Catégorie : Lectures – Classement par note

[Roman] Charlotte Isabel Hansen – Tore Renberg

« Dans quelques instants, elle arriverait. Sa fille.
Et pour être franc, cela ne le réjouissait pas. Il avait essayé de s’en réjouir ; son entourage disait qu’on l’était, réjoui, quand on avait un enfant. Mais il ne ressentait aucune joie. Il ne réjouissait  tout simplement pas le moins du monde. Il n’éprouvait aucun bonheur à l’idée de recevoir son propre enfant. La tenir par la main. La guider, ainsi que font les parents. L’aider à aller aux toilettes ? Bon dieu. Parler avec elle de – de ce dont parlent les petites filles de sept ans. Bon dieu. Il allait, tout simplement, souhaiter que cela ne se soit pas produit. Il ne voulait pas avoir un enfant. Il ne voulait pas avoir de fille du tout. »

Jeune norvégien de 24 ans, Jarle mène une vie insouciante entre sa thèse sur l’onomastique Proustienne, ses soirées entre copains, et sa relation avec Herdis, l’une des plus jolies filles du campus. Mais à la suite d’un test ADN, il apprend qu’il est le père d’une petit fille, Charlotte Isabel,  conçue 7 ans auparavant un soir de beuverie avec une inconnue. Dans la foulée, la mère lui expédie l’enfant pour une semaine en tête à tête.  Le 6 septembre 1997, le monde entier enterre la princesse Diana, et Jarle va chercher sa fille à l’aéroport.

J’avoue qu’après avoir lu péniblement les 50 premières pages, j’ai failli abandonner ma lecture. Le personnage principal est totalement imbuvable, c’est un étudiant égocentrique et arrogant, suant de certitudes et de préjugés, enfermé dans son  petit microcosme universitaire hors du temps et des réalités. Mais sa rencontre improbable avec Charlotte Isabel – surnommée Lotte –  petite fille vive et très attachante, m’a beaucoup touchée. Le roman est même parfois assez drôle, on imagine à quel point une petite fille de 7 ans, fan des Spice Girls, peut mettre le bazar dans la vie d’un jeune étudiant qui voue sa vie à Proust. Jarle endosse d’abord son rôle de père avec maladresse, tâtonne, et fait pas mal d’erreurs avant de réussir à faire une place à Lotte dans sa vie. Ce n’est pas toujours très crédible (Quelle mère expédierait ainsi sa fille de 7 ans à des centaines de kilomètres chez un quasi-inconnu ?), parfois trop bavard et un peu répétitif (j’ai sauté quelques pages) mais c’est globalement un joli roman sur la paternité, plein d’humour et de tendresse.

Le livre de poche 2012, 405 pages /
Livre offert par l’éditeur.

[Roman] Les Radley – Matt Haig (Rediff’)

A l’occasion de la sortie en poche aujourd’hui du roman Les Radley de Matt Haig  (éditions Le livre de Poche), je vous propose une rediffusion de mon billet écrit en octobre 2010:

Peter Radley, médecin apprécié, et sa femme Helen mènent une existence rangée à Bishopthorpe, une petite ville anglaise paisible. Mais il ne faut pas se fier aux apparences, et ce que même leurs enfants ignorent, c’est que les Radley sont des vampires. Il y a bien longtemps ils ont quitté Londres et une vie de plaisirs pour devenir abstinents et offrir un cadre plus calme à leurs deux enfants, Rowan et Clara. Mais on ne renie pas si facilement sa véritable nature, et bientôt les Radley vont devoir à nouveau faire face à leurs vieux démons : Quand Clara tue un humain, Peter affolé appelle à l’aide son frère Will, un vampire qui  a choisi de laisser libre cours à ses instincts sauvages et sanguinaires…

