Catégorie : Lectures 2014

[Roman] Retour à Little Wing – Nickolas Butler

retour a little wingPour la 4ème année consécutive je participe aux matchs de la rentrée littéraire organisés par Price Minister. Après Le Pacte des vierges en 2011, Une place à prendre en 2012, Esprit d’hiver en 2013, j’ai choisi de recevoir cette année Retour à Little Wing.

Hank, Ronny, Lee et Kip n’ont pas grand chose en commun si ce n’est d’avoir grandi ensemble à Little Wing, une petite ville du Midwest américain. Lee est devenu un musicien et chanteur célèbre sous le pseudo de Corvin et parcourt les scènes du monde entier. Kip a fait fortune en devenant trader à Chicago. Ronny a été champion de rodéo avant que son addiction à l’alcool et un mauvais choc à la tête ne mettent fin à sa carrière. Hank, le pilier de la bande, a fait ce que tout le monde attendait de lui, il a eu 2 enfants avec Beth, son amour de jeunesse, et a repris la ferme familiale. Bien qu’ayant pris des routes radicalement différentes, ils sont restés amis, malgré le temps qui passe, l’éloignement, la célébrité, l’argent. Mais de petites en grandes trahisons, leurs liens vont se révéler plus fragiles qu’ils ne le pensaient.

Retour à Little Wing est un roman polyphonique dans lequel chaque personnage va prendre la parole à tour de rôle (Hank, Ronny, Lee, Kip, mais aussi Beth, la femme de Hank). C’est un livre doux-amer sur les aspirations de quelques trentenaires, et à travers eux peut-être d’une génération un peu perdue, toujours insatisfaite, qui semble toujours courir après quelque chose. Tout le monde envie Lee, qui a l’argent et le succès, alors que lui jalouse pourtant la vie simple de Hank et le couple solide qu’il forme avec Beth. Malgré sa réussite Kip aspire toujours à la reconnaissance de ses amis et de la communauté de Little Wing, au point de se ruiner pour acheter le vieux silo de son enfance pour en faire le coeur commercial de la ville. C’est une histoire d’amitié, de rêves, d’espoirs, de confiance, de jalousie, de fêlures… Une histoire dans laquelle il ne se passe finalement pas grand chose si ce n’est la vie, et c’est déjà pas mal. Même si le rythme est un peu monotone et que le propos manque parfois d’aspérités et de rudesse, j’ai beaucoup aimé faire un bout de chemin avec ces personnages fort attachants.

Retour à Little Wing de Nickolas Butler, 445 pages, éditions Autrement, août 2014

 

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[Roman] 22/11/63 – Stephen King

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La vie de Jake Epping, professeur d’anglais dans le Maine en 2011, bascule lorsqu’il découvre au fond du restaurant de son ami Al un passage vers l’année 1958. Gravement malade Al ne peut plus accomplir son grand projet, empêcher l’assassinat de Kennedy et modifier ainsi le cours de l’Histoire mondiale. Jake va donc le remplacer et passer 5 ans dans le passé, jusqu’au 22 novembre 1963. Mais le passé est tenace et va tout faire pour empêcher Jake de changer les évènements.

Stephen King revisite ici de façon brillante le thème du voyage dans le temps (qui est je l’avoue l’un de mes thèmes préférés, que ce soit en littérature ou au cinéma) et le décalage entre les années 60 et les années 2010 offre évidemment pas mal de pistes à exploiter, que ce soit du point de vue technologique, de l’environnement, de la place des femmes dans la société ou de la ségrégation. Mais 22/11/63 est surtout une enquête extrêmement fouillée sur l’assassinat de Kennedy: pendant de longs mois Jake va observer Lee Harvey Oswald, s’immiscer dans sa vie, pour comprendre comment le jeune homme en est arrivé à fomenter cet assassinat, et surtout (question qui taraude les américains depuis plus de 50 ans), s’il a agit seul. Jake, petit professeur d’anglais lambda va se transformer en héros anonyme et va tenter au péril de sa vie de modifier le cours de l’histoire mondiale mais aussi la destinée de certains de ses proches. Pendant plus de 1000 pages on s’attache aux pas de cet homme ordinaire placé dans une situation extraordinaire, et qui va être confronté à des choix de plus en plus cruels d’autant qu’il va progressivement trouver sa place dans le passé, travailler, tomber amoureux… Jusqu’où sera-t-il prêt à aller, quels sacrifices sera-t-il prêt à accomplir pour sauver Kennedy ? Je n’avais pas lu Stephen King depuis mon adolescence je crois, et j’ai été ravie de le redécouvrir à travers cet excellent roman.

