Catégorie : Lectures – Classement par Genre

[Roman] Quand j’étais Jane Eyre – Sheila Kohler

quand j'étais jane eyre

Qui donc voudrait lire les écrits de la fille d’un obscur pasteur, installée au fin fond du Yorkshire? Et qu’est qu’elle a bien pu raconter? Que sait-elle, ayant vécu la plus grande partie de sa vie isolée, préservée, protégée dans un presbytère reculé, sans rien autour d’elle sinon la lande nue, ses soeurs célibataires, sa tante célibataire, une vieille servante ignorante, un frère délinquant et un père pasteur? (…)Elle a passé ses jours soit à  la maison, soit en internat, soit à  faire l’institutrice pour des petits-enfants, prisonnière de diverses nurseries, comme une nonne. Que sait-elle du coeur humain, de l’amour?

Manchester, 1846. Charlotte Bronté veille son père qui vient de subir une opération des yeux, alors que ses deux jeunes soe“urs, Anne et Emily, et son frère Branwell sont restés dans la maison familiale de Hanworth. Elle profite du silence et de la solitude pour écrire un nouveau roman, Jane Eyre.

Sheila Kohler signe ici une biographie romancée sur la vie des soeurs Bronté«. Elle se glisse dans le sillage de Charlotte pour évoquer ces trois jeunes femmes de santé fragile et que la vie n’épargnera pas: la mort prématurée de leur mère et de leurs deux soe“urs ainées, leur enfance sous la coupe d’un père rigide et d’une tante sévère, la violence du pensionnat, la folie du frère adoré, leurs vies sentimentales gâchées. Alors les trois soe“urs écrivent sans relâche, puisant dans leur source inépuisable de malheurs la force de leurs romans respectifs. L’auteur trace sans cesse des lignes entre la vie des trois soe“urs et leurs romans. Ainsi Monsieur Rochester a t-il été inspiré à Charlotte par son professeur, Monsieur H., dont elle était follement amoureuse? L’atmosphère est merveilleusement  bien rendue, on imagine les trois soeurs travaillant sur la table familiale, se lisant tour à tour à voix haute les passages qu’elles viennent d’écrire, naviguant entre complicité et rivalité. Elles enverront leurs premiers romans ensemble sous un pseudonyme commun (masculin bien sûr) mais quand  Les hauts de Hurlevent d’Emily et Agnès Grey d’Anne sont enfin publiés,  Charlotte reste sur le bord de la route avec Le professeur, et la relation entre les trois soeurs est alors chahutée.

Quand j’étais Jane Eyre est un livre pudique et raffiné, empli d’une infinie tristesse, que l’on termine la gorge serrée, mais avec l’irrépressible envie de (re)lire Jane Eyre et Les Hauts de Hurlevent.

Le nom lui vient comme ça. Elle ne croit pas l’avoir jamais entendu. A-t-elle connu quelqu’un qui le portait? L’a-t-elle aperçu sur un blason dans une église? Est-il inspiré de la rivière et la belle vallée de l’Ayre qu’elle connaît si bien? Vient-il de l’air, ou du feu, peut-être? Il y aura du feu et de la colère dans son livre, il sera en guerre contre le monde tel qu’il est. Injuste! Injuste! Colère visionnaire: elle est celle qui voit maintenant pour son père. Le voyeur, l’observateur, c’est elle. Jane si ordinaire, Emily Jane, le deuxième prénom de sa soeur chérie, Jane, si proche de Jeanne, la courageuse Jeanne d’Arc, Jane si proche de Janet, Jeannette, la petite Jane. Un nom qui évoque le devoir et la tristesse, l’enfance et l’obéissance mais aussi le courage et la liberté, un nom d’elfe, un nom de fée, mi-esprit, mi-chair. Lumière dans la nuit, vérité au milieu de l’hypocrisie. Le nom de quelqu’un qui voit: Jane Eyre.

Editions de La Table Ronde (collection Quai Voltaire), 260 pages / 5 étoiles
Lecture en partenariat avec Newsbook.

