle de Stanislas, le prof de tennis dont Madison est amoureuse. Monté à Paris après le drame, il tombe sous le charme de la belle et insaisissable Louison.

Le sujet peut effrayer de prime abord, Delphine Bertholon s’inspirant d’un fait divers qui avait  bouleversé l’europe il y a deux ans. Mais ici le romanesque et la sensibilité l’emportent largement sur le sordide et le sensationnel. Le personnage de Madison, en dépit de son enfermement, reste une pré-adolescente pleine d’énergie et d’humour! Entre fausse soumission et rébellion, entre colère et attachement, elle raconte dans ses précieux cahiers le lien étrange qui la lie à son ravisseur, mais aussi l’adolescence et les changements de son corps qu’elle doit affronter seule, ou l’écriture qui l’empêche de devenir folle. Delphine Bertholon passe avec beaucoup d’aisance d’un personnage à l’autre, Stanislas évoquant sa relation avec Louison, et les lettres de Léonore à sa fille enrichissent très délicatement le point de vue de Madison.  Twist est un roman sur l’absence et sur l’espoir, une histoire d’amour(s) qui explore tout ce que ce sentiment peut parfois avoir d’insensé, d’absurde ou de cruel. La première bonne surprise de cette rentrée !

JC Lattès 2008, 429 pages, 18€

Mille soleils splendides – Khaled Hosseini

5 étoiles

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Née en Afghanistan à la fin des années 50, Mariam est une harami, une fille illégitime. Elle vit avec sa mère dans une petite maison isolée et voue un amour sans bornes à son père qui lui rend visite une fois par semaine. Mais à 15 ans son univers s’écroule, et elle se retrouve mariée à un veuf originaire de Kaboul. Bien des années plus tard, la nuit du coup d’état de 1978, Laïla naît dans la capitale afghane. Elle grandit sous le régime communiste, entre un père très cultivé qui a perdu son poste de professeur, et une mère dépressive qui ne se remet pas de l’absence de ses deux fils, partis combattre aux côtés du commandant Massoud. Les destins tragiques de Mariam et de Laïla vont bientôt se croiser dans Kaboul, la ville aux “mille soleils splendides”.

C’est la tragédie d’un peuple terrorisé pendant près de 30 ans que Hosseini raconte d’abord ici : L’instauration du régime communiste à la fin des années 70, la victoire des moudjahidin et leurs querelles intestines, la prise de pouvoir des talibans puis l’intervention américaine ont maintenu l’Afghanistan à feu et à sang pendant plusieurs décennies. Au milieu de ce chaos, on s’attache aux pas de deux femmes, victimes non seulement de ces guerres incessantes mais aussi des hommes, dans un pays où la condition féminine est désastreuse (Voir notamment l’extrait ci-dessous, qui correspond à l’arrivée des talibans). Certains reprocheront à Khaled Hosseini de reprendre la recette qui a fait le succès de son précédent roman, ici encore il s’agit d’une histoire d’amitié, de fraternité qui prend racine dans un pays dévasté. Mais cela n’en reste pas moins un roman bouleversant, qui m’a pris à la gorge du début à la fin… Si vous avez aimé Les cerfs volants de Kaboul , vous adorerez  Mille soleils splendides !

2007 Belfond, 405 pages, 21€  (Traduction de Valérie Bourgeois)

Merci à Babelio qui m’a envoyé ce livre dans le cadre de l’opération masse critique.


Extrait
(p. 271):

“Notre watan s’appelle désormais l’Emirat islamique d’Afghanistan. Voici les lois que nous allons faire appliquer et auxquelles vous obéirez :

Tous les citoyens doivent prier cinq fois par jour. Quiconque sera surpris à faire autre chose au moment de la prière sera battu.
Tous les hommes doivent se laisser pousser la barbe. La longueur correcte est d’au moins un poing en dessous du menton. Quiconque refusera de respecter cette règle sera battu.
Tous les garçons doivent porter un ruban – noir pour ceux scolarisés en primaire, et blanc pour ceux des classes supérieures – ainsi que des habits islamiques. Les cols de chemise seront boutonnés.
Il est interdit de chanter.
Il est interdit de danser.
Il est interdit de parier et de jouer aux cartes, aux échecs et aux cerfs-volants.
Il est interdit d’écrire des livres, de regarder des films et de peindre des tableaux.
Quiconque gardera des perruches chez soi sera battu et ses oiseaux tués.
Quiconque se rendra coupable de vol aura la main coupée. Et s’il recommence, il aura le pied coupé.
Il est interdit à tout non-musulman de pratiquer son culte en un lieu où il pourrait être vu par des musulmans, au risque d’être battu et emprisonné. Quiconque sera surpris à essayer de convertir un musulman à sa religion sera exécuté.

A l’intention des femmes :

Vous ne quitterez plus votre maison. Il est inconvenant pour une femme de se promener dehors sans but précis. Pour sortir, vous devrez être accompagnée par un mahram, un homme de votre famille. Si vous êtes surprise seule dans la rue, vous serez battue et renvoyée chez vous.
En aucun cas vous ne dévoilerez votre visage. Vous porterez une burqa à l’extérieur de votre maison. Sinon, vous serez sévèrement battue.
Il vous est interdit de vous maquiller.
Il est interdit d’arborer des bijoux.
Vous ne vous afficherez pas avec des vêtements aguichants.
Vous ne parlerez que lorsque l’on vous adressera la parole.
Vous ne regarderez aucun homme droit dans les yeux.
Vous ne rirez pas en public. Sinon vous serez battue.
Vous ne vous vernirez pas les ongles. Sinon vous serez amputée d’un doigt.
Il vous est interdit d’aller à l’école. Toutes les écoles pour filles seront fermées.
Il vous est interdit de travailler.
Si vous êtes reconnue coupable d’adultère, vous serez lapidée.