Catégorie : 4 étoiles – Recommandés

[Roman] Retour à Little Wing – Nickolas Butler

retour a little wingPour la 4ème année consécutive je participe aux matchs de la rentrée littéraire organisés par Price Minister. Après Le Pacte des vierges en 2011, Une place à prendre en 2012, Esprit d’hiver en 2013, j’ai choisi de recevoir cette année Retour à Little Wing.

Hank, Ronny, Lee et Kip n’ont pas grand chose en commun si ce n’est d’avoir grandi ensemble à Little Wing, une petite ville du Midwest américain. Lee est devenu un musicien et chanteur célèbre sous le pseudo de Corvin et parcourt les scènes du monde entier. Kip a fait fortune en devenant trader à Chicago. Ronny a été champion de rodéo avant que son addiction à l’alcool et un mauvais choc à la tête ne mettent fin à sa carrière. Hank, le pilier de la bande, a fait ce que tout le monde attendait de lui, il a eu 2 enfants avec Beth, son amour de jeunesse, et a repris la ferme familiale. Bien qu’ayant pris des routes radicalement différentes, ils sont restés amis, malgré le temps qui passe, l’éloignement, la célébrité, l’argent. Mais de petites en grandes trahisons, leurs liens vont se révéler plus fragiles qu’ils ne le pensaient.

Retour à Little Wing est un roman polyphonique dans lequel chaque personnage va prendre la parole à tour de rôle (Hank, Ronny, Lee, Kip, mais aussi Beth, la femme de Hank). C’est un livre doux-amer sur les aspirations de quelques trentenaires, et à travers eux peut-être d’une génération un peu perdue, toujours insatisfaite, qui semble toujours courir après quelque chose. Tout le monde envie Lee, qui a l’argent et le succès, alors que lui jalouse pourtant la vie simple de Hank et le couple solide qu’il forme avec Beth. Malgré sa réussite Kip aspire toujours à la reconnaissance de ses amis et de la communauté de Little Wing, au point de se ruiner pour acheter le vieux silo de son enfance pour en faire le coeur commercial de la ville. C’est une histoire d’amitié, de rêves, d’espoirs, de confiance, de jalousie, de fêlures… Une histoire dans laquelle il ne se passe finalement pas grand chose si ce n’est la vie, et c’est déjà pas mal. Même si le rythme est un peu monotone et que le propos manque parfois d’aspérités et de rudesse, j’ai beaucoup aimé faire un bout de chemin avec ces personnages fort attachants.

Retour à Little Wing de Nickolas Butler, 445 pages, éditions Autrement, août 2014

 

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[Roman] 22/11/63 – Stephen King

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La vie de Jake Epping, professeur d’anglais dans le Maine en 2011, bascule lorsqu’il découvre au fond du restaurant de son ami Al un passage vers l’année 1958. Gravement malade Al ne peut plus accomplir son grand projet, empêcher l’assassinat de Kennedy et modifier ainsi le cours de l’Histoire mondiale. Jake va donc le remplacer et passer 5 ans dans le passé, jusqu’au 22 novembre 1963. Mais le passé est tenace et va tout faire pour empêcher Jake de changer les évènements.

Stephen King revisite ici de façon brillante le thème du voyage dans le temps (qui est je l’avoue l’un de mes thèmes préférés, que ce soit en littérature ou au cinéma) et le décalage entre les années 60 et les années 2010 offre évidemment pas mal de pistes à exploiter, que ce soit du point de vue technologique, de l’environnement, de la place des femmes dans la société ou de la ségrégation. Mais 22/11/63 est surtout une enquête extrêmement fouillée sur l’assassinat de Kennedy: pendant de longs mois Jake va observer Lee Harvey Oswald, s’immiscer dans sa vie, pour comprendre comment le jeune homme en est arrivé à fomenter cet assassinat, et surtout (question qui taraude les américains depuis plus de 50 ans), s’il a agit seul. Jake, petit professeur d’anglais lambda va se transformer en héros anonyme et va tenter au péril de sa vie de modifier le cours de l’histoire mondiale mais aussi la destinée de certains de ses proches. Pendant plus de 1000 pages on s’attache aux pas de cet homme ordinaire placé dans une situation extraordinaire, et qui va être confronté à des choix de plus en plus cruels d’autant qu’il va progressivement trouver sa place dans le passé, travailler, tomber amoureux… Jusqu’où sera-t-il prêt à aller, quels sacrifices sera-t-il prêt à accomplir pour sauver Kennedy ? Je n’avais pas lu Stephen King depuis mon adolescence je crois, et j’ai été ravie de le redécouvrir à travers cet excellent roman.

22/11/63  de Stephen King, 1056 pages, éditions Le livre de poche, octobre 2014, 9,90€ sur Amazon

[Roman] Miss Alabama et ses petits secrets – Fannie Flagg

miss alabama et ses petits secretsA 60 ans, Maggie, agent immobilier et ex-Miss Alabama, est persuadée que la vie ne lui réserve plus rien et qu’il est temps de s’en aller sur la pointe des pieds. Elle prépare donc consciencieusement son suicide. Mais la volonté de Maggie que tout soit parfait, cette exigence maniaque qui lui a pourrit la vie va aussi ruiner tous ses efforts pour se suicider: il y a toujours quelque chose ou quelqu’un qui l’empêche de passer à l’acte…

J’ai été touchée par le personnage de Maggie, qui n’a eu de cesse au cours de sa vie de vouloir plaire à tout le monde, au détriment de son propre bien-être, et les personnages secondaires sont eux aussi très attachants, que ce soit Brenda et ses troubles alimentaires ou Hazel, que sa petite taille n’a jamais empêchée d’accomplir ses rêves. C’est avant tout un roman psychologique, certains lecteurs seront sans doute rebutés par un rythme assez lent et le fait qu’il ne se passe finalement pas grand-chose dans la plus grande partie du livre. Si c’est votre cas je vous conseille quand même de patienter jusqu’au dernier tiers du roman où survient subitement une énigme, liée à une des demeures dont s’occupe Maggie, que j’ai trouvé palpitante et qui relance le rythme du livre. Mon seul regret sur l’ensemble du roman est que l’auteur ne fait qu’effleurer certains thèmes qui auraient mérité d’être plus développés, comme celui de la lutte pour les droits civiques dans le Sud des Etats-Unis.

