Catégorie : Lectures

Les Trois médecins – Martin Winckler

En 1999, Martin Winckler connaissait son premier succès de librairie grâce à La maladie de Sachs dans lequel il racontait le quotidien d’un médecin généraliste, Bruno Sachs. Dans Les trois médecins, l’on retrouve notre héros quelques années plus tôt, pendant ses études de médecine. Parallèlement à une histoire d’amitié entre quatre futurs médecins, leurs amours et leurs emmerdes, Martin Winckler dresse le portrait de la médecine dans les années 70: le carcan rigide des études, les humiliations et les conflits au sein des facs, le combat pour le droit des femmes (avortement et contraception), la remise en question de la place du médecin et de son rapport au patient, ou les premiers scandales pharmaceutiques (comme celui du distilbène).

La construction du roman, inspirée de Les trois mousquetaires d’Alexandre Dumas, est assez complexe. Ce roman polyphonique alterne les époques, les points de vues, les articles médicaux. Les Trois médecins est un livre foisonnant qui réussit le tour de force d’être à la fois divertissant et instructif, porté par le talent de Martin Winckler pour évoquer des tranches de vies.

P.O.L 2004/Folio 2006 – Note/4 etoiles

[Polar] La souris bleue – Kate Atkinson

La souris bleue est d’abord un polar à trois facettes: La petite Olivia disparaît mystérieusement en 1970 dans le jardin familial; Laura, 18 ans, est égorgée en 1994; Michelle assassine son mari en 1979 d’un coup de hache. En 2004, les proches de ces victimes embauchent tour à tour le même détective privé, Jackson Brodie. Voilà de sacrés défis pour ce quadragénaire de Cambridge, plutôt habitué aux affaires ennuyeuses de maris jaloux.

Kate Atkinson jongle avec les différentes intrigues avec une incroyable virtuosité. Elle construit un suspens sans faille, en distillant les indices au compte-gouttes et en multipliant les fausses pistes. Mais le terme “polar” semble une étiquette bien étriquée pour cette formidable comédie humaine, dans laquelle on croise une belle palette de personnages marginaux autour d’un détective, solitaire, désabusé et râleur, et pourtant si attachant.

Dans ce roman à tiroirs où les milieux sociaux, les générations, les personnages et les époques se croisent et s’entremêlent, l’auteur décortique l’âme humaine révélée par les drames familiaux. Avec un regard et un humour “so british”, elle aborde les drames qui jalonnent ce roman avec une ironie délicieuse, et elle effleure la noirceur pour mieux parler d’amour et d’espoir.

Editions de Fallois 2004/Le livre de poche 2006 – 5 étoiles

[Roman] La reine du silence – Marie Nimier

La petite Marie n’a que cinq ans lorsque son père, l’écrivain Roger Nimier, meurt dans un accident de voiture. Quarante ans plus tard, elle entreprend de dresser le portrait de ce père qu’elle a si peu connu.

A quelques bribes de souvenirs s’ajoutent une carte postale lapidaire, les portraits d’amis écrivains, les confessions des frères de Marie, les traces d’une correspondance, des photos à la Une de Paris-Match… Elle évoque, sans jamais le juger, ce père aux multiples démons, qui privilégiait son travail à sa famille, et pouvait se montrer particulièrement cruel. Sous la plume de la femme mûre, on retrouve les questions, les peurs et les doutes d’une petite fille qui tente de comprendre, de se rapprocher de ce père trop tôt disparu, afin d’apaiser ses propres tourments.

Sur le ton de la confidence, avec beaucoup de sensibilité et de pudeur, Marie Nimier offre un beau témoignage sur l’amour filial.

Gallimard 2004, 170 pages, 14.50€ – PRIX MEDICIS 2004 /

[Roman] Ceci n’est pas un roman – Jennifer Johnston

Depuis trente ans, Imogen est persuadée que son frère Johnny, un excellent nageur, n’est pas mort noyé. Elle raconte son adolescence auprès de ce frère tant aimé, le manque d’affection de leurs parents, l’arrivée du séduisant Bruno au sein de la famille. Et la lente progression du drame qui va aboutir à la disparition de son frère, et à son propre séjour dans une clinique spécialisée. Dans une vieille malle Imogen découvre aussi le journal intime de son arrière grand-mère, anéantie par la mort d’un de ses fils.

Sous forme d’un séduisant pêle-mêle textuel (extraits de différents journaux intimes, poèmes, lettres), l’auteur aborde les sujets les plus romanesques: l’amour, la folie, la mort, les secrets de famille, les tourments de l’adolescence. Mais ces thèmes plutôt classiques n’apparaissent jamais banals sous la plume légère et mélancolique de Jennifer Johnston. Un très joli roman porté par le personnage d’Imogen, très émouvant dans sa fragilité et sa solitude.

Belfond 2004, 195 pages, 18€ /

[Roman Jeunesse] Reine du fleuve – Eva Ibbotson

1910. La jeune Maia est orpheline et vit dans un pensionnat anglais lorsque les Carter, de lointains parents installés au Brésil, acceptent de l’adopter. Elle part alors vers l’inconnu avec la mystérieuse et revêche Mademoiselle Minton. Ses rêves s’évanouissent en découvrant sa nouvelle famille qui ne s’intéresse en fait qu’à la généreuse pension qui lui est versée. Mais elle va aussi découvrir la magie de l’Amazonie, se lier avec Finn, un jeune indien, et avec Clovis, un comédien anglais, avec qui elle va vivre de multiples aventures.

Une douce orpheline dans un pensionnat anglais et de méchants parents, nous voilà dans la plus pure tradition du roman pour enfants. De fait, l’on peut parfois regretter un manichéisme un peu désuet et le manque d’aspérités de l’héroïne. On découvre en revanche avec beaucoup d’intérêt le Brésil au début du XXème siècle, sa faune et sa flore, les autochtones, les explorateurs et les colonisateurs. Un joli récit initiatique plein d’exotisme qui a reçu le prix Smarties 2001, décerné par plus de mille écoles anglaises.

Albin Michel Jeunesse 2004 (collection Wiz), 381 pages, 15€/