Catégorie : Lectures – Classement par Genre

Les grandes espérances – Charles Dickens

Ce recueil publié dans la collection Bouquins de Robert Laffont rassemble les textes écrits par Dickens dans les 10 dernières années de sa vie (entre 1860 et 1870 donc). On y trouve le tout dernier roman de Dickens resté inachevé, Le mystère d’Edwin Drood, plusieurs récits de Noël (Voix sans issue, Les ordonnances du docteur Marigold, L’embranchement de Mugby et Georges Silverman), et Les grandes espérances. Pour des raisons pratiques, je commenterais séparément ces différents textes.

Depuis la mort de ses parents le jeune Philip Pirrip, surnommé Pip, est élevé  “à la main” par sa sœur et son forgeron de mari, Joe, aussi doux et gentil que sa femme peut-être rude et sévère. Destiné à devenir l’humble apprenti de Joe, Pip va voir sa vie bouleversée par une série de rencontres étranges: D’abord un forçat caché dans  les marais qui va le contraindre à lui venir en aide, puis une vieille femme à moitié folle, Miss  Havisham qui vit recluse, dans le douloureux souvenir d’une violente déception amoureuse. Devenu un jeune homme, épris de la belle et inaccessible Estelle,  Pip a l’opportunité de partir s’installer à Londres et de changer radicalement le cours de son existence. Mais quel sera le prix de ses grandes espérances?

J’ai eu un peu de mal à entrer dans cet imposant roman: Toute la partie autour de l’enfance de Pip m’a souvent parue décousue et un peu fastidieuse à lire. Il faut dire que Pip n’est pas vraiment un personnage sympathique et attachant. Insipide, sans caractère, passif, il se laisse  toujours porter par les évènements (et l’on découvrira par la suite  qu’il est en plus particulièrement ingrat et égoïste!). Peut-être ce personnage un peu décevant n’est il  finalement là que pour mieux mettre en valeur d’autres protagonistes plus intéressants: A commencer par Joe, le beau-frère de Pip, être à la fois ignorant et délicat, un souffre-douleur tout désigné dont les maladresses m’ont beaucoup touchées. Et aussi  l’indescriptible Miss Havisham, enfermée dans son immense demeure et dans sa douleur:  Invariablement vêtue de sa robe de mariée, elle a des allures fantomatiques, et certaines descriptions de son intérieur macabre donnent le frisson.

J’ai été plus sensible à la suite du roman qui se déroule à Londres, le rythme s’accélère, les rebondissements s’enchaînent. Et même si Pip est toujours aussi tête-à-claques, là encore Dickens s’amuse à faire intervenir des personnages plus farfelus les uns que les autres, non sans un certain humour (Mention spéciale à Wemmick, un clerc de notaire qui vit dans une demeure incroyable avec son vieux père sourd comme un pot). Je referme ce roman avec un sentiment mitigé, l’histoire ne m’a pas transportée mais j’ai vraiment beaucoup aimé certains personnages…  Peut-être n’ai je pas choisi le roman idéal pour aborder l’univers de Dickens? Je n’arrêterais de toutes façons pas là ma découverte de son œuvre.

Editions Robert Laffont 2010 (Collection Bouquins), 860 p, 26€  (Traduction de Jean Gattégno). Lu dans le cadre d’un partenariat avec Blog-o-book et les éditions Robert Laffont, merci!

Les pintades

les pintades à téhéran

3 etoiles

Après Une vie de pintade à Paris, qui m’avait moyennement convaincu,  c’est donc le deuxième livre de la collection des Pintades que je lis, celui-ci étant consacré à Téhéran. Le concept est toujours le même, mêler guide touristique (avec les bonnes adresses et les bons plans de Téhéran) et chronique sociale au féminin. L’auteur, Delphine Minoui a habité en Iran pendant  plusieurs années et nous fait partager la vie quotidienne des Téhérannaises que ne peuvent imaginer les touristes, car ici plus qu’ailleurs le fossé entre la vie publique et la vie privée est énorme!  Nos pintades cultivent leurs contradictions (derrière les foulards se cachent des femmes très soucieuses de leur apparence), et multiplient les petits arrangements quotidiens avec le pouvoir religieux.

