Catégorie : 5 étoiles – Coups de coeur

Trudi la naine – Ursula Hegi

Trudi la naine

5 étoiles

Trudi Montag, qui restera pour toujours Trudi la naine, naît en 1915 à Burgdorf, une petite ville allemande proche de Düsseldorf. Dévorée par la culpabilité, sa mère sombre dans la folie peu après sa naissance, voyant dans la différence de sa fille le prix à payer pour ses propres péchés. Trudi est donc élevée par son père, un bibliothécaire  droit et aimant, blessé pendant la Grande Guerre. Pendant 37 ans Trudi observera les habitants de cette petite ville, et deviendra la dépositaire de leurs pires secrets.

Comment résumer en quelques lignes ce pavé de 730 pages, ce roman hors-normes, à l’image de sa figure principale? De 1915 à 1952, Trudi raconte l’histoire de l’Allemagne à travers le quotidien d’une petite ville: L’humiliation de la première guerre mondiale et du traité de Versailles, les rancœurs, la montée du nazisme, un deuxième conflit mondial, l’extermination des juifs. Des évènements qui se déroulent au loin et qui paraissent presque irréels, même si Burgdof n’est pas épargné par les restrictions alimentaires, même si les veuves deviennent de plus en plus nombreuses, même si les amis juifs  de Trudi ne reviendront pas.  Elle croisera la route de quelques nazis convaincus, et de quelques héros très discrets. Mais elle vivra surtout au milieu de tous ceux qui par leur passivité, leur lâcheté,  leur indifférence auront nourri le nazisme, et qui sitôt la guerre terminée se hâteront d’oublier. Avec sa taille d’enfant qui désarme la méfiance de ses interlocuteurs, forte du mépris qu’elle a du affronter toute sa vie, Trudi recueille les confidences et les secrets, porte un regard implacable et terriblement lucide sur ses compatriotes.

“Trudi la naine” porte assez mal son titre (le titre original Stones from the river est à mon avis plus pertinent) car il ne s’agit pas vraiment d’un livre sur Trudi  (même si rarement les rêves et les espoirs d’un personnage m’auront autant bouleversée). Ce n’est pas non plus à proprement parler un livre sur le nazisme.  Plutôt un livre sur l’humanité, rien que ça, un roman cruel qui nous rappelle comment nos choix quotidiens peuvent insensiblement conduire au tragique. Un livre vertigineux, qui vous laisse légèrement vaseux, car c’est une œuvre difficile sur le fond comme sur la forme (pas toujours facile de s’y retrouver dans cette multitude de personnages secondaires), mais qui vous reste longtemps en mémoire.

Le livre de poche 2010, 730 pages, 8€ (Première édition française chez Galaade en 2007). Titre original: Stones from the river, traduction de Clément Baude.

Lu par Fée Bourbonnaise, Jess, Mobylivres, Fabienne, Heclea.

L’extraordinaire garçon qui dévorait les livres – Oliver Jeffers

l'extraordinaire garçon qui devorait les livres

5 étoiles

“Henri adorait les livres. Mais il n’aimait pas les livres comme vous et moi, non. Pas exactement… Henri adorait MANGER les livres.”

Un album pris un peu par hasard à la bibliothèque, c’est le titre qui a attiré mon attention  Ce très joli album prend l’expression “dévorer les livres” au pied de la lettre pour mieux plébisciter finalement le plaisir de la lecture, pas celle que l’on ingurgite, mais celle que l’on déguste, que l’on savoure, qu’on prend le temps d’apprécier… Henri dévore les livres, tous les livres, des romans d’aventures, des dictionnaires, des Atlas, des histoires comiques, des documentaires,  des livres de maths, même si les livres rouges sont ses préférés. Il devient de plus en plus intelligent, mais cette étrange manie finit par le rendre malade. Que va t-il devenir maintenant qu’il ne peut plus manger de livres? Et bien il va les lire pardi!

Si l’histoire est simple et mignonne, j’ai eu surtout un vrai coup de foudre pour les illustrations,  le graphisme et les couleurs, le travail sur la typographie ou les styles de papier. Et puis le petit clin d’œil de la dernière page, que je vous laisse le plaisir de découvrir, est vraiment craquant (ou plutôt carrément croquant…). Dès que j’ai tourné la dernière page je me suis immédiatement renseignée sur les autres albums d’Oliver Jeffers, et hop, Filou dans la forêt , un autre titre de cet illustrateur  est déjà sur ma PAL, je vous en reparle bientôt!

Editions Kaléidoscope 2007, 28 pages, 12,50€ (Titre original: The Incredible Book Eating Boy)

Première lecture dans le cadre du Challenge Je lis aussi des albums.
Lu aussi par Clarabel, Book’in.

oliver jeffers

Artbook – Rebecca Dautremer

art book - rebecca dautremer

5 étoiles

“-Rebecca Dautremer, vous êtes née Ursula Biotrovitz en 1954 à Banska Stiavnica en Slovaquie.
– Non
(…)
– C’est durant le trajet qui devait vous conduire jusqu’à Paris que votre famille se fait attaquer par une bande de renégats tchèques et c’est durant cette attaque que vos parents perdent tragiquement la vie . Apeurée, vous parvenez néanmoins à prendre la fuite et trouvez refuge dans la forêt de Compiègne. Là vous serez recueillie par une meute de loups avec qui vous vivrez jusqu’à l’âge de douze ans, apprenant leur langage et partageant leur quotidien.
– Non
– Vous ne savez pas parler aux loups?
– Non
– Bon… A douze ans vous dessinez un peu quand même?
– Oui”

