Catégorie : Lectures

Vous plaisantez monsieur Tanner – Jean-Paul Dubois

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Monsieur Tanner, documentariste animalier, hérite d’un vieil oncle une grande demeure en piteux état. Pour accomplir d’importants travaux de rénovation, il doit faire
appel à différents artisans: Couvreurs fourbes et voleurs, électricien bigot et incompétent, maçon antipathique, peintre frustré ou chauffagiste maladroit, tous vont rivaliser d’ingéniosité pour
faire de la vie de Monsieur Tanner un enfer…
Des artisans plus étranges les uns que les autres, un narrateur naïf et un peu lâche, Jean-Paul Dubois livre ici une jolie galerie de personnages. Bien que le trait
soit souvent grossi, le défilé des professionnels et la description de leurs travers en tous genres sont plutôt drôles. Et les chapitres courts donnent un roman rythmé qui se lit vite
et facilement. Pourtant, “Vous plaisantez Monsieur Tanner” atteint rapidement ses limites en se cantonnant à une accumulation de portraits, sans vraiment chercher à approfondir le propos.
Je suis donc restée sur ma faim avec ce livre sympathique mais un peu léger.

Editions de l’Olivier 2006, 198 pages, 16.50€

Le monde connu – Edward P. Jones

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Henry Towsend meurt dans l’état de Virginie en 1850, quelques années avant la guerre de Sécession. Cet ancien esclave laisse à sa femme Caldonia la responsabilité
d’une plantation et d’une trentaine d’esclaves, dont Moïse, son fidèle surveillant. Caldonia est épaulée notamment par Robbins, l’ancien maître blanc d’Henri, ainsi que par les deux enfants qu’il
a eu avec sa maîtresse noire, Louis et Dora. Le Shérif a quant à lui monté une milice destinée à surveiller les allées et venues des esclaves de la région.

Difficile de résumer ce roman foisonnant! A travers une multitude de portraits, Edward P. Jones construit une grande fresque sur
l’esclavagisme. L’auteur traite le sujet sans manichéisme, décrit avec beaucoup de nuances les rapports complexes et ambigüs qu’entretiennent noirs et blancs, maîtres et esclaves, ainsi que
la difficulté des affranchis à trouver leur place. J’ai eu du mal à entrer dans l’histoire, à trouver mes repères: Il y a beaucoup de personnages, d’histoires qui se
recoupent, d’allers-retours dans le temps, une avalanche de détails et de digressions.  Malgré la qualité du propos et de l’écriture, la richesse, la densité même de ce
roman sont assez déroutantes,  et l’histoire s’éparpille trop pour que l’on puisse vraiment s’attacher aux personnages. “Le monde connu” est une oeuvre ambitieuse, mais un peu trop
copieuse à mon goût.

Prix Pulitzer 2004
Albin Michel 2005, 512 pages, 22.50€

De l’art de conduire sa machine – Steven Carroll

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Vic, Rita et leur fils Michael vivent dans un faubourg de Melbourne, à la fin des années 50. Ce samedi soir, ils sont invités chez leur voisin Georges Bedser, qui fête
les fiançailles de sa fille Patsy. Au cours de la promenade nocturne qui les mène à cette soirée, on découvre les difficultés de ce couple: Vic, conducteur de locomotives, est dévoré par la
maladie et l’alcool. Rita, bien trop élégante pour ce quartier étriqué, et désespérée par la lente déchéance de son mari, songe à tout quitter; Michael n’a quant à lui qu’un rêve, lancer la balle
de cricket parfaite, son ticket pour s’évader de cette triste banlieue.
Je me suis beaucoup ennuyée pendant la première moitié de ce roman, la trame très mince, le temps étiré à l’extrême (il faut près de 100 pages à Vic et Rita pour se
rendre à la fameuse soirée!) et la mise en scène théâtrale rendent la lecture assez soporifique. J’ai pourtant fini par me laisser happer par cette atmosphère triste et nostalgique, par ce
sentiment d’une époque qui s’achève. On s’attache à ces personnages ordinaires, à leurs vies banales, à leurs doutes et leurs failles.  “De l’art de conduire sa machine” est une longue pause
dans l’existence de ces personnages, que chacun d’entre eux met à profit pour s’interroger sur sa vie de couple et sur l’amour. Tous sont à un tournant de leur vie, confrontés à un choix
difficile, continuer à subir leur destin ou prendre enfin leur vie en main. S’attachant aux nuances du quotidien, Steven Carroll évoque ainsi la vie et ses tragédies en toute simplicité. Et même
s’il faut du temps pour apprivoiser l’univers de ce roman, on est finalement conquis par le charme qu’il distille par petites touches.

