Catégorie : 5 étoiles – Coups de coeur

[Roman] Les revenants – Laura Kasischke

Nicole, une jolie et brillante étudiante, est tuée dans un accident de voiture provoqué  par son petit ami Craig. Malgré l’hostilité générale Craig revient l’année suivante à l’université où il est accueilli par son colocataire Perry, qui peine lui aussi à se remettre de la mort de Nicole et s’est inscrit aux cours de Mira, une enseignante spécialisée dans l’histoire des pratiques funéraires. Craig ne se souvenant de rien, les circonstances de l’accident restent assez floues, et les informations du journal local ne corroborent pas celles de l’unique témoin de l’accident, Shelly. Et si Nicole n’était pas en plus la personne charmante et délicate qu’elle paraissait être ?  Bientôt des phénomènes étranges surviennent sur le campus.

C’est le 6ème livre de Laura Kasischke que je lis (après Rêves de garçons, La couronne verte, La vie devant ses yeux, En un monde parfait, A moi pour toujours) mais étrangement c’est seulement le 2ème que je chronique sur ce blog. Sans doute parce qu’il est très difficile de résumer un roman de Laura Kasischke… Sous leurs airs plutôt légers, traitant de la middle-class américaine, se cachent des romans d’une Pay Day Loans profondeur insondable dans lesquels la cruauté de la nature humaine finit toujours par vous exploser en pleine face. Les revenants est un roman choral qui alternent les points de vue, avant et après l’accident, de Craig, le petit ami de Nicole, de Perry, le colocataire de Craig, de Shelly, témoin de l’accident, et de Mira, une enseignante qui se débat dans des problèmes de couple. Chacun détient une petite part de la vérité et l’histoire se construit peu à peu comme un fragile château de cartes.  Laura Kasischke a un talent inégalable pour créer une atmosphère de malaise, pour perdre et perturber son lecteur. A la fois campus novel (avec une plongée du côté sombre des sororités américaines, le pendant féminin des fraternités), drame psychologique, thriller, enquête surnaturelle, Les revenants est un roman inclassable et foisonnant dont on ressort complètement étourdi. C’est un livre qui m’a souvent empêché de dormir (je suis une vraie chochotte, et tout ce qui touche au surnaturel me colle des angoisses), mais quand on referme ce roman on se dit que les vivants peuvent être parfois bien plus terrifiants que nos morts.

Editions Bourgois 2011, 587 pages/

[Roman] Hunger Games – Suzanne Collins

Dans un monde futur, les Etats-Unis n’existent plus et le territoire est désormais divisé en 12 districts plus ou moins pauvres, sous la coupe de l’opulent Capitole. Afin de maintenir une atmosphère de terreur, chaque année sont organisés les Hunger Games, un jeu télévisé durant lesquels 24  adolescents (2 par district, une fille et un garçon) sont désignés et enfermés dans une arène ultra-sophistiquée. Ils doivent alors se battre à mort jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’un. Pour cette 74ème édition, c’est la jeune et délicate Prim Erdeven qui est tirée au sort pour le district 12. Mais sa sœur aîné, Katniss, qui prend soin de sa famille depuis la mort de leur père, se porte volontaire pour la remplacer.

Si vous avez raté le début, voici donc comment débutent ces fabuleux Hunger Games. J’ai un peu hésité à rédiger ce billet, vous devez être nombreux à avoir déjà lu cette série en 3 volumes, dont le premier tome a récemment été adapté au cinéma. Si ce n’est pas le cas, je ne saurais trop vous recommander de le faire d’urgence… Pour cette trilogie, l’auteur s’est inspiré à la fois de la télé-réalité et du mythe de Thésée, dans lequel de jeunes hommes et femmes étaient livrés en sacrifice au Minotaure.  Un cocktail très réussi auquel il faut ajouter quelques ingrédients savoureux : Un genre à la mode, efficace, de nombreux rebondissements qui ne laissent aucun répit au lecteur ; des personnages attachants mais jamais caricaturaux, et une héroïne à la forte personnalité; et enfin une histoire d’amour (Katniss est partagée entre Peeta, son concurrent dans l’arène, et Gale, son ami d’enfance) assez touchante pour combler l’esprit fleur bleue qui sommeille en chacune d’entre nous, sans pour autant verser dans le romantisme dégoulinant. Suzanne Collins a ainsi su doser les éléments essentiels pour créer une série profondément addictive.

