Catégorie : Lectures – Classement par note

Ailleurs – Julia Leigh

Fuyant l’Australie et un conjoint violent, une femme accompagnée de deux jeunes enfants trouve refuge en France, dans la demeure où elle a passé son enfance. Elle débarque de façon impromptue dans une maison en pleine effervescence, sa mère attendant le retour de la maternité de sa belle-fille Sophie et de Marcus, son mari. Quand le couple arrive enfin, l’heure n’est malheureusement plus aux réjouissances: l’enfant est mort-né, mais Sophie refuse de s’en séparer.

Ailleurs est un huis-clos etouffant, une bulle hors du temps dans laquelle les personnages semblent errer comme des ombres… Bien qu’on connaisse le prénom de la jeune femme, elle sera presque toujours désignée simplement comme “la femme“: Ses bleus, son bras en écharpe, cet homme qu’elle fuit semblent l’avoir vidée de toute substance. Les autres personnages ne semblent pas plus vivants, surtout Sophie, la belle-soeur qui se refuse à enterrer son bébé, qui ne quitte plus ce “paquet” morbide sauf quand elle se laisse convaincre de le mettre au congélateur (gloups). L’atmosphère est froide et lugubre, saturée de non-dits, les scènes absurdes s’enchaînent ainsi jusqu’à l’écoeurement. Seuls les deux enfants de la femme qui tentent confusément d’échapper au désespoir des adultes, insufflent un semblant de vie dans ce tableau… Je comprends que de nombreux lecteurs aient pu être séduits par ce récit atypique et maîtrisé, au style très épuré, mais sa noirceur m’a mise trop mal à l’aise pour que je puisse vraiment l’apprécier!

Christian Bourgois 2008, 15€

Elles ont aimé: Lily, Papillon, Cathe, Anna Blume, Sylvie, Chiffonnette mais Kathel et Bellesahi
sont plus mitigées.

Un brillant avenir – Catherine Cusset



Née en Roumanie dans les années 40, Helen a reçu une éducation très stricte, et sa vie ressemble à un combat ininterrompu: Elle s’est d’abord battu pour épouser Jacob, l’amoureux juif dont ses parents ne voulaient pas, s’est battu encore et toujours pour quitter son pays natal, puis pour trouver sa place aux Etats-Unis. Elle s’est surtout battu pour que son fils Alexandru ait “un brillant avenir”. Alors quand ce dernier tombe amoureux de Marie la petite française, Helen reprend les armes pour évincer l’intruse et préserver l’unité familiale.

L’histoire d’Helen se construit comme un puzzle, au fil des pages et des allers-retours dans le temps. De la Roumanie de Ceaucescu à l’Amérique des années 2000, en passant par Israël ou l’Italie, son parcours est plutôt chaotique! Intelligente et déterminée, courageuse et travailleuse, toute sa vie elle saura forcer le destin et imposer ses choix… Mais le personnage nous échappe parfois, Helen est facilement déstabilisée, dévorée par ses peurs et ses sentiments: Terrifiée à l’idée que sa belle-fille puisse bouleverser l’équilibre familial qu’elle a si patiemment construit, elle lui refuse son affection, et elle engage contre Marie une guerre mesquine, faite de reproches silencieux et de petites vexations. J’ai parfois eu du mal à comprendre le comportement excessif d’Helen envers sa belle-fille mais j’ai aimé qu’elle se révèle finalement une femme comme les autres, avec ses failles et ses doutes, ses défauts et ses contradictions. Un brillant avenir est un très beau portrait de femme!

Gallimard, 369 pages, 21€.

Lu par Cuné et Essel.

On s’y fera – Zoya Pirzad


Divorcée, Arezou vit seule avec sa fille Ayeh à Téhéran et dirige une petite agence immobilière léguée par son père. Femme active et indépendante, elle se laisse pourtant mener
par le bout du nez par sa fille adolescente, qui rêve de retourner vivre en France auprès de son père. Arezou entretient aussi des relations difficiles avec sa mère, Mah-Mounir, très soucieuse du
qu’en-dira-t-on. Quand Arezou tombe amoureuse d’un client de son agence, Zardjou, ses relations avec son entourage vont se compliquer encore un peu plus…


