Catégorie : Lectures – Classement par Genre

[Roman] Ces petites choses – Deborah Moggah

Ravi Kapoor, un médecin londonien d’origine indienne, doit cohabiter depuis quelques temps avec son beau-père, le sale et dégoûtant Norman. Sa femme Pauline peine à trouver un établissement prêt à accueillir le vieil homme, déjà renvoyé de plusieurs maisons de retraite. Alors que Ravi confie sa détresse à un cousin éloigné, un homme d’affaires prénommé Sonny, ce dernier lui soumet un projet fou: Créer une chaîne de maisons de retraite bon marché en Inde afin d’accueillir des anglais qui ont de plus en plus de mal à être pris en charge par un système de santé britannique défaillant. Et le premier pensionnaire serait bien sûr le beau-père de Ravi…

Après une première partie assez drôle centrée sur les tensions entre Ravi et Norman, direction Bangalore pour vivre le quotidien de Dunroamin,  cette maison de retraite du bout du monde. Grâce à la publicité alléchante et un brin mensongère concoctée par Sonny, quelques retraités anglais se sont laissés convaincre de tenter l’aventure, et Evelyn, Dorothy ou Muriel s’installent donc dans cette pension au charme suranné, façon vieille Angleterre. Loin d’être un mouroir, ce lieu insolite va vite prendre des airs de colonie de vacances, grâce à la personnalité et à la vitalité de ses pensionnaires, grands-pères aux mains baladeuses ou vieilles dames indignes.  Mais si le ton reste toujours léger et optimiste,  l’auteur évoque aussi avec beaucoup de tendresse et de simplicité les difficultés quotidiennes de la vieillesse, la solitude, les regrets et les occasions ratées… Sur un sujet plutôt délicat “Ces petites choses” sait éviter les pièges du misérabilisme et du cynisme, et avec ses figures fragiles et attachantes, cette petite comédie sans prétentions est une jolie surprise !

Le livre de poche, 407 pages, 6,95€ – 3 etoiles
[Lu dans le cadre d’une opération organisée par Le livre de poche à destination des blogueurs]

la théorie du panda – Pascal Garnier


Un quai de gare, une chambre d’hôtel, Gabriel semble n’être que de passage dans cette petite ville bretonne. Pourtant il s’attarde, et trouve rapidement sa place parmi les habitants: Il épaule un patron de restaurant désemparé depuis l’hospitalisation de sa femme, fait tourner la tête de la jolie réceptionniste de l’hôtel, dépanne un couple de junkies… Bienveillant, serviable, toujours à l’écoute, mais quel secret peut donc bien cacher Gabriel, à quoi a-t-il voulu échapper en se réfugiant ici ?

Si Gabriel reste le pivot du groupe, le roman se concentre surtout sur ses compagnons rencontrés au fil du hasard, sur cette petite bande de personnages hétéroclites qu’il a fédéré autour de lui. Gabriel, lui, restera insaisissable jusqu’aux toutes dernières pages, jusqu’au coup-de-poing final. On comprend rapidement que son masque impassible cache quelque chose mais l’auteur sait jouer avec notre attente, entre sous-entendus feutrés et flashbacks mystérieux, et il crée ainsi une atmosphère étrange, teintée d’angoisse diffuse. J’ai beaucoup aimé la fausse légèreté de ce roman, dans l’histoire comme dans le style, cette façon d’évoquer le désespoir avec dérision qui m’a rappelé d’autres auteurs français que j’affectionne, Joël Egloff, Pascal Morin ou encore Laurent Graff… “La théorie du panda” est un roman troublant, qui m’a donné très envie de découvrir les précédents titres de Pascal Garnier!


Zulma 2008, 174 pages, 16,50€

Lu et aimé par
Clarabel, Gambadou, Laurent, Laure, Sylire



Le mystère du lac – Robert McCammon




Cory Jay Mackenson a passé son enfance à la fin des années 60 à Zephyr, au sud de l’Alabama. Alors qu’il accompagne un jour son père laitier dans sa tournée matinale, ils assistent impuissants au plongeon d’une voiture folle dans un lac. Le père de Cory a juste le temps d’apercevoir le conducteur, défiguré et menotté au volant… Voilà un mystère de plus dans une petite ville qui en compte déjà beaucoup !

“Nous avions aussi une reine noire de cent six ans et un as de la gâchette qui avait sauvé Wyatt Earp à O.K. Corral. Notre rivière cachait un monstre et notre lac un secret. Un fantôme hantait la route au volant de son dragster noir, au capot décoré de flammes peintes. Nous avions un Gabriel, un Lucifer et un Rebel qui se releva d’entre les morts. Nous avions des envahisseurs, un garçon au bras d’or et même un dinosaure lâché dans la grand-rue.
Un endroit magique…
Mon enfance magique et tout ce pays de cocagne survivent en moi.
Je me souviens.
Faut que je vous raconte ça.”

Il s’agit ici de la réédition en jeunesse d’un roman paru il y a une quinzaine d’années dans une collection pour adultes, et c’est un billet très enthousiaste sur le blog Citrouille qui m’a donné envie de le lire. La première centaine de pages est un peu laborieuse, les évènements mystérieux s’enchaînent avec un certain manque de fluidité et de cohérence, et il est difficile de trouver ses repères dans une histoire touffue qui emprunte à la fois au thriller, au fantastique et au récit d’enfance. C’est finalement quand ce dernier aspect prend le dessus que le roman devient vraiment intéressant. La violence du monde va faire une entrée fracassante dans l’enfance protégée de Cory : 20 ans après la fin de la 2ème guerre mondiale, le Ku Klux Klan répand ses effluves nauséabondes, et la marche du monde laisse déjà pas mal de gens sur le bord de la route. Le jeune garçon devra apprivoiser sa peur face aux éléments surnaturels mais aussi face à la cruauté de l’humanité. Alternant épisodes sombres et jolis moments de grâce, “Le mystère du lac” est un roman inclassable, d’une imagination débordante, une épopée initiatique originale et attachante.

