Catégorie : Lectures – Classement par Genre

La donation – Florence Noiville (Rentrée littéraire 2007)

A l’occasion d’une donation, la narratrice et sa sœur se retrouvent avec leurs parents dans le bureau d’un notaire de province. Ces retrouvailles familiales et ce don matériel incitent la jeune femme à se retourner sur son passé, ses relations avec ses parents, et à se demander en quoi le trouble maniaco-dépressif dont souffre sa mère a influencé sa propre existence.

A la fin de l’ouvrage, Florence Noiville évoque “un tableau imaginaire” mais il se dégage de son récit une telle sincérité, de tels accents de vérité qu’on a du mal à croire qu’elle ne s’est pas inspiré de son histoire personnelle. Enfin peu importe, réalité ou fiction, elle aborde ici avec beaucoup de pudeur et de délicatesse le sujet de la dépression, et surtout ses effets dévastateurs sur l’entourage. Il y a d’abord les absences de la mère régulièrement hospitalisée, ou sa présence qui s’avère parfois plus terrible encore, et un père dépassé, absorbé par la maladie de sa femme. Les sentiments se bousculent,  l’incompréhension, l’amour, la colère, l’impuissance, la culpabilité insidieuse, et la peur surtout. La terreur de celle qui est devenue mère à son tour et qui se demande à quel point ce fardeau familial aura un impact sur ses propres filles, si la transmission se fera ainsi de génération en génération comme un héritage maudit. Mais à l’âge de la maturité, est il temps de comprendre, d’accepter, de pardonner? La donation est un texte intimiste et sombre, pas le genre de récit dont je suis friande d’habitude, mais ici j’ai vraiment été séduite par la sensibilité du propos et la pureté de l’écriture.

Editions Stock 2007, 13€, 126 pages/

Le journal d’Asta – Ruth Rendell

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Au début du 20ème siècle, Asta Westerby, une jeune mère d’origine danoise, émigre en Angleterre pour satisfaire les ambitions
de son mari. Pour tromper sa solitude dans ce pays inconnu, elle commence à tenir en secret un journal intime. Après sa mort, sa fille Swanny fait publier ce journal qui deviendra un
best-seller… Mais c’est à Ann, sa petite fille, que reviendra la lourde tâche de faire la lumière sur des points obscurs de la vie d’Asta : Swanny était elle réellement sa
fille ?

Quand j’ai établi ma liste pour le challenge ABC 2007 (bien mal en point soit dit en passant), j’ai choisi pour la
lettre R un livre qui était déjà dans ma PAL, Vera va mourir de Ruth Rendell. Mais je n’ai pas pu m’empêcher d’aller fouiller dans les rayons de ma médiathèque et je
suis finalement reparti avec cet autre titre de Rendell, sorti en 1994.

Les extraits du journal intime d’Asta (qui court du début du siècle jusqu’aux années 60) sont sans conteste les passages les plus intéressants de ce roman: S’y dessine le portrait d’une femme
exceptionnelle, une forte tête qui ne fait pas dans le politiquement correct, toujours en décalage avec son époque, son pays, les attentes de son entourage. Et la certitude qu’elle cache un
terrible secret donne encore une dimension supplémentaire à ce personnage atypique. Le roman aurait en revanche gagné en intensité sans la quasi-omniprésence d’Ann, la petite fille d’Asta, à la
personnalité fade et à l’existence insipide. Les tours et détours qu’elle entreprend avant de découvrir le secret de sa grand mère m’ont parus interminables, et delayent le suspens au lieu de
le renforcer. Impression mitigée donc, même si j’ai passé plutôt un bon moment avec ce livre. J’ai lu ici et là que ce roman n’était pas représentatif de l’oeuvre de Ruth Rendell, je lirais
donc certainement un autre titre pour me faire une idée plus précise de cet auteur.

Le livre de poche, 471 pages, 6,50€

Miss pas touche – Hubert et Kerascoët


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Dans le Paris des années 30, deux petites bonnes, Blanche et Agathe sont des sœurs très différentes: Agathe, joyeuse et délurée, passe ses soirées à danser dans les guinguettes, alors que Blanche, prude et réservée, attend sagement son retour. Quand Agathe est assassinée, Blanche est persuadée que le coupable est le tueur en série que les journaux ont surnommé “le boucher des guinguettes”. Elle remonte sa piste jusqu’au Pompadour, une maison close fréquentée par la haute société.

Cette BD en deux volumes nous plonge dans un monde fascinant, un lieu de perdition et de fantasmes qui a parfois des faux airs de pensionnat de jeunes filles, avec ses amitiés et ses rivalités, ses fortes têtes et ses souffre-douleurs. Miss-pas-touche-tome-2.gif C’est dans cette ambiance à la fois sombre et légère que se retrouve notre délicieuse Blanche, personnage plein de panache, petit bout de femme au cœur d’or qui ne se laisse pas pour autant marcher sur les pieds, et qui saura conserver ses valeurs dans un monde qui n’en a pas beaucoup. Ajoutez le dessin fin et élégant de Kerascoët (un pseudo qui cache en fait un duo de dessinateurs, Marie Pommepuy et Sébastien Cosset) et une enquête rondement menée, et vous aurez une BD chaudement conseillée !

