Catégorie : 5 étoiles – Coups de coeur

Mille soleils splendides – Khaled Hosseini

5 étoiles

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Née en Afghanistan à la fin des années 50, Mariam est une harami, une fille illégitime. Elle vit avec sa mère dans une petite maison isolée et voue un amour sans bornes à son père qui lui rend visite une fois par semaine. Mais à 15 ans son univers s’écroule, et elle se retrouve mariée à un veuf originaire de Kaboul. Bien des années plus tard, la nuit du coup d’état de 1978, Laïla naît dans la capitale afghane. Elle grandit sous le régime communiste, entre un père très cultivé qui a perdu son poste de professeur, et une mère dépressive qui ne se remet pas de l’absence de ses deux fils, partis combattre aux côtés du commandant Massoud. Les destins tragiques de Mariam et de Laïla vont bientôt se croiser dans Kaboul, la ville aux “mille soleils splendides”.

C’est la tragédie d’un peuple terrorisé pendant près de 30 ans que Hosseini raconte d’abord ici : L’instauration du régime communiste à la fin des années 70, la victoire des moudjahidin et leurs querelles intestines, la prise de pouvoir des talibans puis l’intervention américaine ont maintenu l’Afghanistan à feu et à sang pendant plusieurs décennies. Au milieu de ce chaos, on s’attache aux pas de deux femmes, victimes non seulement de ces guerres incessantes mais aussi des hommes, dans un pays où la condition féminine est désastreuse (Voir notamment l’extrait ci-dessous, qui correspond à l’arrivée des talibans). Certains reprocheront à Khaled Hosseini de reprendre la recette qui a fait le succès de son précédent roman, ici encore il s’agit d’une histoire d’amitié, de fraternité qui prend racine dans un pays dévasté. Mais cela n’en reste pas moins un roman bouleversant, qui m’a pris à la gorge du début à la fin… Si vous avez aimé Les cerfs volants de Kaboul , vous adorerez  Mille soleils splendides !

2007 Belfond, 405 pages, 21€  (Traduction de Valérie Bourgeois)

Merci à Babelio qui m’a envoyé ce livre dans le cadre de l’opération masse critique.


Extrait
(p. 271):

“Notre watan s’appelle désormais l’Emirat islamique d’Afghanistan. Voici les lois que nous allons faire appliquer et auxquelles vous obéirez :

Tous les citoyens doivent prier cinq fois par jour. Quiconque sera surpris à faire autre chose au moment de la prière sera battu.
Tous les hommes doivent se laisser pousser la barbe. La longueur correcte est d’au moins un poing en dessous du menton. Quiconque refusera de respecter cette règle sera battu.
Tous les garçons doivent porter un ruban – noir pour ceux scolarisés en primaire, et blanc pour ceux des classes supérieures – ainsi que des habits islamiques. Les cols de chemise seront boutonnés.
Il est interdit de chanter.
Il est interdit de danser.
Il est interdit de parier et de jouer aux cartes, aux échecs et aux cerfs-volants.
Il est interdit d’écrire des livres, de regarder des films et de peindre des tableaux.
Quiconque gardera des perruches chez soi sera battu et ses oiseaux tués.
Quiconque se rendra coupable de vol aura la main coupée. Et s’il recommence, il aura le pied coupé.
Il est interdit à tout non-musulman de pratiquer son culte en un lieu où il pourrait être vu par des musulmans, au risque d’être battu et emprisonné. Quiconque sera surpris à essayer de convertir un musulman à sa religion sera exécuté.

A l’intention des femmes :

Vous ne quitterez plus votre maison. Il est inconvenant pour une femme de se promener dehors sans but précis. Pour sortir, vous devrez être accompagnée par un mahram, un homme de votre famille. Si vous êtes surprise seule dans la rue, vous serez battue et renvoyée chez vous.
En aucun cas vous ne dévoilerez votre visage. Vous porterez une burqa à l’extérieur de votre maison. Sinon, vous serez sévèrement battue.
Il vous est interdit de vous maquiller.
Il est interdit d’arborer des bijoux.
Vous ne vous afficherez pas avec des vêtements aguichants.
Vous ne parlerez que lorsque l’on vous adressera la parole.
Vous ne regarderez aucun homme droit dans les yeux.
Vous ne rirez pas en public. Sinon vous serez battue.
Vous ne vous vernirez pas les ongles. Sinon vous serez amputée d’un doigt.
Il vous est interdit d’aller à l’école. Toutes les écoles pour filles seront fermées.
Il vous est interdit de travailler.
Si vous êtes reconnue coupable d’adultère, vous serez lapidée.

Miss pas touche – Hubert et Kerascoët


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Dans le Paris des années 30, deux petites bonnes, Blanche et Agathe sont des sœurs très différentes: Agathe, joyeuse et délurée, passe ses soirées à danser dans les guinguettes, alors que Blanche, prude et réservée, attend sagement son retour. Quand Agathe est assassinée, Blanche est persuadée que le coupable est le tueur en série que les journaux ont surnommé “le boucher des guinguettes”. Elle remonte sa piste jusqu’au Pompadour, une maison close fréquentée par la haute société.

Cette BD en deux volumes nous plonge dans un monde fascinant, un lieu de perdition et de fantasmes qui a parfois des faux airs de pensionnat de jeunes filles, avec ses amitiés et ses rivalités, ses fortes têtes et ses souffre-douleurs. Miss-pas-touche-tome-2.gif C’est dans cette ambiance à la fois sombre et légère que se retrouve notre délicieuse Blanche, personnage plein de panache, petit bout de femme au cœur d’or qui ne se laisse pas pour autant marcher sur les pieds, et qui saura conserver ses valeurs dans un monde qui n’en a pas beaucoup. Ajoutez le dessin fin et élégant de Kerascoët (un pseudo qui cache en fait un duo de dessinateurs, Marie Pommepuy et Sébastien Cosset) et une enquête rondement menée, et vous aurez une BD chaudement conseillée !