J’avais déjà beaucoup aimé le précédent roman de Fannie Flagg, Beignets de tomates vertes, et je n’ai pas été déçue par Miss Alabama et ses petits secrets. C’est un très joli roman sur le temps qui passe et les occasions manquées, plein de fraîcheur et de douceur, pas exempt de bons sentiments et de clichés certes, mais que l’on lit le sourire aux lèvres et dont on ressort gonflé à bloc.

Miss Alabama et ses petits secrets, éditions Le cherche-midi mai 2014, 433 pages – Note/4 etoiles

[Roman] Une héroïne américaine – Bénédicte Jourgeaud

une heroine américaineA la fin de ses études Amelia Earhart, une jeune intellectuelle très réservée, quitte la France sur un coup de tête pour échapper à sa mère un peu envahissante qui n’envisage la vie qu’à travers les romans Harlequin qu’elle traduit. Amelia s’installe au Canada et trouve un poste à l’Université de Toronto. De fil en aiguille elle va être amenée à s’intéresser aux grandes figures mythiques de l’Amérique du Nord, notamment Brownie Wise, qui a popularisé la marque Tupperware dans les années 50 en lançant les fameuses réunions chez les ménagères.

Ce roman a deux particularités, d’abord il a reçu le Prix du livre romantique 2014, ensuite c’est le premier livre français édité par les éditions Charleston.  J’ai beaucoup aimé l’alternance entre la vie d’Amelia Earhart au début des années 90 et celle de Brownie Wise dans les années 50. A priori ces deux femmes sont très différentes mais on finit par leur trouver des points communs, leur singularité et leur désir d’indépendance notamment. Je n’avais jamais entendu parler de Brownie Wise auparavant, et j’ai mis un peu de temps à comprendre qu’il ne s’agissait pas d’un personnage de fiction. J’ai été vraiment fascinée par le destin de cette femme, par sa volonté de sortir de sa condition, par son énergie, mais aussi par sa chute brutale. A travers Brownie on découvre aussi la difficulté des femmes à s’imposer sur le marché du travail à cette époque et les prémices du féminisme, de manière assez paradoxale puisque la marque Tupperware est plutôt attachée à l’image de la femme au foyer. J’ai aussi beaucoup apprécié la plume de l’auteur, légère et drôle, ce premier roman est vraiment  une excellente surprise!

A lire aussi l’avis des autres lectrices Charleston et l’interview de l’auteur
Vous pouvez aussi feuilleter les premières pages sur Amazon

Editions Charleston mai 2014, 288 pages –Note/4 etoiles

[Roman] Maine – J. Courtney Sullivan

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Veuve depuis quelques années, Alice a eu  3 enfants avec Daniel, dont  Kathleen, divorcée (un sujet épineux dans cette famille catholique d’origine irlandaise), ex-alcoolique, qui élève désormais des vers de terre en Californie, et Patrick qui a épousé Ann-Marie, épouse et mère (presque) parfaite qui est devenue une fille de substitution pour Alice. Depuis la mort du patriarche les liens familiaux se sont distendus, Alice a recommencé à boire pour oublier le drame qui a marqué sa jeunesse, les deux belle-sœurs ne se supportent plus. Avec Maggie, la fille de Kathleen, elles vont se retrouver bien malgré elles  dans leur maison de vacances du Maine pour quelques jours.

Maine est l’entrelacement de 4 portraits de femmes issues de  générations différentes et qui ont bien du mal à se comprendre, elles n’ont pas grand chose en commun si ce n’est d’être des mères (ou une future mère dans le cas de Maggie). C’est la maison du Maine qui va cristalliser les sentiments ambivalents que ces femmes éprouvent les unes pour les autres: à la fois lieu de rassemblement, de souvenirs, de bonheur qui symbolise le lien familial, cette  maison est aussi une incessante source de conflits.

Cet été-là chacune va devoir faire face à ses failles, ses échecs, ses secrets. Kathleen, le vilain petit canard, cherche toujours l’assentiment de sa famille; Ann-Marie ne sait plus vraiment qui elle est et à quoi elle sert depuis que ses enfants ont quitté le nid; Alice est toujours rongée par la culpabilité depuis la mort de sa sœur bien des années auparavant; Maggie vient d’être larguée par son petit ami alors qu’elle est enceinte, et a peur de reproduire les erreurs de sa mère. Chacune rentre facilement dans une case, la grand-mère acariâtre, la femme au foyer parfaite, le canard boiteux, et pourtant il en faut si peu pour faire bouger les lignes de démarcation entre elles…  Maine est un beau roman familial à 4 voix, qui parle de maternité, dans ce qu’elle révèle de notre féminité, avec beaucoup de nuances et de subtilité.

Maine de J. Courtney Sullivan, Le livre de poche 2014 – Note/4 etoiles

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