Dépaysement oblige, j’ai appris pas mal  de choses, mais comme dans “Une vie de pintade à Paris”,  certains côtés m’ont agacé, comme ce ton faussement enjoué, un peu forcé, qui imite le style des magazines féminins. Et alors que je m’attendais à ce que ce volume consacré aux iraniennes soit plus profond que celui dédié aux Parisiennes, quelle déception (!) de découvrir que toutes les pintades du monde semblent avoir les mêmes sujets de préoccupation: il n’est question à longueur de pages que de maquillage, de coiffure, de lingerie, de défilé de mode, de chirurgie esthétique ou  d’épilation… Qu’elles soient de Paris ou de Téhéran,  ces pintades me semblent désespérément frivoles et je ne suis pas sûre de toujours saisir la différence entre une pintade nouvelle et une bonne dinde traditionnelle. La condition féminine en Iran est traité avec trop de légèreté à mon goût, les sujets sérieux vite évacués. Et même si quelques trop rares passages abordent des sujets moins futiles (comme le portrait du prix Nobel Chirine Ebadi, ou des réflexions intéressantes sur le port du foulard, sujet d’actualité!), je n’aime décidément pas l’image des femmes que véhicule cette collection.

Le livre de poche 2009, 280 pages, 6,50€

Une lecture commune avec Sylire.

Lu aussi par Keisha qui nous offre en prime quelques photos de son voyage en Iran, Enna a abandonné ce livre,  Liliba a trouvé ça “amusant, plein d’anecdotes, de portraits sympathiques” mais a ressenti un certain malaise tout au long de sa lecture, pour Lorraine il s’agit d'”une plongée très instructive dans un univers féminin en effervescence”, Clarabel est la plus enthousiaste.

Robe de mari

Note/4 etoiles

robe de marieSophie est une jeune et jolie parisienne qui a tout pour être heureuse. Mais petit à petit elle devient folle. D’abord de petits  trous de mémoire sans conséquences, mais  qui deviennent de plus en plus fréquents et graves. Sa vie lui échappe de manière insidieuse, et elle finit par accomplir des gestes irréparables dont elle ne garde aucun souvenir. Elle perd son boulot, sa famille est décimée, ses amis s’éloignent, et Sophie se retrouve seule. Alors qu’elle croit avoir enfin retrouvé un semblant d’équilibre en devenant la nounou sans histoires d’un petit garçon, elle commet à nouveau un meurtre effroyable et entame une cavale sans fin.

En commençant ce roman, je n’imaginais pas dans quel piège diabolique j’allais tomber! La première partie est assez déstabilisante, on plonge avec Sophie dans la spirale infernale de la folie. Mais quand bien même elle sème sur son passage plus d’un cadavre, on se prend à éprouver de la pitié, voire même de la compassion pour cette jeune femme perdue, impuissante à lutter contre elle-même. Et puis soudain un retournement de situation inattendu (dont je ne vous dirais rien bien sûr) bouleverse toutes nos certitudes et change radicalement la perspective du roman, vous laissant le souffle coupé. A ce stade le lecteur est ferré, et bien ferré, impossible alors de lâcher ce redoutable thriller. J’ai passé un excellent moment avec ce livre même s’il faut bien avouer que  tout ça n’est pas toujours très crédible, certains éléments sont vraiment peu vraisemblables. Autre bémol, la fin m’a un peu déçue, je m’attendais à quelque chose de différent, de plus spectaculaire peut-être. Mais Pierre Lemaître sait en tous cas merveilleusement jouer avec nos nerfs, et “Robe de marié” est un très bon page-turner!

