Catégorie : 5 étoiles – Coups de coeur

[Roman graphique] Le journal de Frankie Pratt – Caroline Preston

Née dans le New Hampshire au début du XXème siècle, Frankie Pratt commence à tenir son journal à 18 ans. D’origine modeste et orpheline de père, elle est acceptée à l’Université de Vassar où elle côtoie des jeunes filles de la haute société. Elle qui pensais devenir infirmière comme sa mère, rêve désormais de devenir écrivain, s’installe d’abord à New-York avant de partir pour Paris…  De 1920 à 1928, on suit ses pérégrinations d’un côté et de l’autre de l’Atlantique, sa découverte du monde de l’édition, ses rencontres improbables et ses déceptions amoureuses.

L’originalité de ce roman tient surtout à sa forme: Le journal de Frankie Pratt est un “scrapbook”, un mélange hétéroclite de photos, de coupures de journaux, de dessins, de publicités, de lettres, d’objets divers et variés… Des éléments rassemblés patiemment par l’auteur pendant des années (à la fin du livre elle remercie notamment les 300 vendeurs Ebay qui l’ont aidé à constituer ce trésor). Cette composition originale et bigarrée m’a totalement subjuguée.

Le fond est plus classique mais tout à fait exquis, j’ai beaucoup aimé cette traversée culturelle dans les années 20 (il faut dire que c’est une période que j’adore): l’apparition du cinéma parlant (“Nous sommes d’accord – le cinéma parlant n’est qu’un feu de paille et les films muets sont bien plus romantiques“), la traversée de l’atlantique par Lindbergh, la naissance du New-Yorker (« Je ne dis pas à O. que je ne donne pas un mois au New-yorker avant de disparaître – pauvre Wolf, il y croyait tellement »), l’ébullition littéraire et artistique qui agite New-York et Paris…

Ce journal a été inspiré à Caroline Preston par l’amitié entre sa grand-mère et Sylvia Beach,  libraire et éditrice à Saint-Germain-des-Prés dans les années 1920. Le roman est donc bourré de références littéraires, Frankie lit Edith Wharton et Francis Scott Fitgerald, côtoie le Paris des expatriés et Hemingway, découvre le sulfureux Ulysse de James Joyce, alors interdit aux Etats-Unis.  Le journal de Frankie Pratt est un OLNI (Objet Littéraire Non Identifié) enthousiasmant, so romantic et délicieusement vintage, un coup de cœur dans lequel j’ai eu envie de replonger sitôt la dernière page tournée.

Le journal de Frankie Pratt, éditions Nil 2012, 236 pages –

Challenge New-York
Challenge 50 états, 50 billets (Etats: New Hampshire et New York)
Challenge Petit bac (Catégorie Prénom)

[Sortie Poche] Les revenants – Laura Kasischke

(A l’occasion de la sortie en poche de Les revenants de Laura Kasischke, un de mes coups de cœur 2012, je vous propose une rediff de mon billet publié il y a quelques mois)

Nicole, une jolie et brillante étudiante, est tuée dans un accident de voiture provoqué par son petit ami Craig. Malgré l’hostilité générale Craig revient l’année suivante à l’université où il est accueilli par son colocataire Perry, qui peine lui aussi à se remettre de la mort de Nicole et s’est inscrit aux cours de Mira, une enseignante spécialisée dans l’histoire des pratiques funéraires. Craig ne se souvenant de rien, les circonstances de l’accident restent assez floues, et les informations du journal local ne corroborent pas celles de l’unique témoin de l’accident, Shelly. Et si Nicole n’était pas en plus la personne charmante et délicate qu’elle paraissait être ? Bientôt des phénomènes étranges surviennent sur le campus.

C’est le 6ème livre de Laura Kasischke que je lis (après Rêves de garçons, La couronne verte,… Sous leurs airs plutôt légers, traitant de la middle-class américaine, se cachent des romans d’une profondeur insondable dans lesquels la cruauté de la nature humaine finit toujours par vous exploser en pleine face. Les revenants est un roman choral qui alternent les points de vue, avant et après l’accident, de Craig, le petit ami de Nicole, de Perry, le colocataire de Craig, de Shelly, témoin de l’accident, et de Mira, une enseignante qui se débat dans des problèmes de couple. Chacun détient une petite part de la vérité et l’histoire se construit peu à peu comme un fragile château de cartes. Laura Kasischke a un talent inégalable pour créer une atmosphère de malaise, pour perdre et perturber son lecteur. A la fois campus novel (avec une plongée du côté sombre des sororités américaines, le pendant féminin des fraternités), drame psychologique, thriller, enquête surnaturelle, Les revenants est un roman inclassable et foisonnant dont on ressort complètement étourdi. C’est un livre qui m’a souvent empêché de dormir (je suis une vraie chochotte, et tout ce qui touche au surnaturel me colle des angoisses), mais quand on referme ce roman on se dit que les vivants peuvent être parfois bien plus terrifiants que nos morts.

Editions Le livre de Poche 2013, 672 pages/

[Beau livre] Ma première histoire de l’art – Béatrice Fontanel

Ma première histoire de l’art est un ouvrage plutôt destiné aux enfants, mais il est tellement agréable à feuilleter que les adultes s’y plongeront aussi avec plaisir pour rafraîchir un peu leurs bases! C’est un ouvrage superbe, à la fois simple d’accès et très complet, avec des illustrations de belle qualité et une mise en page claire et aérée: chaque courant ou peintre est présenté sur une double page, avec un texte concis, 3 à 5 œuvres représentatives et une fresque permettant de le situer dans le temps. Les textes sont assez courts pour ne pas effrayer le lecteur, mais ils résument bien l’essentiel à retenir.

