Catégorie : Documents

Alice Guy – Catel & Bocquet

Née en France en 1873, Alice Guy a grandi entre le Chili, où avait émigré ses parents, et la Suisse, où elle fréquente des pensionnats pour jeunes filles de bonne famille. Quand son père meurt, laissant sa famille ruinée, elle choisit de devenir sténo-dactylo plutôt que de se marier comme ses sœurs aînées. Travaillant pour Léon Gaumont, elle se révèle vite indispensable à son patron, réalisant les premiers films des studios. Elle suit ensuite son mari aux Etats-Unis et y fonde sa propre société de production, la Solax.

“Mademoiselle Alice” a donc été la toute première réalisatrice de l’histoire du cinéma, tournant plus de 500 films au cours de sa carrière. Elle a pourtant passé la fin de sa vie dans l’ombre, et a été injustement effacée des manuels d’histoire au profit des hommes avec qui elle avait travaillé. Ce roman graphique édité dans la collection “Les clandestines de l’histoire” aux éditions Casterman BD permet de remettre en lumière son travail et de retracer le destin de cette femme de caractère, qui a réussi à s’imposer dans un monde d’hommes à la seule force de son talent. Ce livre fourmille de détails tant sur la vie d’Alice Guy, que sur les tout-débuts (difficiles) du cinéma. On y croise entre autres Méliès, les frères Lumière ou Gustave Eiffel… Un roman graphique indispensable, signé par le duo Catel Muller & José-Louis Bocquet.

Alice Guy de Catel Muller & José-Louis Bocquet, éditions Casterman BD 2021, 400 pages.

Ne t’arrête pas de courir – Mathieu Palain

“Ne t’arrête pas de courir” retrace le parcours de Toumany Coulibaly, champion de France du 400 m le jour et cambrioleur la nuit. Mathieu Palain tente de cerner ce personnage solaire et complexe, et de comprendre comment il en est arrivé là, depuis son enfance dans une famille polygame de 18 enfants, à sa découverte de l’athlétisme sur le tard. Pourquoi cette chance qui s’offrait à lui de changer de vie n’a t-elle pas suffi à modifier sa trajectoire ?

Au fil du récit, l’auteur partage les échanges que les deux hommes ont eus au parloir pendant deux ans et l’amitié qui se tisse entre eux.

Dans la deuxième partie du livre, Mathieu Palain s’interroge également sur son travail de journaliste, et cherche à comprendre ses propres motivations : pourquoi a-t-il fait de la prison son principal sujet d’enquête depuis le début de sa carrière ?

J’ai beaucoup aimé ce récit riche et éclairant, une belle surprise de la rentrée littéraire.

Ne t’arrête pas de courir de Mathieu Palain, août 2021, éditions de l’iconoclaste.

[Hommage à Charlie Hebdo] Cabu Swing, souvenirs & carnets d’un fou de jazz – Cabu

Ce mercredi les blogueurs littéraires ont voulu rendre hommage aux auteurs de Charlie Hebdo disparus la semaine dernière à leur façon, en vous parlant de leurs livres, parce que c’est encore ce que nous savons faire de mieux.

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Cabu était un grand fan de jazz, en particulier de Swing, et ce beau livre retrace en plus de 200 pages sa passion pour cette musique.  Les festivals qu’il a écumé jusqu’à la fin des années 70, les concerts, ses chroniques à la radio (pour l’émission Le jazz qui déménage sur TSFjazz), les portraits de ses jazzmen préférés, des anecdotes personnelles ou des petites histoires sur l’histoire du jazz… Le livre est très fourni en illustrations, on y retrouve les nombreux dessins de Cabu pour les journaux auxquels il a collaboré durant sa carrière, mais aussi des dizaines de croquis, des affiches, des pochettes de disques… Si le livre est essentiellement consacré au jazz, il y a aussi de petites incursions dans le domaine de la chanson française et  de la pop, Cabu ayant tenu une rubrique sur les yéyés dans Pilote au début des années 60 et côtoyé de nombreux artistes quand il fréquentait les cabarets pour Hara-Kiri ( Gainsbourg, Maxime Leforestier, Brel, Pierre Perret…)