Phebus 2005, 232 pages, 19€

Meurtres à Pékin – Peter May

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Un homme est brûlé vif dans un parc de Pékin. Deux autres corps sont retrouvés dans la capitale chinoise, à deux endroits différents, et seul un mégot de cigarette
près de chaque cadavre permet de faire le lien entre ces trois affaires. L’enquête incombe au fraîchement promu commissaire Li Yan, qui sera aidé, un peu malgré lui, par Margaret, un médecin
légiste américain venue donner une série de conférences en Chine.
“Meurtres à Pékin” est le premier volume de la série chinoise de Peter May (le second volume, “le quatrième sacrifice” vient tout juste de paraître). Les amateurs de
polars seront déçus, l’enquête étant rapidement délaissée au profit d’une description de la vie quotidienne chinoise. Peter May a visiblement accompli un gros travail de documentation pour
décrire au plus près cette société en pleine mutation, qui reste marquée par le fer rouge de la révolution culturelle.
Menée sur un ton trop pédagogique, cette plongée mal maîtrisée au coeur des moeurs chinoises se noie malheureusement dans les détails et les longueurs. La goutte
d’eau est sans doute l’inévitable histoire d’amour qui  joue sur tous les clichés possibles, de les opposés s’attirent à Je t’aime moi non plus. Le
résultat final est d’autant plus décevant que les bonnes idées (le choc des cultures, le danger des OGM) ne manquent pas dans ce roman, dommage qu’elles soient si mal exploitées.
Sélection Polar du Grand Prix des Lectrices de Elle
Editions du Rouergue 2005, 414 pages, 20€

Magnus – Sylvie Germain

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Franz-Georg, un petit garçon allemand de 5 ans, a perdu la mémoire à la suite d’une forte fièvre. Patiemment, sa mère lui retrace ces années oubliées, reconstruit ses
souvenirs perdus. Inséparable de son ourson élimé prénommé Magnus, Franz-Georg vit ainsi dans un cocon familial dominé par un père un peu distant qu’il admire pourtant sans réserve. Mais la fin
de la guerre 39-45, la défaite de l’Allemagne, la fuite de ses parents vont bouleverser à nouveau l’existence du petit garçon.
La construction du roman, qui joue sur l’alternance entre la vie de Franz-Georg et de courtes séquences (la bio d’un personnage, un poème, etc…), donne un bon rythme
au récit. On suit avec passion la vie chaotique de Franz-Georg, les révélations sur sa famille, sa folle quête d’identité, les nombreux drames qui jalonneront son existence. Le jeune homme, très
attachant, tente de se construire sur des fondations bancales, confronté sans cesse au trou noir de sa petite enfance qui a été comblé à grand coup d’illusions et de mensonges. J’ai
cependant été un peu déçue par la dernière partie du roman, qui sombre dans le mystique et élude les réponses romanesques. Je n’ai pas non plus complètement adhéré au style un peu trop
travaillé de Sylvie Germain, à son écriture un peu froide. Malgré ces quelques réserves, ce roman ambitieux est vraiment très agréable à lire.
Prix Goncourt des Lycéens 2005
Albin Michel 2005, 274 pages, 17.50?