Sans être follement originale, voilà une histoire qui change un peu des bluettes que l’on peut trouver dans les librairies au rayon vampires ces derniers temps. « Les Radley » est un livre qui ne se prend pas au sérieux, qui joue beaucoup sur la parodie en piochant dans de multiples genres, roman fantastique, roman policier, chronique familiale et sociale, le sujet des vampires étant aussi un prétexte pour évoquer de façon décalée des thèmes très humains : les relations familiales, les problèmes de couple (le mensonge, l’adultère, les difficultés à communiquer) ou les tourments de l’adolescence (plutôt chétif à cause du manque de sang, le fils aîné, Rowan, est devenu le souffre-douleur de ses petits camarades). C’est juste assez sanguinolent pour satisfaire les amateurs du genre, il y a quelques pointes d’humour et l’auteur s’est visiblement beaucoup amusé à soigner les détails : On découvre ainsi au fil des pages que des artistes très célèbres étaient ou sont des vampires : Bram Stocker (auteur de « Dracula ») ou Sheridan Le Fanu (auteur de « Carmilla ») évidemment, mais aussi le peintre Veronèse, Lord Byron, converti à 18 ans dans un bordel florentin, Prince ou Jimi Hendrix qui après avoir simulé sa mort tient désormais un club de vampires rock dans l’Oregon ! Il y a bien quelques longueurs, et l’intrigue aurait mérité d’être un peu plus fouillée, mais globalement « Les Radley » est un roman sympathique et un bon divertissement.

Editions Le livre de poche 2012, 504 pages/

[Album] Le petit cha *pub* ron rouge – Collectif (Le Petit Chaperon Rouge dans tous ses etats)

Vous commencez à lire tranquillement Le petit chaperon rouge de Charles Perrault.  Comme d’habitude le petit chaperon rouge part porter une galette et un petit pot de beurre à sa mère-grand, vous tournez la page et surprise, voilà que votre lecture est interrompue par une publicité pour la galette Chénou, la galette bien de chez nous. Puis notre petit chaperon rencontre le loup, et là c’est une pub pour les assurances “Bûcheron et compagnie” pour vivre heureux et sans souci (votre cotisation vous est intégralement remboursée la deuxième fois que vous vous faites assassiner!). Et ainsi de suite, l’histoire est sans cesse entrecoupée par des pubs diverses et variées, pour le beurre Vachapi, les baskets Galoper’s, pour un parc d’attraction, pour de la tisane ou du yaourt, pour un spray nasal (réservé aux enfants courageux) ou pour un dentier.

Le petit cha *pub* ron rouge est un album collectif, imaginé par Alain Serres, les images du conte sont signés Clothilde Perrin, et une douzaine d’illustrateurs (Pef, Zaü, Bruno Heitz entre autres) se sont chargés des différentes publicités. Ce qui donne visuellement un résultat très éclectique ! L’idée est facétieuse, imaginer le premier album publicitaire en entrecoupant un des plus grands classiques de la littérature pour enfants avec des réclames. C’est drôle évidemment puisque les pubs sont décalées et loufoques, mais cela peut permettre surtout d’aborder avec les enfants le thème de la publicité et la place qu’elle prend dans notre vie quotidienne. Le livre est encore heureusement un  espace préservé de toute intrusion commerciale… jusqu’à quand?

Editions Rue du monde 2010, 44 pages /

[Cet album me permet d’inaugurer ma participation au Challenge “Once upon a time” organisé par Pimpi. Et de me lancer dans un mini-défi personnel autour des réécritures du Petit Chaperon Rouge]

[Roman] Quand j’étais Jane Eyre – Sheila Kohler

quand j'étais jane eyre

Qui donc voudrait lire les écrits de la fille d’un obscur pasteur, installée au fin fond du Yorkshire? Et qu’est qu’elle a bien pu raconter? Que sait-elle, ayant vécu la plus grande partie de sa vie isolée, préservée, protégée dans un presbytère reculé, sans rien autour d’elle sinon la lande nue, ses soeurs célibataires, sa tante célibataire, une vieille servante ignorante, un frère délinquant et un père pasteur? (…)Elle a passé ses jours soit à  la maison, soit en internat, soit à  faire l’institutrice pour des petits-enfants, prisonnière de diverses nurseries, comme une nonne. Que sait-elle du coeur humain, de l’amour?

Manchester, 1846. Charlotte Bronté veille son père qui vient de subir une opération des yeux, alors que ses deux jeunes soe“urs, Anne et Emily, et son frère Branwell sont restés dans la maison familiale de Hanworth. Elle profite du silence et de la solitude pour écrire un nouveau roman, Jane Eyre.

