Catégorie : 4 étoiles – Recommandés

La chambre des morts – Frank Thilliez



Vigo et Sylvain, deux informaticiens au chômage, renversent un homme au beau milieu d’un champ d’éoliennes. A côté du cadavre, deux millions d’euros dont les deux amis s’emparent avant de faire disparaître le corps. Le lendemain, une fillette est retrouvée morte près des lieux de l’accident: l’argent était il destiné à payer sa rançon?

Dans le duel classique entre le flic et le psychopathe s’immiscent ici deux paumés qui vont bousculer l’ordre des choses… L’occasion pour l’auteur de révéler la part d’ombre des gens ordinaires. Sur un rythme haletant, ce roman invite le lecteur à une plongée macabre dans l’horreur et la folie (âmes sensibles s’abstenir!). Au cœur des paysages ravagés du Nord de la France, l’intrigue oppressante prend vraiment le lecteur à la gorge. “La chambre des morts” est un excellent thriller qui montre que, tout en préservant une forte identité régionale, les auteurs français peuvent rivaliser dans ce domaine avec les anglo-saxons.

Editions Le Passage 2005, 311 pages, 15€
Retrouvez Frank Thilliez sur www.auteursdunord.com

Sélection Polar du Grand Prix des Lectrices de Elle 2006

La route de tous les dangers – Kris Nelscott


1968, la tension est grande à Memphis: une grève paralyse la ville et nous sommes à quelques semaines de l’assassinat de Martin Luther King. C’est dans ce contexte orageux que Smokey Dalton, un détective noir, reçoit la visite de Laura, une jeune femme blanche qui cherche à comprendre pourquoi sa mère lui a légué une importante somme d’argent. Smokey se retrouve alors sur la piste de son propre passé et de la mort brutale de ses parents.

“La route de tous les dangers” pioche dans plusieurs genres, à la fois polar, roman noir, chronique sociale, épisode historique… Ce roman original nous replonge dans une communauté afro-américaine en pleine crise: le racisme quotidien et la cohabitation difficile avec la population blanche, la violence des quartiers défavorisés, les positions radicales des Blacks Panthers, la figure malmenée de Martin Luther King. La fiction se mêle habilement à la réalité, et le personnage principal , qui s’interroge sur le rôle qu’il doit jouer dans sa communauté, se retrouvera un peu malgré lui pris dans la tourmente de l’histoire. Seul bémol, des dialogues trop présents alourdissent un peu le style et ralentissent inutilement l’intrigue. Mais que cela ne vous décourage pas de lire ce roman qui nous éclaire sur un tournant décisif de l’histoire des Etats-Unis, tout en offrant un très bon moment de détente.

Editions de l’aube, 378 pages, 21€
Sélection Polar Grand Prix des lectrices de Elle 2006

Les cerfs-volants de Kaboul – Khaled Hosseini


Dans l’Afghanistan encore paisible des années 70, Amir et Hassan passent une enfance heureuse. Bien qu’ils appartiennent à deux castes différentes (Amir est le fils du maître Pachtoune et Hassan le fils du domestique Hazara), les deux enfants sont inséparables. Prêt à tout pour attirer l’attention d’un père méprisant, Amir tournera pourtant le dos à Hassan quand celui-ci aura le plus besoin de lui. Rongé par la culpabilité, il ne trouvera l’occasion de se racheter que bien des années plus tard…

Khaled Hosseini mêle le charme du conteur oriental à l’efficacité du romancier anglo-saxon dans ce récit initiatique aux thèmes universels, l’amitié, la loyauté et la trahison. On hésite entre compassion et agacement pour Amir, personnage ambigu, à la fois pathétique dans sa faiblesse et désarmant dans sa culpabilité.

Ce roman est aussi un formidable document sur la culture et l’histoire afghanes. L’auteur apporte un point de vue intimiste – et sans doute en grande partie autobiographique – sur ce pays vers lequel tous les regards se sont tournés au lendemain du 11 septembre 2001: Les ravages de la guerre avec les soviétiques, le régime de terreur instauré par les Talibans, mais aussi les affres de l’exil et la façon dont la communauté Afghane s’organise aux Etats-Unis. Une réussite!

Editions Belfond 2005, 383 pages, 20€
Sélection Roman du Grand Prix des lectrices de Elle 2006

La petite fille de Monsieur Linh – Philippe Claudel


Après la mort de son fils et de sa belle-fille, Monsieur Linh quitte son pays ravagé par la guerre. Il emmène avec lui sa petite-fille Sang Diü (“matin doux”), sa seule raison de vivre désormais. Hébergé dans un dortoir impersonnel, il découvre un nouveau pays où tout lui est inconnu, froid, sans odeur ni saveur. Un jour pourtant, il rencontre Monsieur Brac, un homme bavard et chaleureux qui vient de perdre sa femme. Au-delà de la barrière de la langue, les deux hommes vont unir leurs solitudes.

Ce roman commence de manière déconcertante, comme un gentil conte un brin désuet et simpliste. L’écriture est sobre à l’extrême, et l’on suit les petits pas de Monsieur Linh avec compassion et tendresse, mais sans passion, en se demandant où nous mène ce charmant vieux monsieur. Et puis brusquement, une révélation inattendue apporte une profondeur vertigineuse au personnage. Les thèmes de la solitude, de l’amour ou du deuil  prennent une nouvelle dimension et l’on saisit alors toute la force de ce portrait fragile et délicat.

Stock 2005, 159 pages, 15.50€

1979 – Jean-Philippe Blondel

Un matin, les habitants d’un quartier découvre une simple date tagguée sur un mur: “1979”. Les souvenirs des uns et des autres refont surface: Pour beaucoup d’entre eux, cette année 79 a marqué un tournant, sous la forme d’un deuil, d’un mariage, d’un accident, d’une rencontre… Peu à peu le doute s’insinue: cette inscription est elle un hasard ou une menace adressée à l’un d’entre eux?

J’avais été emballée l’année dernière par “Accès direct à la plage” (Cf mon top 2004), un roman que m’avait conseillé Clarabel (un grand merci à elle 😉 ). Jean-Philippe Blondel est un romancier du quotidien et de la nostalgie. Il gratte la banalité pour faire apparaître les secrets et les aspirations de ses personnages. Il excelle dans le détail qui fait mouche, dans ces minuscules fêlures qui vous serrent le cœur, dans ces petits riens qui donnent toute sa dimension à un être. Si je garde une petite préférence pour “Accès direct à la plage“, j’ai cependant retrouvé dans “1979” la patte qui m’avait tant séduite, cette capacité à rendre des personnages si proches et si attachants, mais aussi cette simplicité dans l’écriture et l’atmosphère, agrémentée ici d’une pincée de suspens bien conduit.


Pocket 2005 (2004 pour l’édition originale), 184 pages, 5.50€