[Roman jeunesse] Carnet intime dun vampire timide Tim Collins

Nigel pourrait être un ado de 15 ans comme les autres, un lycéen un peu mou, jamais content et pas très populaire, il est amoureux de la jolie Chloé, qui ne s’intéresse pas à lui. Sauf que sous son apparence affreusement  banale, Nigel est en fait un vampire qui va bientôt fêter ses 100 ans.

Avant d’ouvrir ce livre, oubliez tout ce que vous pensez savoir sur les vampires : la beauté fatale, le charme ombrageux, les pouvoirs surnaturels… Nigel n’a vraiment rien à voir avec Edward Cullen, c’est un vampire catégorie looser, coincé depuis 100 ans dans le corps d’un adolescent boutonneux, condamné à aller au lycée, à vivre chez ses parents et à supporter sa petite sœur pour l’éternité. Incapable de se procurer du sang lui-même, il doit compter sur ses proches pour survivre et est toujours à la traîne lors des balades familiales, puisqu’il n’a pas hérité de la phénoménale vitesse de ses congénères. Et en plus il n’a jamais eu de petite amie… Alors forcément on le plaint Nigel et on s’attache vite à lui. A mi-chemin entre la chronique adolescente et le roman de bit-lit, ce roman n’est pas un énième ersatz de Twilight & co, il m’a plutôt rappelé Le journal secret d’Adrian Mole, 13 ans ¾ de Sue Townsend . C’est léger et décalé et j’ai bien aimé le fait qu’il se présente sous la forme d’un journal intime, un genre que j’apprécie beaucoup. Je m’attendais peut-être à quelque chose de plus drôle mais globalement j’ai trouvé que c’était une parodie plutôt rafraichissante.

Editions Hugo & cie 2011, 234 pages/

  • Livre offert par l’éditeur.
  • Vous trouverez d’autres avis de blogueurs sur la page facebook du livre.

[Roman] Rêves oubliés – Léonor De Récondo

En 1936, un couple de basques espagnols, Ama et Aïta, doivent brutalement fuir leur pays avec leur famille, leurs trois fils, les parents d’Ama, ainsi que ses deux frères, des activistes. Ils abandonnent tout derrière eux et se réfugient un temps à Hendaye chez une amie, Mademoiselle Eglantine. Mais les deux frères d’Ama sont arrêtés et enfermés dans des camps. En 1939, la famille déménage une nouvelle fois pour suivre Aïta qui a trouvé un poste de metayer dans une ferme des Landes.

“Rêves oubliés” raconte d’abord l’attachement à une terre et la douleur de l’exil :  “Nous sommes ici depuis de si nombreux mois et je réalise seulement au soir de cette triste journée que nous avons vécu uniquement dans l’espoir du retour. Ce rêve a lentement embrumé nos esprits, et maintenant la réalité nous frappe de plein fouet, fermant brutalement les frontières. Tant que le dictateur sera au pouvoir, nous ne pourrons pas revenir, nous le savons. Je ressens une blessure vive, une blessure de chair indescriptible, l’amour d’une terre, de ses odeurs, de ses rires, de sa langue que je perds irrémédiablement. J’y laisse mon insouciance, une légèreté de l’âme qui depuis trois ans s’est plombée de silences et de faux espoirs.” (extrait du journal d’Ama)

Mais c’est aussi un roman d’amour (du couple Aïta/Ama se dégage une force tranquille qui illumine tout le récit) et un hymne à la famille, qui est ici un socle inébranlable sur lequel on peut se reposer quoi qu’il arrive.   Le roman alterne les extraits du journal d’ Ama et un récit plus distancié. J’ai beaucoup aimé les passages du journal dans lequel la mère de famille livre ses sentiments et qui ajoutent une touche plus personnelle au roman. Je suis plus mitigée en ce qui concerne le reste du livre, très dense, trop dense: Le franquisme, les menaces, l’exil, la guerre, l’amour d’un des oncles pour une jeune juive, les camps, les drames personnels, cela fait beaucoup, surtout que le tout est concentré sur seulement 169 pages… On a un peu l’impression de courir après l’histoire et les personnages, ce qui est assez frustrant pour le lecteur. Une lecture qui avait du potentiel mais me laisse un petit goût d’inachevé.