Sheila Kohler signe ici une biographie romancée sur la vie des soeurs Bronté«. Elle se glisse dans le sillage de Charlotte pour évoquer ces trois jeunes femmes de santé fragile et que la vie n’épargnera pas: la mort prématurée de leur mère et de leurs deux soe“urs ainées, leur enfance sous la coupe d’un père rigide et d’une tante sévère, la violence du pensionnat, la folie du frère adoré, leurs vies sentimentales gâchées. Alors les trois soe“urs écrivent sans relâche, puisant dans leur source inépuisable de malheurs la force de leurs romans respectifs. L’auteur trace sans cesse des lignes entre la vie des trois soe“urs et leurs romans. Ainsi Monsieur Rochester a t-il été inspiré à Charlotte par son professeur, Monsieur H., dont elle était follement amoureuse? L’atmosphère est merveilleusement  bien rendue, on imagine les trois soeurs travaillant sur la table familiale, se lisant tour à tour à voix haute les passages qu’elles viennent d’écrire, naviguant entre complicité et rivalité. Elles enverront leurs premiers romans ensemble sous un pseudonyme commun (masculin bien sûr) mais quand  Les hauts de Hurlevent d’Emily et Agnès Grey d’Anne sont enfin publiés,  Charlotte reste sur le bord de la route avec Le professeur, et la relation entre les trois soeurs est alors chahutée.

Quand j’étais Jane Eyre est un livre pudique et raffiné, empli d’une infinie tristesse, que l’on termine la gorge serrée, mais avec l’irrépressible envie de (re)lire Jane Eyre et Les Hauts de Hurlevent.

Le nom lui vient comme ça. Elle ne croit pas l’avoir jamais entendu. A-t-elle connu quelqu’un qui le portait? L’a-t-elle aperçu sur un blason dans une église? Est-il inspiré de la rivière et la belle vallée de l’Ayre qu’elle connaît si bien? Vient-il de l’air, ou du feu, peut-être? Il y aura du feu et de la colère dans son livre, il sera en guerre contre le monde tel qu’il est. Injuste! Injuste! Colère visionnaire: elle est celle qui voit maintenant pour son père. Le voyeur, l’observateur, c’est elle. Jane si ordinaire, Emily Jane, le deuxième prénom de sa soeur chérie, Jane, si proche de Jeanne, la courageuse Jeanne d’Arc, Jane si proche de Janet, Jeannette, la petite Jane. Un nom qui évoque le devoir et la tristesse, l’enfance et l’obéissance mais aussi le courage et la liberté, un nom d’elfe, un nom de fée, mi-esprit, mi-chair. Lumière dans la nuit, vérité au milieu de l’hypocrisie. Le nom de quelqu’un qui voit: Jane Eyre.

Editions de La Table Ronde (collection Quai Voltaire), 260 pages / 5 étoiles
Lecture en partenariat avec Newsbook.

[Roman jeunesse] Carnet intime dun vampire timide Tim Collins

Nigel pourrait être un ado de 15 ans comme les autres, un lycéen un peu mou, jamais content et pas très populaire, il est amoureux de la jolie Chloé, qui ne s’intéresse pas à lui. Sauf que sous son apparence affreusement  banale, Nigel est en fait un vampire qui va bientôt fêter ses 100 ans.

Avant d’ouvrir ce livre, oubliez tout ce que vous pensez savoir sur les vampires : la beauté fatale, le charme ombrageux, les pouvoirs surnaturels… Nigel n’a vraiment rien à voir avec Edward Cullen, c’est un vampire catégorie looser, coincé depuis 100 ans dans le corps d’un adolescent boutonneux, condamné à aller au lycée, à vivre chez ses parents et à supporter sa petite sœur pour l’éternité. Incapable de se procurer du sang lui-même, il doit compter sur ses proches pour survivre et est toujours à la traîne lors des balades familiales, puisqu’il n’a pas hérité de la phénoménale vitesse de ses congénères. Et en plus il n’a jamais eu de petite amie… Alors forcément on le plaint Nigel et on s’attache vite à lui. A mi-chemin entre la chronique adolescente et le roman de bit-lit, ce roman n’est pas un énième ersatz de Twilight & co, il m’a plutôt rappelé Le journal secret d’Adrian Mole, 13 ans ¾ de Sue Townsend . C’est léger et décalé et j’ai bien aimé le fait qu’il se présente sous la forme d’un journal intime, un genre que j’apprécie beaucoup. Je m’attendais peut-être à quelque chose de plus drôle mais globalement j’ai trouvé que c’était une parodie plutôt rafraichissante.

Editions Hugo & cie 2011, 234 pages/

  • Livre offert par l’éditeur.
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