Catégorie : Lectures – Classement par Genre

Une canaille et demie – Ian Levison

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Blessé au cours d’un braquage, poursuivi par la police, Dixon trouve refuge par hasard chez
Elias, un prof d’histoire du New Hampshire. Ayant surpris ce dernier dans une situation embarrassante, Dixon le fait chanter et l’oblige ainsi à l’aider. Pendant plusieurs jours les deux hommes
vont cohabiter et construire une relation étrange, entre méfiance, provocations et confidences. Denise, une fliquette séduisante, un peu désabusée parce qu’elle n’arrive pas à obtenir la
promotion qu’elle mérite, va s’immiscer dans ce duo improbable.
Malgré les apparences (un braqueur, un otage, un agent du FBI) Une canaille et demie tient plus du roman noir que du polar. Les repères
traditionnels tombent rapidement, on se prend d’emblée d’affection pour le braqueur qui rêve d’une existence simple et tranquille, alors que l’otage se révèle un petit être pathétique, arriviste
et sans morale. La confrontation entre les deux hommes est très bien menée, et comme dans son précédent roman (Un
petit boulot
), Ian Levison sait manier le poil à gratter : il dénonce encore ici les écueils
d’une société dans laquelle les dés sont pipés si l’on naît du mauvais côté de la barrière sociale, pauvre ou femme. Une canaille et demie n’a pourtant pas le mordant d’un petit
boulot
(que je vous recommande!) et manque parfois de rythme et d’intensité. Peu importe, ce roman original, et qui ne manque pas d’humour, permet de passer un très bon moment,
et Ian levison (qui n’a étrangement pas trouvé d’éditeur aux Etats-Unis pour ce livre) est vraiment un auteur à découvrir!
Editions Liana Levi 2006, 18€
Les avis de Papillon et de Chimère

Dominique Mainard – Je voudrais tant que tu te souviennes

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Albanala prend soin depuis plusieurs années d’une de ses voisines, Mado, légèrement handicapée. Depuis sa petite enfance, Mado s’est construit un monde à
part, toujours l’oeil rivé au sol, elle traque sans relâche l’infiniment petit avec son appareil photo. Mais depuis quelques temps sa mémoire s’évapore doucement. Quand Albanala décide de
repartir dans son pays natal, elle confie à sa nièce Julide le soin de s’occuper de Mado. Mais la relation entre l’adolescente et la vieille femme se dégrade lorsque Mado tombe sous le charme
d’un inconnu de passage, chargé de réparer la girouette du marché couvert.

Le précédent roman de Dominique Mainard, “Le ciel des chevaux”, m’avait laissé une impression mitigée : le sujet (la folie) m’avait
mise assez mal à l’aise, mais j’avais apprécié la maîtrise du récit et l’art du rebondissement. Ici en revanche je n’ai pas été séduite par la forme, pas plus que par le fond. L’histoire met
un temps fou à se mettre en place et m’a paru particulièrement décousue. On passe d’un point de vue à l’autre, et les différentes voix composent un tableau bancal qui manque de
fluidité . Bien que la relation entre les deux femmes soit assez touchante, je n’ai jamais vraiment réussi à m’attacher aux protagonistes: L’auteur tente de titiller la curiosité du
lecteur en multipliant les non-dits, sous-entend des secrets enfouis, mais toutes ces pistes se révèlent être des cul-de-sac et les personnages restent désespérement hermétiques.

Je n’ai lu que de bonnes critiques sur ce livre, sans doute suis-je l’une des rares personnes à ne pas réussir à pénétrer l’univers de Dominique
Mainard. Reste dans ma P.A.L son premier roman ” Leur histoire”, qui me permettra peut-être de me réconcilier avec cet auteur ? A suivre…!