Albin Michel 2007 (collection Wiz), 599 pages, 17€ [ Traduction Stephane Carn]
Ce roman a reçu le World Fantasy Award en 1992


L’interprétation des meurtres – Jed Rubenfeld


Freud est invité en 1909 à donner une série de conférences aux Etats-Unis, et à son arrivée à New-York, il est accueilli par Younger, un psychanalyste
issu de la grande bourgeoisie américaine. Au même moment une jeune new-yorkaise est assassinée dans une luxueuse résidence, puis une autre jeune fille est sauvagement agressée. Alors que
l’inspecteur Littlemore et le médecin légiste Hugel s’associent pour trouver des indices, Younger, avec l’aide de Freud, entame une psychanalyse avec la deuxième victime afin de l’aider à
recouvrer la mémoire.

Si Freud a finalement un rôle mineur dans l’enquête elle-même, contrairement à ce que laisse entendre la 4ème de couverture, la
psychanalyse n’a pourtant ici rien d’un gadget: La façon dont les théories de Freud étaient perçues en ce début de siècle, entre méfiance, désapprobation et fascination,

les tentatives diverses visant à déstabiliser le psychanalyste viennoisla
rupture avec son héritier désigné Carl Jung, le complexe d’Oedipe, l’interprétation du monologue d’Hamlet (Etre ou ne pas être)…  Des digressions accessibles, même lorsqu’on
n’y connait pas grand chose dans ce domaine,  et pas inintéressantes mais qui alourdissent le propos au détriment de l’intrigue. J’avais envie de connaître le fin mot de l’histoire mais
j’avoue que j’ai eu un peu de mal à aller au bout de ma lecture. L’interprétation des meurtres est un roman ambitieux, qui mélange faits réels et
imaginaires, et qui a sans doute nécessité un travail de recherche titanesque, non seulement sur la psychanalyse mais aussi sur le New-York du début du XXe. Mais à vouloir trop en mettre,
l’auteur s’est à mon avis laissé un peu manger par son histoire… Un premier roman avec quelques failles donc, mais un auteur à suivre!


2007, Editions du Panama, 473 pages, 22€  (Traduction Carine Chichereau, Titre original: The Interpretation of
Murder
)


Lu aussi par Chaperlipopette, Michel, Pascal
& Laure


La mariée mise à nu – Nikki Gemmell

Vous avez vu fleurir ces derniers jours sur la blogosphère bien des avis sur La mariée mise à nu: A l’occasion de sa sortie en poche le mois prochain, Le livre de poche a en effet proposé à quelques bloggeuses de donner leur avis sur ce roman, d’où cette avalanche de billets…
Tout le monde vous a toujours considérée comme une candidate parfaite au rôle d’épouse; vous êtes accommodante, sociable, vous endurez, avec un enthousiasme feint, les dîners avec la belle-famille, les films d’action, les pots avec des clients. Si seulement ils étaient au courant de l’impatience qu’il y a en vous, des petits coups qui vous tiraillent aux épaules, au bas de la jupe“. Une jeune mariée découvre lors de son voyage de noces que son mari la trompe avec sa meilleure amie, ce qui l’oblige à s’interroger sur son couple et leur comédie du bonheur, sur sa sexualité et ses propres frustrations. Armée d’un petit traité licencieux du 17ème siècle, elle part alors à l’assaut de ses désirs et de ses fantasmes. Si elle continue d’avancer masquée dans sa vie quotidienne, dans le rôle de l’épouse modèle, elle se livre en revanche sans fard dans son journal intime, y raconte ses expériences de plus en plus osées…

Publiée d’abord anonymement avant qu’une journaliste ne débusque son auteur, La mariée mise à nu est le récit sans tabou d’une femme qui à 36 ans découvre toutes les palettes de sa sexualité, ce qui lui donne des faux airs de texte érotique. Certaines scènes sont effectivement assez crues mais la sensibilité de l’héroïne, ses doutes et sa solitude qui la rendent très attachante, une certaine pudeur dans la forme (avec l’utilisation étonnante du “vous” à la place du “je”) évitent au propos de tomber dans le graveleux. Et la sexualité n’est finalement ici que le déclencheur d’une démarche plus vaste vers l’émancipation et l’épanouissement. A partir du rapport aux hommes, à la séduction et à la sexualité,  l’auteur explore bien d’autres sujets, les carcans sociaux et moraux, l’amitié, la trahison, la culpabilité et le mensonge, la maternité et le rapport qu’une femme entretient avec sa propre mère… La mariée mise à nu est une confession sensuelle et émouvante qui dessine au fil des pages le portrait complexe d’une femme à la fois unique et universelle.


2007,  Au diable Vauvert, 356 pages, 22€ (Traduction Alfred Boudry, sortie chez Le livre de poche en mai)

D’autres avis chez CunéLaure, Yvon, Camille, Tamara, Liza, Stephanie, Lorraine, Joëlle, Fashion, La liseuse,
Lily et
Thom!