Le livre de poche 2009, 314 pages, 6,50€. Ce livre m’a été offert par l’éditeur.
Lu aussi par Cuné, Stephie, Kathel, Canel

Le baiser de l’ange (Tome 1) – Elizabeth Chandler

le baiser de l'ange3 etoiles

Depuis toujours la douce et belle Ivy croit fermement à l’existence des anges, et collectionne les figurines qui les représentent. Suite au remariage de leur mère, Ivy et son petit frère Philip quittent leur quartier populaire pour s’installer dans la demeure cossue de leur nouveau beau-père, qui a lui-même  un fils, Gregory, un jeune homme ténébreux et insaisissable. Dans son nouveau lycée, la jeune fille tombe sous le charme de Tristan, un beau champion de natation qui va l’aider à affronter sa peur de l’eau.

Si les vampires occupent une grande place dans la littérature jeunesse actuelle, les éditeurs semblent vouloir explorer d’autres pistes et diversifier leur offre:  Pour sa fameuse collection Black Moon, Hachette édite donc cette fois une série dédiée aux anges, publiée aux Etats-Unis  il y a une quinzaine d’années.

La bluette entre Tristan et Ivy occupe une large place dans ce premier tome, tout ça est très mignon, rien de terriblement exaltant mais leur relation est plutôt touchante. Ce sont surtout les personnages secondaires qui m’ont plu: J’ai beaucoup aimé l’ambiguïté de Gregory par exemple, le fils du beau-père d’Ivy, qui apparaît d’abord comme un personnage détestable et arrogant, puis le vernis semble se craqueler et on croit deviner chez lui une sensibilité et une souffrance inattendues qui déstabilisent le lecteur. Est il sincère? Ou n’est il qu’un dangereux manipulateur? L’auteur ménage un peu trop sa monture dans la première partie, comme c’est souvent le cas dans les séries de ce type malheureusement, et elle réserve les évènements importants pour la fin du roman et, sans doute, pour les tomes suivants. La dernière partie du livre est vraiment plus intéressante, après un évènement tragique,  le roman semble enfin démarrer et prendre une nouvelle dimension: il y a un peu plus de rythme, de rebondissements, et d’humour avec l’apparition d’un nouveau personnage assez drôle et facétieux.

Ce premier tome ne m’a pas complètement convaincu, mais une fois la dernière page tournée il reste  en tous cas assez de questions en suspens pour titiller mon imagination et me donner envie de lire la suite (qui sera disponible dans les librairies en juillet prochain).

Editions Hachette Jeunesse (collection Black Moon), 232 pages, 14€. Titre original: Kissed by an angel, traduction de Catherine Guillet.

Lu dans le cadre d’un partenariat avec le forum Livraddict , ce livre m’a été offert par Les éditions Hachette Jeunesse, merci!
Lu aussi par Clarabel, Stephie, Pimprenelle, Fée Bourbonnaise, Heclea, Jess

Dark-side-challenge

L’amour est à la lettre A – Paola Calvetti

L'amour est à la lettre A

3 etoiles

Divorcée et mère d’un adolescent, Emma plaque son boulot de traductrice pour ouvrir à Milan “Rêves & sortilèges”, une librairie entièrement dédiée à la littérature amoureuse. Federico, son premier amour, refait alors brusquement irruption dans sa vie. Devenu un brillant architecte,  il vit à New-York avec sa femme et sa fille. Après de brèves retrouvailles Federico propose à Emma d’ouvrir une boite postale et d’entamer une correspondance “à l’ancienne”  afin qu’ils réapprennent à se connaître.