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Si on est loin des caricatures de Charlie Hebdo, et que c’est plutôt la face tendre et passionnée de Cabu qui domine ici, l’humour grinçant n’est jamais loin, comme par exemple cette pochette imaginant une Ella Fitzgerald dans une pose alanguie et sexy… avec les jambes coupées (elle avait été amputée à la fin de sa vie).

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En parallèle Cabu raconte aussi (toujours avec beaucoup de retenue) un peu de sa vie: son enfance à Chalons-sur-Marne et son père fan de Charles Trénet, son arrivée à Paris en 1955 pour devenir dessinateur, son départ pour l’Algérie en 1958 (il y restera 27 mois), sa rencontre avec Cavanna et les débuts d’Hara Kiri. J’y ai aussi appris que Cabu avait été le tout premier dessinateur à travailler pour Le Monde en 1968.

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C’est vraiment un album très beau et très complet pour tous ceux qui aiment le jazz, mais aussi pour ceux qui n’y connaissent rien (c’est mon cas), et qui permet de découvrir une autre facette de Cabu, sans doute moins connu du grand public. Et à la toute dernière page on trouve un croquis de Mano Solo (le fils de Cabu, disparu le 10 janvier 2010) lors de son tout dernier concert à l’Olympia. C’est peu dire que ce dernier dessin délivré ainsi tout en pudeur m’a profondément bouleversée.

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Cabu Swing, souvenirs & carnets d’un fou de jazz, éditions Les échappées 2013, 224 pages.

[Temoignage] La preuve du paradis – Eben Alexander

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Je suis profondément athée (je n’ai reçu aucune éducation religieuse), et je suis convaincue qu’il n’y a rien après la mort. Je suis aussi prompte à considérer tous ceux qui prétendent le contraire comme des charlatans ou des illuminés. Malgré tout quand le site Entrée Livre m’a proposé de lire « La preuve du Paradis, Voyage d’un neurochirurgien dans l’après-vie » du Dr Eben Alexander, j’ai accepté et essayé d’aborder cette lecture sans a-priori.

Brillant neurochirurgien américain, le docteur Eben Alexander a frôlé la mort suite à une méningite. Durant les 7 jours de coma qu’il a connu, il prétend avoir franchi les portes d’un autre monde.

En ce qui concerne  son fameux voyage dans l’au-delà, Eben Alexander a donc vu une grande lumière, une ouverture vers une autre réalité, il s’est soudain senti rempli d’amour et s’est mis à voler en compagnie d’une magnifique jeune femme au milieu des nuages, des papillons et d’êtres scintillants. Il a la gentillesse de nous traduire en « langage terrestre » (!) le message que lui a transmis sa jolie compagne : « Tu es aimé et chéri, totalement, pour toujours » « Il n’y a rien dont tu doives avoir peur » « Il n’y a rien que tu puisses faire mal ».

Arrivé à ce stade, honnêtement le fou rire me guette. Je vous épargne le reste qui est du même acabit. La 4ème de couverture me parlait de “faits précis”, là où je ne vois qu’une grande fumisterie hallucinatoire, nourrie par l’éducation religieuse de l’auteur  (Et il a beau nous affirmer s’être beaucoup éloigné de la religion en vieillissant, ses derniers mots avant se sombrer dans le coma sont quand même « Dieu, aide moi »)

L’auteur et l’éditeur mettent beaucoup en avant le fait qu’Eben Alexander est un éminent scientifique, et que cela donne une autre dimension à cette expérience. J’ai trouvé pour ma part que le profil de l’auteur n’apportait pas grand-chose de plus aux autres récits de ce type, ses fantasmes religieux  prenant le plus souvent le pas sur ses connaissances objectives. Il y a bien un court chapitre sur les éventuelles explications physiques et rationnelles de ce qu’il a vécu, mais que l’auteur écarte très vite, trop vite à mon goût.

