[Roman] La reine du silence – Marie Nimier

La petite Marie n’a que cinq ans lorsque son père, l’écrivain Roger Nimier, meurt dans un accident de voiture. Quarante ans plus tard, elle entreprend de dresser le portrait de ce père qu’elle a si peu connu.

A quelques bribes de souvenirs s’ajoutent une carte postale lapidaire, les portraits d’amis écrivains, les confessions des frères de Marie, les traces d’une correspondance, des photos à la Une de Paris-Match… Elle évoque, sans jamais le juger, ce père aux multiples démons, qui privilégiait son travail à sa famille, et pouvait se montrer particulièrement cruel. Sous la plume de la femme mûre, on retrouve les questions, les peurs et les doutes d’une petite fille qui tente de comprendre, de se rapprocher de ce père trop tôt disparu, afin d’apaiser ses propres tourments.

Sur le ton de la confidence, avec beaucoup de sensibilité et de pudeur, Marie Nimier offre un beau témoignage sur l’amour filial.

Gallimard 2004, 170 pages, 14.50€ – PRIX MEDICIS 2004 /

[Roman] Ceci n’est pas un roman – Jennifer Johnston

Depuis trente ans, Imogen est persuadée que son frère Johnny, un excellent nageur, n’est pas mort noyé. Elle raconte son adolescence auprès de ce frère tant aimé, le manque d’affection de leurs parents, l’arrivée du séduisant Bruno au sein de la famille. Et la lente progression du drame qui va aboutir à la disparition de son frère, et à son propre séjour dans une clinique spécialisée. Dans une vieille malle Imogen découvre aussi le journal intime de son arrière grand-mère, anéantie par la mort d’un de ses fils.

Sous forme d’un séduisant pêle-mêle textuel (extraits de différents journaux intimes, poèmes, lettres), l’auteur aborde les sujets les plus romanesques: l’amour, la folie, la mort, les secrets de famille, les tourments de l’adolescence. Mais ces thèmes plutôt classiques n’apparaissent jamais banals sous la plume légère et mélancolique de Jennifer Johnston. Un très joli roman porté par le personnage d’Imogen, très émouvant dans sa fragilité et sa solitude.

Belfond 2004, 195 pages, 18€ /

[Roman Jeunesse] Reine du fleuve – Eva Ibbotson

1910. La jeune Maia est orpheline et vit dans un pensionnat anglais lorsque les Carter, de lointains parents installés au Brésil, acceptent de l’adopter. Elle part alors vers l’inconnu avec la mystérieuse et revêche Mademoiselle Minton. Ses rêves s’évanouissent en découvrant sa nouvelle famille qui ne s’intéresse en fait qu’à la généreuse pension qui lui est versée. Mais elle va aussi découvrir la magie de l’Amazonie, se lier avec Finn, un jeune indien, et avec Clovis, un comédien anglais, avec qui elle va vivre de multiples aventures.

Une douce orpheline dans un pensionnat anglais et de méchants parents, nous voilà dans la plus pure tradition du roman pour enfants. De fait, l’on peut parfois regretter un manichéisme un peu désuet et le manque d’aspérités de l’héroïne. On découvre en revanche avec beaucoup d’intérêt le Brésil au début du XXème siècle, sa faune et sa flore, les autochtones, les explorateurs et les colonisateurs. Un joli récit initiatique plein d’exotisme qui a reçu le prix Smarties 2001, décerné par plus de mille écoles anglaises.

Albin Michel Jeunesse 2004 (collection Wiz), 381 pages, 15€/

[Roman] Merci – Daniel Pennac

Un artiste reçoit un prix pour l’ensemble de son œuvre. Seul sur scène, il doit sacrifier au traditionnel discours de remerciement.

Merci, oui, mais à qui, pourquoi, comment? Ces questions et l’ambiguïté du terme ( “Etre remercié” ou “à la merci de”…) font naviguer le personnage entre l’humour et la mélancolie. Il s’interroge sur son métier, sur ces gens qui le jugent, fouille ses sentiments, met à jour ses doutes et ses rancœurs. D’une digression à l’autre, il entre dans une sphère plus intime, évoque la solitude, la sincérité de ses amis ou de sa famille, l’impossibilité de remercier en amour.

Merci est un exercice de style déroutant mais plein de charme. Pennac s’amuse avec le cadre convenu et rigide du discours de remerciement, détourne les règles et repousse les limites du genre. Merci est un monologue doux-amer à savourer, une friandise pour les fans de Pennac!

Gallimard 2004, 127 pages, 13.50€/