Catégorie : 4 étoiles – Recommandés

La petite fille de Monsieur Linh – Philippe Claudel


Après la mort de son fils et de sa belle-fille, Monsieur Linh quitte son pays ravagé par la guerre. Il emmène avec lui sa petite-fille Sang Diü (“matin doux”), sa seule raison de vivre désormais. Hébergé dans un dortoir impersonnel, il découvre un nouveau pays où tout lui est inconnu, froid, sans odeur ni saveur. Un jour pourtant, il rencontre Monsieur Brac, un homme bavard et chaleureux qui vient de perdre sa femme. Au-delà de la barrière de la langue, les deux hommes vont unir leurs solitudes.

Ce roman commence de manière déconcertante, comme un gentil conte un brin désuet et simpliste. L’écriture est sobre à l’extrême, et l’on suit les petits pas de Monsieur Linh avec compassion et tendresse, mais sans passion, en se demandant où nous mène ce charmant vieux monsieur. Et puis brusquement, une révélation inattendue apporte une profondeur vertigineuse au personnage. Les thèmes de la solitude, de l’amour ou du deuil  prennent une nouvelle dimension et l’on saisit alors toute la force de ce portrait fragile et délicat.

Stock 2005, 159 pages, 15.50€

1979 – Jean-Philippe Blondel

Un matin, les habitants d’un quartier découvre une simple date tagguée sur un mur: “1979”. Les souvenirs des uns et des autres refont surface: Pour beaucoup d’entre eux, cette année 79 a marqué un tournant, sous la forme d’un deuil, d’un mariage, d’un accident, d’une rencontre… Peu à peu le doute s’insinue: cette inscription est elle un hasard ou une menace adressée à l’un d’entre eux?

J’avais été emballée l’année dernière par “Accès direct à la plage” (Cf mon top 2004), un roman que m’avait conseillé Clarabel (un grand merci à elle 😉 ). Jean-Philippe Blondel est un romancier du quotidien et de la nostalgie. Il gratte la banalité pour faire apparaître les secrets et les aspirations de ses personnages. Il excelle dans le détail qui fait mouche, dans ces minuscules fêlures qui vous serrent le cœur, dans ces petits riens qui donnent toute sa dimension à un être. Si je garde une petite préférence pour “Accès direct à la plage“, j’ai cependant retrouvé dans “1979” la patte qui m’avait tant séduite, cette capacité à rendre des personnages si proches et si attachants, mais aussi cette simplicité dans l’écriture et l’atmosphère, agrémentée ici d’une pincée de suspens bien conduit.


Pocket 2005 (2004 pour l’édition originale), 184 pages, 5.50€

La vie sauve – Lydie Violet et Marie Desplechin


La quarantaine active, la vie de Lydie Violet tourne autour de ses deux enfants, de son boulot dans une maison d’édition, de son mariage qui bat de l’aile. Mais après une violente crise d’épilepsie, on lui découvre une tumeur au cerveau. Avec l’aide de l’écrivain Marie Desplechin, elle évoque les souffrances et les doutes, les questions inéluctables sur la mort, mais aussi la vie qui continue, l’intensité que revêt désormais chaque instant, chaque victoire, chaque bonheur.

Malgré la gravité du sujet, il y a de la fraîcheur dans ce témoignage débarrassé des politesses hypocrites, des oripeaux sociaux. Lydie Violet et Marie Desplechin ont choisi le parti de la franchise, et racontent les médecins déshumanisés, l’administration sans âme, les amis maladroits ou absents, les regards gênés, les encouragements vides de sens. Qu’importe quand on n’a plus le temps de ménager ceux qui ne le méritent pas, quand on n’a plus le temps des faux semblants. La plume bien vivante, les paragraphes courts et incisifs, l’humour et la dérision donnent une légèreté inattendue à cette très belle leçon de vie et d’espoir.

Editions du Seuil 2005, 127 pages, 12€
Sélection Document du Grand Prix des lectrices de Elle 2006

[Roman] Fred et Mathilde – Corinne Roche

fred et mathildeMathilde quitte la région parisienne pour le petit village de Malesaygues. Loin de la fameuse “qualité de vie” dont elle rêvait, elle se heurte rapidement à des gens “bornés et intolérants“. Son histoire d’amour avec Fred va mettre le feu aux poudres et déchaîner les mauvaises intentions. La mesquinerie et la jalousie, les rancœurs et les frustrations des uns et des autres vont rogner peu à peu les idéaux de Mathilde.

Fred et Mathilde est une comédie grinçante dans laquelle chacun en prend pour son grade, la parisienne comme les autochtones, tous engoncés dans leurs a priori. La galerie de personnages est jouissive: une veuve joyeuse qui rêve d’une croisière au Groenland, un cadre hémorroïdaire, une aristocrate paumée, un bébé hurleur aux yeux globuleux, une patronne de bar dépressive, un vieil homme méchant… Sous la plume pleine d’humour de Corinne Roche, le quotidien de cette communauté bigarrée touche, amuse, désole. Un joli roman, auquel je reprocherais cependant un final un peu abrupt et frustrant!

Editions Héloïse d’Ormesson, 2005, 226 pagesNote/4 etoiles
*Sélection Prix Elle 2006*

La colline des chagrins – Ian Rankin

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Après la disparition d’une jeune étudiante, un
cercueil miniature est retrouvé sur la propriété familiale. Tandis que l’inspecteur John Rebus enquête sur des cercueils similaires retrouvés à différentes époques, sa jeune collègue se lance,
sur les traces de la disparue, dans un jeu d’énigmes sur Internet orchestré par l’inaccessible Quizzmaster.

La colline des chagrins n’est pas la première aventure de l’inspecteur Rebus,
mais peut tout à fait se lire de façon indépendante. Dans la sombre et fascinante ville d’Edimbourg, ce personnage tourmenté et attachant lutte contre ses fantômes en écumant les pubs, et
s’attire les foudres de sa hiérarchie par ses choix atypiques. Au-delà d’une enquête-puzzle prenante et parfaitement maîtrisée, cet excellent polar nous fait aussi partager les luttes de
pouvoir et les relations complexes qui se nouent et se dénouent au sein de la police écossaise.

Editions du masque 2005, 521 pages, 21.50€
Sélection Prix Elle 2006