Gallimard 2007, 247 pages, 17,90 €

Les avis plus enthousiastes de Sylire et de Gambadou

La robe – Robert Alexis

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Dans une ville de garnison (on imagine qu’elle se situe quelque part à l’est de l’europe), à une période indéterminée (au début du
XXème siècle ?), un homme en piteux état entreprend de raconter son histoire à un inconnu : il y a quelques années, alors jeune officier, il rencontre Rosetta, une jeune femme
mystérieuse mais peu farouche. Elle va lui ouvrir les portes d’un monde insoupçonné où tombent tous les tabous, toutes les inhibitions.
Voilà un roman particulièrement troublant, dans lequel s’entrelacent les thèmes du désir, de la sexualité, de la perversion, mais aussi de la
manipulation et de la folie. Personnage touchant et ambigü, le narrateur devient la victime consentante d’un piège pervers… “La robe” est un texte dense et hors du temps, à l’atmosphère hypnotique, presque hallucinatoire, qui provoque à la fois fascination et malaise. Dommage que la fin ne soit pas vraiment à la
hauteur du reste du récit : on attend un final choc, une chute vertigineuse, on échafaude les hypothèses les plus folles… Mais malheureusement la conclusion est un peu
précipitée  et les dernières pages se révèlent sans grande surprise. Cela ne m’empêchera pas cependant de vous recommander ce livre surprenant, à l’écriture remarquable.
Editions José Corti 2006, 122 pages, 14,50€

Hortense et Queenie – Andrea Levy





Hortense et Queenie
est un roman polyphonique, un récit à 4 voix. La première à prendre la parole est Queenie Bligh, une jeune londonienne dont le mari Bernard n’est pas revenu des Indes à la fin de la seconde guerre mondiale. Contrainte de louer des chambres pour survivre, elle héberge notamment Gilbert, un jeune jamaïcain qui a servi dans la R.A.F. La femme de Gilbert, Hortense, a toujours souhaité vivre en Angleterre, mais ce pays qui a bien du mal à se relever après des années de guerre, le racisme ambiant, cette chambre sale et étriquée, tout ça ne ressemble vraiment pas à ce dont elle avait rêvé.
L’angleterre de l’après-guerre reste le coeur du roman, mais l’intrigue fait des allers-retours dans le temps et l’espace : On découvre progressivement la jeunesse d’Hortense en Jamaïque, l’enfance de Queenie dans la campagne anglaise, les difficultés de Gilbert au sein d’une armée profondément raciste,  celles de Bernard qui se retrouve à combattre à l’autre bout du monde. La vie n’est pas tendre avec nos quatre personnages, confrontés à la guerre, à l’intolérance, à la cruauté, à la trahison. S’ils sont peu sympathiques au début du roman, ils deviennent au fil des évènements terriblement attachants. Chacun d’entre eux va devoir réviser ses certitudes, abandonner ses illusions. J’ai une faiblesse particulière pour le personnage d’Hortense : Malgré ses grands airs, elle est d’une candeur désarmante, et on a le coeur qui se serre quand elle découvre cette angleterre décrépie, et que la réalité égratigne méchamment ses rêves de petite fille. Hortense et Queenie (le titre original, Small Island, me semble mieux correspondre à l’esprit du roman) est une belle saga, une galerie de portraits très émouvante!
Editions de la table ronde (Quai Voltaire) 2006, 444 pages, 22€

Les coeurs solitaires – Cyril Pedrosa

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Jean-Paul travaille sans beaucoup d’enthousiasme dans l’entreprise familiale de jouets en bois. Etouffé par une mère envahissante et le souvenir vivace d’un père disparu, c’est un garçon timide et docile, désireux de plaire à tout le monde. Quand la pression devient trop forte, il part pourtant sans prévenir personne et embarque pour une croisière dédiée aux célibataires.

Le personnage principal est assez attachant, et le point fort de cet album est de rendre palpable l’extrême solitude de ce jeune homme pourtant très entouré. Mais j’ai trouvé que le scénario restait un peu à la surface des choses… L’épisode de la croisière, par exemple, s’attarde trop sur des personnages secondaires caricaturaux (notamment les aventures d’un animateur de séminaires d’entreprises très jaloux et de sa fiancée nymphomane). Je n’ai pas non plus été séduite par le dessin, moi qui aime les traits épurés et doux, je l’ai trouvé un peu sec. Les scènes de groupes sont très chargées, et même si elles visent à accentuer, par contraste, le sentiment de solitude du personnage, je les ai trouvées difficiles à décrypter. Malgré tous ces petits défauts, “Les coeurs solitaires”  reste un album intéressant et plutôt agréable à lire, mais qui m’a laissé sur ma faim.

Dupuis 2006, 56 pages, 9,80€
Les avis (plus enthousiastes) de Clarabel et d’ Elfe.
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