22/11/63  de Stephen King, 1056 pages, éditions Le livre de poche, octobre 2014, 9,90€ sur Amazon

[Roman] Miss Alabama et ses petits secrets – Fannie Flagg

miss alabama et ses petits secretsA 60 ans, Maggie, agent immobilier et ex-Miss Alabama, est persuadée que la vie ne lui réserve plus rien et qu’il est temps de s’en aller sur la pointe des pieds. Elle prépare donc consciencieusement son suicide. Mais la volonté de Maggie que tout soit parfait, cette exigence maniaque qui lui a pourrit la vie va aussi ruiner tous ses efforts pour se suicider: il y a toujours quelque chose ou quelqu’un qui l’empêche de passer à l’acte…

J’ai été touchée par le personnage de Maggie, qui n’a eu de cesse au cours de sa vie de vouloir plaire à tout le monde, au détriment de son propre bien-être, et les personnages secondaires sont eux aussi très attachants, que ce soit Brenda et ses troubles alimentaires ou Hazel, que sa petite taille n’a jamais empêchée d’accomplir ses rêves. C’est avant tout un roman psychologique, certains lecteurs seront sans doute rebutés par un rythme assez lent et le fait qu’il ne se passe finalement pas grand-chose dans la plus grande partie du livre. Si c’est votre cas je vous conseille quand même de patienter jusqu’au dernier tiers du roman où survient subitement une énigme, liée à une des demeures dont s’occupe Maggie, que j’ai trouvé palpitante et qui relance le rythme du livre. Mon seul regret sur l’ensemble du roman est que l’auteur ne fait qu’effleurer certains thèmes qui auraient mérité d’être plus développés, comme celui de la lutte pour les droits civiques dans le Sud des Etats-Unis.

J’avais déjà beaucoup aimé le précédent roman de Fannie Flagg, Beignets de tomates vertes, et je n’ai pas été déçue par Miss Alabama et ses petits secrets. C’est un très joli roman sur le temps qui passe et les occasions manquées, plein de fraîcheur et de douceur, pas exempt de bons sentiments et de clichés certes, mais que l’on lit le sourire aux lèvres et dont on ressort gonflé à bloc.

Miss Alabama et ses petits secrets, éditions Le cherche-midi mai 2014, 433 pages – Note/4 etoiles

[Roman] La route du Cap – Jennifer McVeigh

Fin du XIXe: A la mort de son père criblé de dettes Frances se retrouve sans ressources et doit accepter la demande en mariage d’un jeune médecin, Edwin, installé en Afrique du Sud. Sur le bateau qui l’emmène vers ce pays inconnu et ce futur mari qu’elle n’aime pas, elle tombe amoureuse du séduisant William Westbrook.

Il m’a fallu un peu de temps pour m’attacher à Frances, jeune femme gâtée et naïve, et William et Edwin, les deux hommes de l’histoire, sont difficiles à cerner. Après un début un peu lent, c’est finalement quand Frances débarque enfin dans son pays d’adoption que je me suis totalement laissée embarquée par cette lecture.  A mille lieux de sa vie londonienne, Frances va découvrir les multiples visages de l’Afrique du Sud, de l’isolement du Veld aux quartiers miteux de la ville de Kimberley, les conditions déplorables de l’exploitation des mines de diamants (avec des ouvriers maintenus dans un quasi-esclavage) et la menace de la variole.

La route du Cap est le très beau portrait d’une femme dont les expériences successives vont forger le caractère. Avant de faire un choix entre le flamboyant William et le discret Edwin, Frances devra d’abord apprendre à se connaître elle-même. C’est un magnifique récit sur la peur et le courage, et surtout l’une des plus jolies histoires d’amour que j’ai pu lire récemment. J’ai dévoré les 300 dernières pages d’une traite, et après avoir tourné la dernière page, j’ai aussitôt regretté de n’avoir pas fait durer le plaisir un peu plus longtemps. C’est je crois le seul roman de Jennifer McVeigh à ce jour mais j’espère qu’il y en aura beaucoup d’autres !

La route du Cap, éditions Le livre de poche mai 2014, 552 pages – 5 étoiles

[Roman] Une héroïne américaine – Bénédicte Jourgeaud

une heroine américaineA la fin de ses études Amelia Earhart, une jeune intellectuelle très réservée, quitte la France sur un coup de tête pour échapper à sa mère un peu envahissante qui n’envisage la vie qu’à travers les romans Harlequin qu’elle traduit. Amelia s’installe au Canada et trouve un poste à l’Université de Toronto. De fil en aiguille elle va être amenée à s’intéresser aux grandes figures mythiques de l’Amérique du Nord, notamment Brownie Wise, qui a popularisé la marque Tupperware dans les années 50 en lançant les fameuses réunions chez les ménagères.

Ce roman a deux particularités, d’abord il a reçu le Prix du livre romantique 2014, ensuite c’est le premier livre français édité par les éditions Charleston.  J’ai beaucoup aimé l’alternance entre la vie d’Amelia Earhart au début des années 90 et celle de Brownie Wise dans les années 50. A priori ces deux femmes sont très différentes mais on finit par leur trouver des points communs, leur singularité et leur désir d’indépendance notamment. Je n’avais jamais entendu parler de Brownie Wise auparavant, et j’ai mis un peu de temps à comprendre qu’il ne s’agissait pas d’un personnage de fiction. J’ai été vraiment fascinée par le destin de cette femme, par sa volonté de sortir de sa condition, par son énergie, mais aussi par sa chute brutale. A travers Brownie on découvre aussi la difficulté des femmes à s’imposer sur le marché du travail à cette époque et les prémices du féminisme, de manière assez paradoxale puisque la marque Tupperware est plutôt attachée à l’image de la femme au foyer. J’ai aussi beaucoup apprécié la plume de l’auteur, légère et drôle, ce premier roman est vraiment  une excellente surprise!

A lire aussi l’avis des autres lectrices Charleston et l’interview de l’auteur
Vous pouvez aussi feuilleter les premières pages sur Amazon

Editions Charleston mai 2014, 288 pages –Note/4 etoiles