Catégorie : Lectures – Classement par Genre

Le degré supreme de la tendresse – Héléna Marienske

Le degré supreme de la tendresse regroupe 8 nouvelles libertines, qui mettent successivement en scène une jeune marquise aux mœurs légères et à la langue bien pendue, une jolie banlieusarde prête à tout pour sortir de sa condition, un écrivain mégalo et violent attiré par les très jeunes filles, un rat trahi par trois de ses fidèles lieutenants et une charmante ratte, ou une jeune mariée qui ignore tout de l’anatomie masculine…  8 nouvelles écrites “à la manière de” Houellebecq, Gedeon Tallemant des Réaux, Céline, La Fontaine, Angot, Montaigne, Ravalec ou Perec.

Ne vous fiez pas à cette jolie bouche sensuelle et délicate, et à la quatrième de couverture qui annonce un menu erotico-littéraire et des pastiches malicieux, les huit nouvelles de ce recueil donnent plutôt dans la violence et le sordide, loin de l’érotisme léger et coquin auquel je m’attendais. Le titre, “Le degré suprême de la tendresse” est emprunté à Salvador Dali qui qualifiait ainsi le cannibalisme, je vous laisse donc imaginer la teneur de certaines scènes vraiment trash qui tournent autour de l’image récurrente de la castration… Si je n’ai pas été du tout séduite par le contenu donc, je trouve en revanche l’exercice de style assez réussi: Héléna Marienské parvient à se mettre dans la peau et dans la plume d’auteurs très différents, naviguant entre les styles et les époques avec une facilité déconcertante. Elle adopte aussi bien le ton désabusé et provocateur d’un Houellebecq que la gouaille
moderne de Vincent Ravalec, pastiche les fables de La Fontaine ou les réflexions torturées de Christine Angot, donne des conseils d’éducation sexuelle à l’intention des jeunes filles à la manière de Michel de Montaigne… Un patchwork étonnant, à réserver à un public (très) averti!

Le livre de poche 2009, 216 pages, 6€ (1ère édition 2008 chez Héloise d’Ormesson)

Une rencontre ratée pour Lou, Celsmoon a été écoeurée par l’histoire mais a apprécié l’écriture.

Le dé d’Atanas (L’Arcamonde 1) – Hervé Picart



Au cœur de Bruges, Frans Bogaert tient une petite boutique d’antiquités, “L’Arcamonde”, avec l’aide discrète de Lauren, une jeune femme mystérieuse, sosie de Lauren Bacall . Une séduisante cliente, Margaret Van Ostande,  lui demande d’expertiser un petit objet ressemblant à un dé, et ayant appartenu à Atanas, son grand-père d’origine lituanienne. Sous le charme de Margaret, Frans ne va pas ménager ses efforts pour découvrir les origines et la fonction de cette étrange objet. Mais il va vite se rendre compte que Margaret ne lui a pas tout dit…


Voilà donc le premier tome d’une série-fleuve, puisque 12 volumes sont d’ors et déjà annoncés (deux dont déjà sortis, le troisième sera disponible en novembre). Dans cette première enquête, Frans Bogaert  plonge dans les méandres de la mythologie lituanienne, mais rien de poussiéreux dans tout ça, notre antiquaire  dispose d’une arrière boutique équipée des technologies les plus modernes pour l’aider dans ses investigations! L’enquête est plaisante, louchant souvent vers le fantastique, mais c’est l’atmosphère qui m’a séduite avant tout: “L’Arcamonde” possède un charme irrésistible, un rien désuet, c’est une petite bulle hors du temps, perdue dans le brouillard de Bruges, et peuplée de personnages mystérieux: Même Frans ne sait rien de son assistante énigmatique,  qui semble tout droit sorti d’un film hollywoodien. Et si Frans lui même semble d’abord un homme très simple, on découvre au détour d’une conversation qu’il a  lui aussi ses secrets… Voilà de quoi titiller la curiosité du lecteur et lui donner très envie de lire la suite de la série. Le tout est servi par une écriture très élégante, et quand j’ai tourné la dernière page, j’étais vraiment conquise, et impatiente de me plonger dans le deuxième tome!


Le Castor Astral 2008, 209 pages, 12€

Lu aussi par Clarabel
Le blog officiel de la série: http://arcamonde.hautetfort.com/

Les naufragés de l’île Tromelin – Irène Frain


En 1761, un navire français qui transporte une cargaison clandestine d’esclaves fait naufrage près d’une petite île de l’Océan indien. Les rescapés, noirs et blancs, vont devoir cohabiter sur ce bout de terre malmené par les éléments, puis s’entraider afin de construire une nouvelle embarcation. Mais le bateau de fortune étant trop petit, le lieutenant Castillan prend la difficile décision d’abandonner les esclaves, tout en leur promettant qu’il reviendra les chercher. Les secours ne viendront que 15 ans plus tard…

En s’appuyant sur de rares archives, et sur les recherches de l’historien Max Guérout, Irène Frain retrace donc ici un  épisode peu glorieux de l’histoire française, auquel Condorcet lui même fit référence dans le cadre de son combat contre l’esclavage. Parmi les nombreux rescapés, elle s’attache aux pas de quelques protagonistes, comme l’officier qui organisa la survie, Castellan, le “blanc-aux-yeux-couleur-de-pluie”, ou l’écrivain Keraudic, individu antipathique  et lâche, mais qui par son métier fut un témoin privilégié des évènements. Le sujet promettait d’être passionnant, mais à vouloir livrer un récit aussi exhaustif que possible, l’auteur nous noie dans les détails, et ça commence dès les premières pages, avec des passages interminables sur  les tortues de mer ou sur l’emplacement de l’île. J’ai aussi été gênée par la frontière très floue entre roman et document, on ne sait parfois plus ce qui tient de la réalité ou de l’imagination d’Irène Frain…  Ces choix de narration, le manque de distance et de sobriété ont failli avoir raison de ma
patience et malgré l’intérêt du sujet, j’ai malheureusement eu beaucoup de mal à aller au bout de cette lecture.