Arezou est bien loin du stéréotype de la femme iranienne : Dans cette société pourtant très machiste
elle a réussi à s’affranchir de toute autorité masculine, et mène une brillante carrière professionnelle. On en oublierait presque dans quel pays le roman se déroule: hormis l’ambiance
particulière (très “nourrissante” !) et quelques anecdotes ici et là (la présence furtive de la police des mœurs ou le bus séparé en deux parties, l’une réservée aux hommes, l’autre aux femmes),
l’histoire d’Arezou est finalement assez universelle: celle d’une femme qui à la quarantaine tente de refaire sa vie en s’accommodant de bagages un peu encombrants (sa mère et sa fille sont
particulièrement égoïstes et antipathiques). Malgré les possibilités qu’offrait ce sujet, le propos reste malheureusement superficiel et s’éloigne de l’essentiel en se noyant dans les intrigues
secondaires, les détails inutiles ou l’abus de dialogues. On s’y fera est un roman qui se lit vite et bien, pas foncièrement désagréable, mais trop
lisse pour être vraiment captivant.


Le livre de poche, 316 pages, 6,50€
Lu par Sylire, Tamara, Lou, Clarabel, Anne, Fashion, Saxaoul, Praline, Flo, Cathulu, Joelle


De Niro’s game – Rawi Hage

Depuis la mort de son père, Bassam vit seul avec sa mère à Beyrouth. Quand les bombes ne tombent pas sur la
ville, il travaille au port, et passe son temps libre avec George, son ami d’enfance, entre petites magouilles et virées à moto. Mais alors que Bassam ne pense qu’à quitter le pays et rêve de
s’installer à Rome, George, lui, fréquente de plus en plus les miliciens qui tiennent la ville.


Au cœur de ce roman donc, l’amitié entre deux jeunes libanais qui dans ce contexte chaotique prend une dimension toute particulière. Leur lien résista t’il encore longtemps aux bombes et à la
guerre, à l’argent et à la violence, aux filles et aux mauvais choix ?
A travers
ces deux personnages Rawi Hage raconte l’histoire d’un désastre humain et l’absurdité de la (sur)vie quotidienne dans une ville dévastée par la guerre, et livre ici un récit nerveux et
suffocant dans un décor apocalyptique.  J’ai pourtant eu du mal à me plonger sans réserves dans cette lecture : Est-ce la carapace que s’est forgée Bassam et la relative froideur avec
laquelle il affronte les évènements ? Ou ses étranges envolées lyriques qui ponctuent et alourdissent le récit ? Malgré l’intérêt du sujet et les nombreuses qualités de ce premier
roman, je n’ai jamais vraiment réussi à m’attacher aux personnages et à leurs destinées.


Denoël 2008, 265 pages, 20€ (Traduction de Sophie Voillot)

Lu par Kathel, Cathulu, Fashion, Saxaoul, Tamara, Thom, Clarabel, Anne,
Sylire & Liliba.



(Merci à)

Vacance au pays perdu – Philippe Segur

Fatigué de mettre en valeur du thon au mercure ou de la mayonnaise à la dioxine, un graphiste végétarien spécialisé dans le packaging de produits alimentaires décide de rompre avec le ‘système’ et de s’offrir une semaine de vacances hors des sentiers battus. Oui mais où?  Le Proche-orient ? Trop hostile. (…) Les Etats-Unis ? Trop accueillants. Et un sens de l’humour discutable. (…) L’Australie ? Trop loin. La Turquie ? Trop près. Il opte finalement pour l’Albanie, l’un des pays les plus pauvres d’Europe, et embarque avec lui son meilleur ami, son ‘cricri’,  pour un voyage qui sera (forcément) épique. L’aventure, d’accord, mais à l’étranger, est ce bien raisonnable ?

Problèmes de communication et d’orientation, peur de l’inconnu, quiproquos divers et variés, Philippe Ségur use (et abuse ?) des situations rocambolesques auxquelles un touriste peut être confronté dans un pays étranger, a fortiori dans une contrée peu fréquentée comme l’Albanie. Froussards et nombrilistes, pétris d’angoisses et de préjugés sur la population locale, nos deux anti-héros vont transformer leur voyage en une fuite sans fin. Persuadés de rompre avec le système ultra-consommateur dans lequel ils évoluent d’habitude, ils ne font pourtant qu’en rechercher les codes et les repères rassurants, et incapables d’abandonner leurs réflexes de nantis, ils ne verront finalement pas grand chose du pays qu’ils traversent.  Le ton sarcastique et les ficelles un peu répétitives agaceront sans doute plus d’un lecteur, mais j’ai pour ma part beaucoup apprécié l’humour grinçant et excessif de ce Vacance au pays perdu !


Buchet-Chastel 2008, 241 pages, 18€
Clarabel & Julie ont aimé, Amanda Meyre & Anne-Sophie ont été déçues.