Eben Alexander ne se contente pas de raconter son EMI (expérience de mort imminente), il parle aussi de sa vie de famille (idyllique), son adoption, son travail, ses vacances… Beaucoup de « moi je », de détails inutiles et inintéressants, servi par un style globalement assez mauvais. Malgré tout le respect que je peux avoir sur l’expérience dramatique qu’a connu le docteur Eben Alexander, j’ai trouvé ce récit grotesque et j’ai eu l’impression de regarder un mauvais téléfilm américain, plein de clichés et de bons sentiments, qui n’a entamé en rien mon scepticisme sur le sujet.

La preuve du paradis, Voyage d’un neurochirurgien dans l’après-vie… d’Eben Alexander, Guy Trédaniel éditeur, 237 pages – 1 etoile
Sept autres blogueurs ont lu ce livre en même temps que moi: Cécile, Zazy, Jostein, Nelfe, Pierre, Mélo et Emeralda

[Beau livre] Ma première histoire de l’art – Béatrice Fontanel

Ma première histoire de l’art est un ouvrage plutôt destiné aux enfants, mais il est tellement agréable à feuilleter que les adultes s’y plongeront aussi avec plaisir pour rafraîchir un peu leurs bases! C’est un ouvrage superbe, à la fois simple d’accès et très complet, avec des illustrations de belle qualité et une mise en page claire et aérée: chaque courant ou peintre est présenté sur une double page, avec un texte concis, 3 à 5 œuvres représentatives et une fresque permettant de le situer dans le temps. Les textes sont assez courts pour ne pas effrayer le lecteur, mais ils résument bien l’essentiel à retenir.

(Pour la partie consacrée à l’impressionnisme les œuvres proposées sont par exemple Un bar aux Folies-Bergères de Manet, La Toilette de Toulouse-Lautrec, Danseuses montant un escalier de Degas et une estampe japonaise ayant influencé les impressionnistes)

Toute l’histoire de l’art est traitée en une centaine de pages. Après une rapide introduction sur l’art préhistorique, il y a 6 grandes parties:

  • Les temps antiques avec les rois de Mésopotamie, l’art Egyptien, les statues grecques et la vie à Pompéi.
  • Le Moyen âge avec les enluminures, le peintre italien Giotto, l’art courtois.
  • La Renaissance avec les peintures de guerre,  Signorelli, Botticelli, Léonard de Vinci, Michel-Ange, l’invention de la peinture à huile, Jérôme Bosh, Dürer, le portraitiste allemand Hans Holbein, le travail sur la lumière et les couleurs des peintres vénitiens, un chapitre sur Raphaël, Véronèse et Titien (les titans de la toile), Bruegel.
  • Le XVIIe & XVIIIe avec Rembrandt, la peinture hollandaise, le baroque, la peinture classique, le rococo…
  • Le XIXe siècle avec le tournant de la Révolution, Goya, les romantiques, le naturalisme, l’impressionnisme, Rodin, Gauguin et Cézanne, Van Gogh.
  • Le XXe siècle avec le fauvisme, le cubisme, Le Bauhaus, l’expressionnisme, le surréalisme, l’art abstrait, le pop art, l’art contemporain…

Bref, un livre indispensable pour initier vos enfants à l’art, j’ai particulièrement apprécié la grande place accordée aux illustrations. J’ai aussi découvert grâce à ce livre le magnifique catalogue des éditions Palette qui propose de nombreux livres d’art à destination des enfants et des adultes. Si vous cherchez un cadeau intelligent à mettre sous le sapin, je ne saurais trop vous conseiller d’aller faire un tour sur leur site.

Ma première histoire de l’art, Editions Palette 2009, 111 pages /
Merci à Babelio