Si j’ai adoré les deux premiers tomes, j’ai en revanche été un peu déçue par le 3ème et dernier épisode. Suzanne Collins a sans doute voulu aller là où on ne l’attendait pas, ce dernier volume est donc plein de surprises mais il  insiste trop à mon avis sur la face sombre des personnages. Certaines scènes sont particulièrement violentes, et je souhaite bien du courage au réalisateur qui s’attaquera à l’adaptation sur grand écran de ce 3ème volet. Enfin ce dernier volume répond bien à THE question, Gale ou Peeta, mais le choix de Katniss en demi-teinte ne contentera sans doute aucun lecteur. Je quitte à regret l’univers des Hunger Games sur cette note finale un peu amère… (Mais il me reste encore à voir l’adaptation ciné!)

Tome 1 : Hunger Games, Pocket Jeunesse 2009/
Tome 2 : L’embrasement, Pocket Jeunesse 2010/
Tome 3 : La révolte, Pocket Jeunesse 2011/

(la bande annonce du film)

[Roman] Quand j’étais Jane Eyre – Sheila Kohler

quand j'étais jane eyre

Qui donc voudrait lire les écrits de la fille d’un obscur pasteur, installée au fin fond du Yorkshire? Et qu’est qu’elle a bien pu raconter? Que sait-elle, ayant vécu la plus grande partie de sa vie isolée, préservée, protégée dans un presbytère reculé, sans rien autour d’elle sinon la lande nue, ses soeurs célibataires, sa tante célibataire, une vieille servante ignorante, un frère délinquant et un père pasteur? (…)Elle a passé ses jours soit à  la maison, soit en internat, soit à  faire l’institutrice pour des petits-enfants, prisonnière de diverses nurseries, comme une nonne. Que sait-elle du coeur humain, de l’amour?

Manchester, 1846. Charlotte Bronté veille son père qui vient de subir une opération des yeux, alors que ses deux jeunes soe“urs, Anne et Emily, et son frère Branwell sont restés dans la maison familiale de Hanworth. Elle profite du silence et de la solitude pour écrire un nouveau roman, Jane Eyre.

Sheila Kohler signe ici une biographie romancée sur la vie des soeurs Bronté«. Elle se glisse dans le sillage de Charlotte pour évoquer ces trois jeunes femmes de santé fragile et que la vie n’épargnera pas: la mort prématurée de leur mère et de leurs deux soe“urs ainées, leur enfance sous la coupe d’un père rigide et d’une tante sévère, la violence du pensionnat, la folie du frère adoré, leurs vies sentimentales gâchées. Alors les trois soe“urs écrivent sans relâche, puisant dans leur source inépuisable de malheurs la force de leurs romans respectifs. L’auteur trace sans cesse des lignes entre la vie des trois soe“urs et leurs romans. Ainsi Monsieur Rochester a t-il été inspiré à Charlotte par son professeur, Monsieur H., dont elle était follement amoureuse? L’atmosphère est merveilleusement  bien rendue, on imagine les trois soeurs travaillant sur la table familiale, se lisant tour à tour à voix haute les passages qu’elles viennent d’écrire, naviguant entre complicité et rivalité. Elles enverront leurs premiers romans ensemble sous un pseudonyme commun (masculin bien sûr) mais quand  Les hauts de Hurlevent d’Emily et Agnès Grey d’Anne sont enfin publiés,  Charlotte reste sur le bord de la route avec Le professeur, et la relation entre les trois soeurs est alors chahutée.

Quand j’étais Jane Eyre est un livre pudique et raffiné, empli d’une infinie tristesse, que l’on termine la gorge serrée, mais avec l’irrépressible envie de (re)lire Jane Eyre et Les Hauts de Hurlevent.