Sabine Wespieser Editeur, 169 pages/

[BD] Polina – Bastien Vivès

Il faut être souple si vous voulez espérer un jour devenir danseuse. Si vous n’êtes pas souple à 6 ans, vous le serez encore moins à 16 ans. La souplesse et la grâce ne s’apprennent pas. C’est un don. Suivante… ” Polina Oulinov, jeune danseuse russe de 6 ans, intègre une prestigieuse école de danse. Au fil des années, elle devra faire des choix difficiles pour trouver son  chemin et sa vérité d’artiste.

« Polina » est une immersion totale dans l’univers de la danse, sur l’exigence physique et morale qu’elle implique. « Même si tu as mal, surtout, ne le montre pas », c’est le terrifiant conseil que la petite fille reçoit de sa mère dès la 1ere page, alors qu’elle se rend à une audition.  J’ai beaucoup aimé suivre le cheminement artistique de cette jeune  danseuse très attachante: C’est une histoire de passion, de souffrance, de déceptions, de doutes, de dépassement de soi. Au cœur de cet album il y a aussi et surtout la relation de la danseuse avec son professeur, son mentor, l’intimidant Nikita  Bojinski. Une relation de travail et de rigueur qui laissera peu à peu place à un respect réciproque  et à une certaine tendresse (les dernières pages sont très émouvantes)

C’est le 3ème album de Bastien Vivès que je lis (Après Le goût du chlore et Dans ses yeux), et on y retrouve bien sa patte, son goût notamment pour la décomposition des mouvements et le décryptage des émotions. Au niveau du scénario j’ai trouvé que cet album était plus abouti que les précédents, l’histoire est plus solide. Le dessin a lui aussi évolué, vers le noir et blanc d’abord (alors que la couleur était vraiment mise en avant dans ses autres albums), et il est plus épuré.  Il y a beaucoup de flous, certains traits, certains visages sont gommés. De ce point de vue j’avais préféré les albums précédents… J’ai aussi regretté le manque de repères temporels dans les premières pages, on a du mal à savoir l’age de Polina (il y a de grands sauts dans le temps). Malgré ces quelques réserves, « Polina » est vraiment un très bel album, sensible et délicat.

Editions Casterman (KSTR) 2011, 206 pages/

[Album] Le fil rouge – Géraldine Collet & Cécile Hudrisier

Une petite fille trouve un long fil rouge : Que peut-il bien  y avoir au bout ? Elle tire, tire, tire, et hop voilà que les 3 petits cochons lui tombent dessus. Aidée par les trois petits potelés, elle continue à tirer, et cette fois c’est le loup qui déboule ! Et à chaque page c’est ainsi un nouveau personnage de conte qui apparaît. En unissant leurs forces, ils vont enfin découvrir qui se cache au bout de ce fameux fil rouge…

… Un Père Noël dans une tenue pas très réglementaire puisque c’est son beau costume que ces petits coquins ont détricoté !

« Le fil rouge » est un très joli album qui revisite l’univers des contes de fées et mélange les personnages sans complexes, les trois petits cochons, le loup, la sorcière ou l’ogre vont même s’associer pour découvrir le fin mot de l’histoire. J’aime particulièrement les albums qui jouent avec les pages, j’ai donc beaucoup apprécié l’idée de ce fil rouge (presque) sans fin qui permet de modifier l’espace de la page, d’en repousser les limites.  C’est un album qui plaira  à tous les petits lecteurs (même les plus petits puisqu’il joue plus sur l’image que sur le texte), ils pourront s’amuser à reconnaître les différents personnages et à deviner qui se cache à la page suivante.

Editions Philomèle, octobre 2011, 40 pages, 13€. Merci aux éditions Philomèle et à Babelio pour cette découverte!