***

Cette fausse interview qui figure au début du livre donne le ton, cet artbook ne se prend surtout pas au sérieux! Construit comme un jeu de piste, il vous renvoie de page en page selon vos préférences plus ou moins farfelues, c’est un peu “Le premier Artbook dont vous êtes le héros“. Il permet d’explorer de façon ludique l’univers très riche de Rebecca Dautremer: les coulisses de son travail (la maquette de la maison de Kerity par exemple),  des croquis,  des projets avortés, ses premiers dessins… Mais on découvre également au fil des pages d’autres facettes de son travail, comme ses photos,  on en apprend  aussi un peu plus sur la femme à travers  quelques portraits de famille.  Le tout est agrémenté de commentaires ou d’anecdotes amusantes, vous y trouverez même la recette des mojitos!  Chaque page est une véritable curiosité qui fourmille de détails, ça se lit dans tous les sens,  ça se picore selon vos envies ou ça se lit bien sagement de la première à la dernière page pour ne rien rater…  Un joyeux bazar, mais un bien beau livre qui confirme s’il en était besoin l’éclatant talent de Rebecca Dautremer.

Editions du chêne 2009, 160 pages, 39,90€
L’avis de Laure.

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Photos piochées sur le site officiel de Rebecca Dautremer.

-Rebecca Dautremer, vous êtes née Ursula Biotrovitz en 1954 à Banska Stiavnica en Slovaquie.

– Non

(…)

– C’est durant le trajet qui devait vous conduire jusqu’à Paris que votre famille se fait attaquer par une bande de renégats tchèques et c’est durant cette attaque que vos parents perdent tragiquement la vie . Apeurée, vous parvenez néanmoins à prendre la fuite et trouvez refuge dans la foret de Compiègne. Là vous serez recueillie par une meute de loups avec qui vous vivrez jusqu’à l’age de douze ans, apprenant leur langage et partageant leur quotidien.

– Non

– Vous ne savez pas parler aux loups?

– Non

– Bon… A douze ans vous dessinez un peu quand même?

– Oui

The New Yorker, l’humour des livres – Jean-Loup Chiflet


Créé en 1925, le magazine américain The New Yorker a dès ses débuts accordé une large place aux dessins humoristiques. Après avoir rassemblé  Les meilleurs dessins sur la France et les français, Jean-Loup Chiflet a eu la bonne idée de regrouper et de traduire les dessins consacrés à l’univers des livres: Editeurs cyniques, auteurs incompris,  libraires blasés, critiques féroces  ou lecteurs d’un jour… En 300 dessins tout est dit ou presque sur la littérature! Et en mettant en scène notre rapport aux livres, c’est un peu de notre société que ces dessins racontent: la vie de couple, nos relations aux autres, notre incessante quête du bonheur (avec la folie des livres consacrés au développement personnel), la superficialité de notre quotidien,  notre addiction aux nouveaux médias, l’omniprésence de l’argent, du commerce et du marketing qui voudraient dévorer la culture toute crue. Les dessinateurs du New Yorker ont vraiment un talent fou, quelques mots suffisent à faire mouche,  et certaines histoires sans paroles en disent même beaucoup…  Ce livre est un petit bijou qui fera soupirer d’aise tous les amoureux des livres, c’est fin, subtil, bien vu, drôle, saupoudré du délicieux nonsense cher aux anglo-saxons, terriblement riche, trop pour qu’il soit possible de le résumer convenablement. Je ne résiste pas au plaisir de  vous glisser ci-dessous quelques-uns de ces dessins, plus éloquents qu’un long discours!


Editions Les arènes 2009, 189 pages, 24,80€



Et quelques autres à voir ici.

Twist – Delphine Bertholon

5 étoiles

Maman me l’avait assez répété, de ne pas parler aux inconnus, de faire attention avec tous ces détraqués qui courent dans la nature mais là, pas une seconde ça ne m’avait traversé l’esprit. A cause de la bonne tête de R. avec sa chevelure d’éponge, sa voiture brillante, la jolie chatte à 3 couleurs dans la petite caisse, l’orage dément qui me coulait dessus et surtout – surtout – à cause de Stanislas.

Madison, 11 ans, est enlevée par R. à la sortie de l’école, et séquestrée dans une cave. Sur le cahier
qu’elle a réussi à obtenir de son ravisseur elle raconte le tour qu’a pris sa vie depuis Le-jour-de-la-Volvo-noire. Deux voix se mêlent à celle de Madison pour évoquer la disparition de la petite fille : Celle de Léonore, sa mère, persuadée que sa fille est toujours vivante et qui continue à lui écrire des lettres, et celle de Stanislas, le prof de tennis dont Madison est amoureuse. Monté à Paris après le drame, il tombe sous le charme de la belle et insaisissable Louison.

Le sujet peut effrayer de prime abord, Delphine Bertholon s’inspirant d’un fait divers qui avait  bouleversé l’europe il y a deux ans. Mais ici le romanesque et la sensibilité l’emportent largement sur le sordide et le sensationnel. Le personnage de Madison, en dépit de son enfermement, reste une pré-adolescente pleine d’énergie et d’humour! Entre fausse soumission et rébellion, entre colère et attachement, elle raconte dans ses précieux cahiers le lien étrange qui la lie à son ravisseur, mais aussi l’adolescence et les changements de son corps qu’elle doit affronter seule, ou l’écriture qui l’empêche de devenir folle. Delphine Bertholon passe avec beaucoup d’aisance d’un personnage à l’autre, Stanislas évoquant sa relation avec Louison, et les lettres de Léonore à sa fille enrichissent très délicatement le point de vue de Madison.  Twist est un roman sur l’absence et sur l’espoir, une histoire d’amour(s) qui explore tout ce que ce sentiment peut parfois avoir d’insensé, d’absurde ou de cruel. La première bonne surprise de cette rentrée !

JC Lattès 2008, 429 pages, 18€