Le nom lui vient comme ça. Elle ne croit pas l’avoir jamais entendu. A-t-elle connu quelqu’un qui le portait? L’a-t-elle aperçu sur un blason dans une église? Est-il inspiré de la rivière et la belle vallée de l’Ayre qu’elle connaît si bien? Vient-il de l’air, ou du feu, peut-être? Il y aura du feu et de la colère dans son livre, il sera en guerre contre le monde tel qu’il est. Injuste! Injuste! Colère visionnaire: elle est celle qui voit maintenant pour son père. Le voyeur, l’observateur, c’est elle. Jane si ordinaire, Emily Jane, le deuxième prénom de sa soeur chérie, Jane, si proche de Jeanne, la courageuse Jeanne d’Arc, Jane si proche de Janet, Jeannette, la petite Jane. Un nom qui évoque le devoir et la tristesse, l’enfance et l’obéissance mais aussi le courage et la liberté, un nom d’elfe, un nom de fée, mi-esprit, mi-chair. Lumière dans la nuit, vérité au milieu de l’hypocrisie. Le nom de quelqu’un qui voit: Jane Eyre.

Editions de La Table Ronde (collection Quai Voltaire), 260 pages / 5 étoiles
Lecture en partenariat avec Newsbook.

Nina et les oreillers – Maylis de Kerangal

Je m’appelle Nina, j’ai neuf ans.
J’habite au 7ème étage d’un immeuble rococo.
Chez moi le plancher craque,
le couloir est tordu comme un bretzel
et ma chambre petite avec une grande fenêtre.
J’ai 3 copines à la vie à la mort,
un chat, deux grands frères,
et un voisin de mon âge très énervant.
Ma nouvelle vie a commencé le soir
où j’ai trouvé un oreiller tout neuf posé sur mon lit.

Grâce à ce nouvel oreiller, la petite Nina va enfin se mettre à rêver… Elle qui n’avait jamais rêver devient même “la championne du monde des rêves”! Puis elle découvre que quand elle dort avec l’oreiller de quelqu’un d’autre, elle peut aussi s’approprier ses rêves. Si par exemple elle emprunte l’oreiller du calme et timide Tom, son grand-frère de 15 ans, elle devient une rock-star. Avec celui de Basile, son frère de 11 ans, elle joue dans l’équipe de france de foot. Et avec celui de sa maman elle se retrouve à faire un pique-nique dans la brousse avec George Clooney (houhou celui là c’est mon rêve préféré). Et quand son petit voisin lui prête son oreiller… Ah je ne vous révèlerais rien de plus. Nina et les oreillers est le premier album pour la jeunesse de la romancière Maylis de Kerangal (Prix Médicis 2010 pour Naissance d’un pont). On se laisse entraîner avec bonheur dans ce pays des rêves fou et poétique, et j’ai adoré les superbes illustrations douces et douillettes d’Alexandra Pichard. Un coup de cœur!

Editions Helium 2010/

Blanche-Neige des freres Grimm illustré par Benjamin Lacombe

Après avoir échoué au challenge “Je lis aussi des albums” 2010 organisé par Sophie (je vous épargne la liste de mes très bonnes excuses),  je récidive cette année pour la seconde édition. Je me suis donc à nouveau engagée à lire 20 albums en un an, et j’ai commencé par une valeur sûre, un conte des frères Grimm illustré par Benjamin Lacombe.

Est il utile de vous rappeler l’histoire? Une reine acariâtre et jalouse, veut se débarrasser de sa belle-fille à la peau blanche comme neige, aux lèvres aussi rouges que le sang et aux cheveux noirs d’ébène. Mais le chasseur chargé d’éliminer Blanche-Neige, ému par sa beauté, la laisse s’enfuir, et la jeune fille trouve refuge dans la forêt auprès de sept nains. Jusqu’au jour où la méchante reine découvre que Blanche-Neige est toujours vivante…

Voilà longtemps que je n’avais pas lu ce Pokies conte, et en le commençant j’avais d’ailleurs plus en tête le dessin animé de Disney que la version originale des frères Grimm. J’avais oublié bien des détails, et notamment à quel point cette histoire était noire et violente (si mes souvenirs sont bons, la version de Disney est pas mal édulcorée). Je ne me souvenais pas par exemple que pour punir la vilaine sorcière on la faisait danser dans des sabots en fer brûlants jusqu’à ce qu’elle en meurt…   Les illustrations de Benjamin Lacombe sont magnifiques évidemment et il a choisi d’appuyer ce côté sombre de l’histoire, en peuplant ses dessins d’oiseaux effrayants. Un bien bel album, même si à mon avis il vaut mieux éviter de le mettre entre les mains des plus petits.

Blanche-Neige des Frères Grimm, illustré par Benjamin Lacombe, Milan Jeunesse 2010, 16,50€/
Challenge Je lis aussi des albums 1/20