Quelle jolie idée que de vouer une librairie aux mots et aux maux d’amour, de déambuler dans des rayons consacrés aux amours impossibles ou  aux cœurs brisés. “Rêves & sortilèges” est une bulle hors du temps où l’on chouchoute les livres et les lecteurs, et au fil des mois Emma et ses employés feront de cette librairie un endroit privilégié où se réfugient les habitants du quartier pour y parler littérature, et un peu plus selon les affinités.  Paola Calvetti saisit toutes les occasions d’évoquer tel ou tel roman,  oeuvres classiques ou contemporaines,  elle y cite aussi bien Marc Levy que les soeurs Brontë, Musso que Shakespeare, et j’ai noté au cours de ma lecture beaucoup de titres inconnus ou oubliés.

En revanche, que dire de la correspondance entre Emma et Federico? Federico est un type plutôt antipathique, infidèle et lâche, et sa relation avec Emma m’a fait plus d’une fois grincer des dents! Et moi qui ai pourtant une tendresse particulière pour les romans épistolaires, j’ai trouvé leurs lettres insipides, bavardes et répétitives, Federico s’attardant en plus longuement sur des considérations architecturales qui m’ont parues interminables. Un avis en demi-teinte donc, “L’amour est à la lettre A” est une lecture agréable qui sait flatter nos instincts de lecteurs (Nous aimons tous qu’on nous parle de livres, oui ça marche à tous les coups!). J’ai donc beaucoup apprécié les passages consacrés à la librairie d’Emma (et quel plaisir aussi de lire quelques belles pages sur  Belle-ile-en-mer, une ile bretonne chère à mon cœur, où les deux amoureux passent quelques jours) mais je n’ai pas été touchée par l’histoire d’amour entre Emma et Federico.

Editions Presses de la cité, 380 pages, 20€
Une lecture commune avec Canel et Mara.  Et cliquez ici pour découvrir la librairie Rêves & Sortilèges!

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Deux extraits:

(extrait p. 328/329) Les livres sont là pour être touchés, pris en main, au lit, sur un banc, dans l’autobus, sur un canapé, par terre, couchés dans l’herbe. Même sur le ciment. Les gens lisent pendant qu’ils attendent. Ou dans les gares. Dans une chaise longue sur la plage, les romans se dégustent aux premières heures du matin ou au coucher du soleil. Dans la salle d’attente du dentiste, j’allège la tension en lisant; je le fais aussi chez l’esthéticienne pour supporter la douleur de la cire à épiler. Je lisais Lewis Carroll à Disneyland, pendant que Mattia tournait dans les “tasses d’Alice” et dévalait les montagnes russes avec son père. Ce que je préfère, ce sont les trains, la plus vaste salle de lecture du monde, sur tous les continents. Ceux qui n’ont pas mal au cœur lisent en voiture, comme cette Américaine qui éclaire les pages avec la lampe d’un casque de mineur pendant que son mari conduite en écoutant de l’opéra. C’est fantastique, un livre, ça n’a pas besoin de prise, de chargeur, de batterie, ça supporte avec patience le stylo-bille, le crayon, les marques et les “cornes” aux pages. Le livre c’est ma vie parallèle il me fait avoir partout de la famille et des amis, même morts. Quand je lis, j’oublie qui je suis. Je ne me rappelle pas qui disait que lire des livres c’est comme fumer, et que le plus beau, c’est qu’on n’a pas besoin d’arrêter (…)

(Extrait p. 354): Pour se sauver, on lit. On s’en remet à un geste méticuleux, une stratégie de défense, évidente mais géniale. Pour se sauver, on lit. Un baume parfait. Parce que peut-etre, pour tout le monde, lire c’est fixer un point pour ne pas lever les yeux sur la confusion du monde, les yeux cloués sur ces lignes pour échapper à tout, les mots qui l’un après l’autre poussent le bruit vers un sourd entonnoir par où il s’écoulera dans ces petites formes de verre qu’on appelle des livres. La plus raffinée et la plus lâche des retraites. Très douce. Qui peut comprendre quelque chose à la douceur s’il n’a jamais penché sa vie, sa vie toute entière, sur la première ligne de la première page d’un livre? C’est la seule, la plus douce protection contre toutes les peurs. Un livre qui commence.