(Pour la partie consacrée à l’impressionnisme les œuvres proposées sont par exemple Un bar aux Folies-Bergères de Manet, La Toilette de Toulouse-Lautrec, Danseuses montant un escalier de Degas et une estampe japonaise ayant influencé les impressionnistes)

Toute l’histoire de l’art est traitée en une centaine de pages. Après une rapide introduction sur l’art préhistorique, il y a 6 grandes parties:

  • Les temps antiques avec les rois de Mésopotamie, l’art Egyptien, les statues grecques et la vie à Pompéi.
  • Le Moyen âge avec les enluminures, le peintre italien Giotto, l’art courtois.
  • La Renaissance avec les peintures de guerre,  Signorelli, Botticelli, Léonard de Vinci, Michel-Ange, l’invention de la peinture à huile, Jérôme Bosh, Dürer, le portraitiste allemand Hans Holbein, le travail sur la lumière et les couleurs des peintres vénitiens, un chapitre sur Raphaël, Véronèse et Titien (les titans de la toile), Bruegel.
  • Le XVIIe & XVIIIe avec Rembrandt, la peinture hollandaise, le baroque, la peinture classique, le rococo…
  • Le XIXe siècle avec le tournant de la Révolution, Goya, les romantiques, le naturalisme, l’impressionnisme, Rodin, Gauguin et Cézanne, Van Gogh.
  • Le XXe siècle avec le fauvisme, le cubisme, Le Bauhaus, l’expressionnisme, le surréalisme, l’art abstrait, le pop art, l’art contemporain…

Bref, un livre indispensable pour initier vos enfants à l’art, j’ai particulièrement apprécié la grande place accordée aux illustrations. J’ai aussi découvert grâce à ce livre le magnifique catalogue des éditions Palette qui propose de nombreux livres d’art à destination des enfants et des adultes. Si vous cherchez un cadeau intelligent à mettre sous le sapin, je ne saurais trop vous conseiller d’aller faire un tour sur leur site.

Ma première histoire de l’art, Editions Palette 2009, 111 pages /
Merci à Babelio

[Album] L’histoire en vert de mon grand-pere – Lane Smith

Un petit garçon raconte l’histoire de son arrière-grand-père, passionné d’horticulture, qui a construit son jardin à l’image de sa vie: des arbustes sculptés y représentent son enfance à la ferme, son premier baiser, son départ à la guerre ou sa rencontre avec sa femme. Un témoignage d’autant plus important que ce grand-père perd peu à peu la mémoire…

Lane Smith est un illustrateur américain dont vous connaissez sans doute un des précédents albums, C’est un livre, qui a connu un beau succès (Ma fille et moi sommes aussi fans de C’est un petit livre, la version cartonnée pour les tout-petits!). Avec L’histoire en vert de mon grand-père il transforme une histoire somme toute assez classique en un album vraiment splendide.  L’idée des arbustes sculptés donne une autre dimension à cette balade d’un petit garçon dans la mémoire de son grand-père.  On sent monter au fil des pages tout l’amour et l’admiration de ce petit homme pour son aïeul. C’est beau, c’est tendre,  une petite merveille vraiment.

L’histoire en vert de mon grand-père (Grandpa Green) de Lane Smith, Gallimard Jeunesse 2012/
Challenge Petit Bac, Catégorie Couleur.

[Roman] Avis de tempête – Susan Fletcher

Dans les années 80, sur la côte Sud-Ouest du Pays de Galles, la mère de Moïra mène enfin sa nouvelle grossesse à son terme, après plusieurs fausses couches. Jalouse, troublée par la prochaine naissance de cette petite sœur déjà envahissante, fâchée contre ses parents qui lui ont caché cette grossesse, Moïra profite d’une bourse d’études pour s’exiler dans un pensionnat à l’autre bout du pays. Mais avec son physique lunaire, son intelligence, sa soif d’apprendre, sa réserve, sa difficulté à établir des liens avec les autres, Moïra aura beaucoup de mal à s’intégrer dans son nouvel univers. Bien des années plus tard, Moïra raconte son parcours à sa jeune sœur Amy plongée dans un profond coma…

Je n’aime pas trop d’habitude les romans à tendance descriptive mais ici je me suis vraiment régalée, j’ai adoré la plume précise et ciselée de Susan Fletcher, la puissance sensorielle des paysages,  de chaque bruit, de chaque odeur. Avis de tempête est un roman intense qui vibre au rythme de la mer, une histoire de vent et d’écume.

Roman d’apprentissage Online Casino et drame familial, c’est aussi un concentré d’émotions, un récit troublant sur la féminité et la relation entre sœurs. Moïra est un personnage extraordinaire et complexe, à la fois si forte et si faible, bouleversante dans sa solitude, dans sa difficulté à gérer ses sentiments et ceux des autres. J’ai été émue par sa façon de se tenir toujours à la frontière de tout, comme si elle n’était qu’une simple spectatrice, et puis par sa lente éclosion au monde. Au bout d’un périlleux chemin, elle renouera avec sa famille, qu’elle a si longtemps – et si injustement – rejetée, et surtout elle se réconciliera avec elle-même. On ne sort pas indemne de ce roman et les personnages de Moïra et d’Amy me hanteront pendant longtemps. Cet Avis de tempête m’a donné envie de me jeter sur les autres livres de Susan Fletcher, d’ailleurs La fille de l’irlandais est déjà sur ma PAL.