Tome 1 : La vierge du bordel (2006) / Tome 2 : Du sang sur les mains (2007) chez Dargaud, collection Poisson Pilote.

La sagesse de la courriériste du coeur – Carlotta Alessandri

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Très chère Elise, Mon mari est adorable
Ma meilleure Amie A un Amant
Un Jour elle m’a dit Bouge fait comme Moi
et me voilà parti. Depui un moi
J’ai un amant
Je Bois du vin Je m’abille et Maquille
Differament Je me sens libre
Jusqu’au jour ou mon Mari
va se douter de quelque chose
Je suivrais votre conseil Bon ou Mauvais

Nathalie


Le courrier du coeur est une histoire organique, une histoire de papier, chiffonné, plié en deux, en huit, bouts de
nappe arrachés ou joli papier à lettres. Une histoire de colle, de salive, de traces de doigts et d’espoir.
Quand on ne sait plus comment
trouver un sens à sa vie, un homme à aimer, une page à tourner, il y a cette phrase en haut de la page du courrier du coeur:
“Vous
éprouvez des difficultés dans votre vie sentimentale, vous avez envie de vous confier? Elise est là pour vous aider”. (4ème de couverture)

Depuis 20 ans, Carlotta Alessandri est Elise, la responsable de la rubrique “courrier du cœur” du magazine Nous Deux. Curieux métier dans lequel elle reçoit les confidences
d’inconnues: il y est question d’amour et de solitude, de choses légères (un premier baiser, un amant, l’attirance pour un homme que l’on croise tous les matins ou que l’on voit une fois par an)
mais aussi plus graves, inceste ou violence conjugale. Pour Elise, il s’agit alors d’
imaginer qui se cache derrière ce cœur en
détresse
, de dompter l’émotion pour prendre le recul nécessaire, de lire entre les lignes, de trouver le compromis entre la réponse que l’on attend et
celle que l’on ne veut pas entendre… Il faut remodeler les lettres pour en retirer la substantifique moëlle, pour qu’elles parlent à toutes les lectrices sans pour autant leur retirer
leur particularité. On sourit souvent en lisant les quelques lettres retranscrites dans ce livre, leur candeur désarmante, leur côté un peu suranné, leur orthographe douteuse… Pourtant jamais
ces mots maladroits ne sont ridicules et l’auteur sait nous faire partager la poésie de ces missives et la tendresse qu’elle ressent pour toutes ces correspondantes anonymes. Un livre très court
(une centaine de pages) mais très riche, sur un métier rare et magique.

Ce livre fait partie d’une collection lancée par les éditions L’œil neuf intitulée “la sagesse d’un métier”: vous pouvez retrouver l’ensemble des titres parus ici (la sagesse de l’éditeur ou du bibliothécaire, la sagesse du médecin ou du photographe…). Beaucoup de ces titres m’intéressent, donc je vous reparlerais
sûrement de cette collection bientôt !

Editions L’œil neuf 2007, 110 pages,
12,50€

Le combat d’hiver – Jean-Claude Mourlevat

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Deux adolescentes, Helen et Milena, vivent avec d’autres orphelines dans un pensionnat particulièrement austère et strict. Un soir, Helen profite d’une faveur qui leur est accordée deux fois par an en allant rendre visite à sa consoleuse, une femme chargée de lui offrir un court moment d’amour et d’affection. Milena l’accompagne, mais la règle est claire, si elles ne rentrent pas à l’heure dite, une de leurs camarades sera enfermée au “Ciel”, un cachot tristement célèbre. Sur le chemin, les deux amies font la connaissance de deux garçons du pensionnat voisin, Milos et Bartolomeo. Quand elle sort de chez sa consoleuse quelques heures plus tard, Helen a une bien mauvaise surprise : Milena s’est enfuie en compagnie de l’un des garçons.

Je meurs d’envie de vous en dire plus pour vous donner envie de lire ce livre, mais ce serait vraiment dommage de déflorer l’intrigue (la quatrième de couverture en dit déjà beaucoup trop!). La fugue de Milena n’est que le point de départ d’une histoire très riche: A la fois récit initiatique et roman d’aventures imprégné de fantastique (on y croise des hommes hybrides, à moitié chien ou cheval), ce livre ne manque pas de souffle avec des personnages forts et attachants, une progression haletante et des rebondissements bien dosés. Le lieu et l’époque restent flous, Mourlevat construit un univers sombre et inquiétant dont le décor fait souvent penser à une grande ville européenne du XIXe, un peu à la Dickens, mais le thème et certaines scènes s’inspirent aussi de la seconde guerre mondiale. Un monde intemporel donc dans lequel les grands thèmes de la liberté et de la résistance se mêlent avec beaucoup de subtilité aux préoccupations de l’adolescence. A part la toute fin du roman que j’ai trouvé un peu plate, “Le Combat d’hiver” est vraiment un roman d’une très belle qualité, sans aucun doute l’un des meilleurs livres pour ados que j’ai pu lire récemment!

Gallimard 2006, 330 pages, 15€
Les avis enthousiastes de Flo, de Laure, de Clochette et de Clarabel!
Et pour lire les premières pages de ce roman, cliquez ici