Michel Lafon 2009, 369 pages, 20€

Le site officiel du livre

Un livre lu par de nombreux bloggueurs, retrouvez tous les liens sur Blog-o-Book
A écouter, l’entretien d’Irène Frain dans l’émission de Michel Drucker sur Europe 1



(Merci à)


Une ardeur insensée – Nathalie Azoulai



Pharmacienne de 44 ans, mère de 3 enfants, Odile forme un couple uni avec son mari cardiologue, et a “tout pour être heureuse”. Pourtant, quand lors d’une soirée une voisine dépressive évoque le nom de son professeur de théâtre, Lewis Thurman, Odile le contacte sur un coup de tête, et elle qui n’a aucune culture littéraire, lui annonce qu’elle veut jouer Phèdre avant de mourir. Lors des séances avec Lewis, confrontée à cet être froid et énigmatique, Odile devra sans cesse se dépasser et se remettre en question.

La citation en exergue était pleine de promesses: “J’ai, pour me protéger des autres, toute la distance qui me sépare de moi-même (Antonin Artaud). Mais page 150  (le roman en compte 386), je jette l’éponge. Je n’en peux plus d’Odile, de ses manières et de son côté bobonne,  de la relation teintée de masochisme qu’elle entretient avec son nouveau mentor, de sa maison de campagne et de sa capacité à claquer 400 euros par semaine sans sourciller.  C’est plutôt bien écrit mais j’ai l’impression d’avoir déjà lu cent fois cette histoire de bourgeoise coincée qui arrivée à la quarantaine tente de retrouver son moi profond enfoui sous vingt ans de convenances sociales, de mariage et de maternage. Elle aurait pu prendre un amant, un bon psy ou se découvrir une soudaine passion pour le char à voile, ici elle a choisi le théâtre. Je ne doute pas que tout ça finira bien et qu’Odile s’épanouira gentiment, mais je n’ai aucune envie de l’accompagner jusqu’au bout du chemin.  J’abandonne très rarement un livre, mais là vraiment je n’accroche pas, c’est tout à fait personnel (peut-être le soleil qui me rend fainéante, ou une PAL bien fournie qui me fait de l’oeil), je vous renvoie donc à l’avis bien plus enthousiaste de Flora.

Flammarion 2009, 386 pages, 20€
Livre reçu dans le cadre du
Coup de coeur des lectrices de Version femina.

(abandonné, donc pas de note…!)

L’amour comme par hasard – Eva Rice

l'amour comme par hasard

Depuis la mort de son père à la guerre, la jeune Pénélope vit avec sa mère et son frère Inigo à Magna, la grande demeure familiale qu’ils ne peuvent plus entretenir faute de moyens. Au hasard d’une rencontre dans une rue londonienne, Pénélope se lie d’amitié avec Charlotte, une jeune fille fantasque avec qui elle partage notamment une passion pour le chanteur Johnny Ray.  Charlotte présente aussi à Pénélope sa tante Clare, qu’elle aide à écrire ses mémoires, et son cousin Harry, qui rêve de devenir magicien et de reconquérir Marina, une riche américaine.

“L’amour comme par hasard” (quel dommage d’avoir ainsi modifié le titre original, “The lost art of keeping secrets” qui a tellement plus de sens et de saveur!) est un roman so british: On y croise des jeunes filles de bonne famille mais désargentées, des tantes excentriques et de séduisants cousins, on s’empiffre de scones au gingembre pendant l’incontournable tea time, et on y fait des “dîners de canard” dans des maisons qui tombent en ruine. Nous sommes en 1954, c’est la fin  du rationnement, les anglais réalisent que la guerre est bel et bien finie. Ivres de liberté et d’insouciance, Pénélope et ses nouveaux amis enchaînent les soirées mondaines, se gavent d’art et de musique: Jazz ou rock’n roll, telle est la question, alors qu’Elvis Presley débute tout juste sa carrière de l’autre côté de l’Atlantique et que les Teddy Boys envahissent les rues de Londres… On se laisse facilement charmer par ce portrait d’une génération, qui aborde aussi des thèmes plus profonds, comme le deuil, l’attachement aux êtres et aux choses, le passage à l’âge adulte. “L’amour comme par hasard” est un roman charmant et virevoltant, sans doute pas inoubliable, mais avec lequel on passe vraiment un moment délicieux!


Le livre de poche, 537 pages, 6,95€, traduction de Martine Leroy-Battistelli (Titre original: The lost art of keeping secrets)
Vous pouvez retrouver les avis d’une quinzaine de blogueurs dans le dossier spécial du livre de poche.