Tome 1 : La vierge du bordel (2006) / Tome 2 : Du sang sur les mains (2007) chez Dargaud, collection Poisson Pilote.

Hortense et Queenie – Andrea Levy





Hortense et Queenie
est un roman polyphonique, un récit à 4 voix. La première à prendre la parole est Queenie Bligh, une jeune londonienne dont le mari Bernard n’est pas revenu des Indes à la fin de la seconde guerre mondiale. Contrainte de louer des chambres pour survivre, elle héberge notamment Gilbert, un jeune jamaïcain qui a servi dans la R.A.F. La femme de Gilbert, Hortense, a toujours souhaité vivre en Angleterre, mais ce pays qui a bien du mal à se relever après des années de guerre, le racisme ambiant, cette chambre sale et étriquée, tout ça ne ressemble vraiment pas à ce dont elle avait rêvé.
L’angleterre de l’après-guerre reste le coeur du roman, mais l’intrigue fait des allers-retours dans le temps et l’espace : On découvre progressivement la jeunesse d’Hortense en Jamaïque, l’enfance de Queenie dans la campagne anglaise, les difficultés de Gilbert au sein d’une armée profondément raciste,  celles de Bernard qui se retrouve à combattre à l’autre bout du monde. La vie n’est pas tendre avec nos quatre personnages, confrontés à la guerre, à l’intolérance, à la cruauté, à la trahison. S’ils sont peu sympathiques au début du roman, ils deviennent au fil des évènements terriblement attachants. Chacun d’entre eux va devoir réviser ses certitudes, abandonner ses illusions. J’ai une faiblesse particulière pour le personnage d’Hortense : Malgré ses grands airs, elle est d’une candeur désarmante, et on a le coeur qui se serre quand elle découvre cette angleterre décrépie, et que la réalité égratigne méchamment ses rêves de petite fille. Hortense et Queenie (le titre original, Small Island, me semble mieux correspondre à l’esprit du roman) est une belle saga, une galerie de portraits très émouvante!
Editions de la table ronde (Quai Voltaire) 2006, 444 pages, 22€

[Roman] La fille du cannibale – Rosa Montero

la fille du cannibaleLucia Romero mène une vie plutôt morne. Enlisée dans un mariage sans passion, cette quadragénaire espagnole est l’auteur d’une série de livres pour enfants plutôt médiocre, Belinda la petite cocotte. Mais un événement inattendu va bouleverser l’existence de Lucia: alors qu’ils s’apprêtent à partir en vacances, son mari, Ramon, disparaît mystérieusement dans l’aéroport. Aidée malgré elle par deux voisins, un vieil anarchiste et un jeune homme séduisant, Lucia va se lancer sur les traces de son mari et découvrir qu’elle le connaît bien mal.

“La fille du cannibale” se déroule entre présent et passé, d’un côté la recherche de Ramon, de l’autre les souvenirs d’un vieil homme sur fond d’anarchisme et de guerre d’Espagne. Ce rythme binaire apporte beaucoup d’énergie au récit. La réussite de ce livre tient par ailleurs dans un joli équilibre romanesque entre humour et gravité, entre situations loufoques et réflexion(s) sur la vie. Les personnages, trois personnalités très différentes qui vont doucement s’apprivoiser, sont décalés et attendrissants. La disparition de son mari va notamment permettre à Lucia, que la quarantaine rend mélancolique, de se remettre en question et  de se redécouvrir. Entre rires et larmes, Rosa Montero réussit ainsi un très beau portrait de femme qui m’a beaucoup touché.

Editions Métailié 2006, 407 pages, 20€ – 5 étoiles

L’immeuble d’en face – Vanyda

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Je lis peu de BD, bien plus par manque d’habitude que par manque d’intérêt. Je me suis récemment décidée à plonger dans les rayons dédiés de ma librairie et de ma bibliothèque, armée de quelques
conseils de bloggeuses…Voilà donc une nouvelle rubrique et un premier commentaire!
Claire et Louis, un couple d’étudiants, vivent au 3ème étage d’un immeuble de Lille. Aux étages inférieurs habitent un couple d’age mûr avec leur énorme
chien, ainsi qu’une femme enceinte, Béatrice, et son fils de 4 ans. “L’immeuble d’en face”, c’est le quotidien de ces quelques personnages, les chamailleries des couples, les mots d’enfants, les
petits incidents de tous les jours, les relations entre voisins, les anecdotes ou les moments forts de l’existence.
Au cours de brefs chapitres en noir et blanc, on passe de l’intimité des appartements (où les personnages boivent un thé, se brossent les dents, se disputent, font l’amour ou la fête), aux parties communes où se tissent, avec le temps, les liens entre les personnages. Avec beaucoup de simplicité, que ce soit au niveau de l’histoire ou du dessin, Vanyda réussit un bien joli album plein de fraîcheur, peuplé de personnages ordinaires, mais très
attachants. Le jeu de la mise en page, l’humour et la tendresse qui se dégagent de cet album, font de sa lecture un moment privilégié et réconfortant. A lire, vraiment!
Vous pouvez voir quelques planches sur le site de l’éditeur et lire les avis
(enthousiastes!) de Clarabel et d’ Emjy.

La boîte à bulles 2004, 166 pages, 13.50€