Catégorie : Lectures – Classement par note

La consolante – Anna Gavalda

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Charles Balanda est architecte, voyage beaucoup, se noie dans le travail pour éviter de croiser sa compagne Laurence dans leur appartement parisien, pour oublier qu’elle
s’éloigne de lui inexorablement. Malgré ses problèmes de couple, il tente au quotidien de maintenir un lien privilégié avec Mathilde, sa belle-fille adolescente. Mais alors qu’il rend visite
à ses parents, il trouve une lettre de son ami d’enfance, Alexis, l’informant de la mort de sa mère, Anouk. La nouvelle lui fait l’effet d’un electrochoc et sans qu’il comprenne d’abord bien
pourquoi, l’univers de Charles s’écroule. Pour tenter de se reconstruire il part sur les traces de son passé, à la recherche d’Anouk et Alexis.

Pas de doute, nous sommes bien chez Gavalda, Charles est un personnage cassé, complexe et attachant, et tout est affaire de sentiments, amour et
amitié, deuil et retrouvailles, désirs et tendresse, ruptures et pardon s’entrelacent au fil des pages… Sans doute cela suffira t-il pour faire de ce roman un nouveau succès populaire (avec un
premier tirage à 300 000 exemplaires !). Pourtant si l’on retrouve bien la patte de Gavalda, il n’y a pas dans La consolante, l’étincelle, l’alchimie qui faisaient le charme et la
magie d’Ensemble c’est tout. Dès les premières pages j’ai bien senti que la sauce ne prendrait pas : le style est horripilant (une collection de phrases sans sujets! *), l’auteur
nous fait mariner en multipliant les non-dits, repousse longtemps le moment où le personnage principal va se résoudre à affronter ses souvenirs. On a ensuite du mal à suivre Charles sur sa route
tortueuse, et on ne comprend pas toujours les chemins qu’il emprunte. Le récit manque de rythme et de densité, c’est long long long, on tourne en rond, on s’ennuie, on s’impatiente… Anna Gavalda
a vraiment beaucoup de talent pour composer des personnages (celui de Nounou aurait mérité un roman à lui tout seul), mais malgré l’attachement que j’ai pu éprouver pour Charles, elle a sans
doute vu un peu grand en lui consacrant 640 pages!

 

* Extrait (p. 105): “Prit une longue bouffée d’air pour expirer sa colère, chercha un siège libre, ferma son livre, remit les deux empereurs et
leur demi-million de morts chacun au fond de son cartable et sortit ses dossiers. Consulta sa montre, y ajouta deux heures, tomba sur une boîte vocale et se remit à jurer en anglais. Good
lord
, s’en donna à cœur joie. Ce fucking bastard ne l’écouterait pas jusqu’au bout de toute façon”

 

Le dilettante 2008, 640 pages, 24,50€

 

De l’eau pour les éléphants – Sara Gruen

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Jacob Jankowski a 90 ou 93 ans, il ne se souvient plus très bien. Quand un cirque s’installe sous les fenêtres de la maison de retraite dans laquelle il végète, il sort de sa torpeur et se souvient : Au début des années 30 il s’apprête à finir ses études de vétérinaire quand ses parents meurent brutalement, le laissant démuni tant financièrement que moralement. Il s’engage alors par hasard dans un cirque itinérant pour s’occuper des animaux.

Oui “De l’eau pour les éléphants” se passe bien dans le monde du cirque, mais ne vous attendez pas à retrouver les paillettes et la magie, les rires et les applaudissements, le roman ne fait que de très rares incursions du côté de la piste et du spectacle. Non ce sont les coulisses douteuses qui tiennent ici la vedette : les animaux maltraités, les hommes exploités, rarement payés, la misère quotidienne, la violence et la prostitution, voilà l’univers sordide que va découvrir Jacob. Tout ce petit monde traverse en train une Amérique dévastée par la crise de 1929 et ravagée par l’alcool frelaté qui passe entre les mailles de la prohibition. Pourtant, malgré les conditions misérables que dépeint ce roman, il nous réserve aussi des moments plus optimistes… C’est sur le fumier que poussent les plus belles fleurs et durant ces quelques mois, Jacob rencontrera aussi Marlène, la jolie écuyère, s’attachera aux animaux, notamment à Rosie l’éléphante, vivra de beaux moments d’amitié et de solidarité avec ses compagnons d’infortune. Et arrivé au crépuscule de sa vie, il nous livre ce récit emprunt de nostalgie.Avec son atmosphère unique et sa belle galerie de personnages (bien que parfois un peu manichéens),  “De l’eau pour les éléphants” est un road-movie très attachant!

Albin Michel 2007,  402 pages,  22€ [Traduction de Valérie Malfoy]
Les avis de Jules et de Joëlle

Moi, Fatty – Jerry Stahl

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Qui se souvient aujourd’hui de Roscoe Arbuckle qui fut pourtant en son temps
plus-célèbre-que-Chaplin” ? Après avoir fait très tôt ses premiers pas dans le musik-hall, son physique (qui lui vaudra le surnom de “Fatty”) et son talent comique lui ouvrent les
portes du cinéma muet. Il
connaît la gloire et la fortune, travaille avec Chaplin ou Keaton (qui resteront deux amis proches, même dans la tourmente). Mais au faîte de sa carrière il est accusé
du viol et du meurtre d’une jeune actrice, Virginia Rappe, et devient une cible de choix pour l’amérique puritaine.

 

En ce début de XXème siècle, le cinéma n’est encore qu’un genre mineur et méprisé, Hollywood n’en est qu’à ses
débuts,
et en toile de fond de l’histoire de Fatty, c’est vraiment une époque passionnante qui se
dessine au fil des pages!
Dans cette (auto)biographie romancée, Jerry Stahl se glisse dans la peau de
Roscoe, raconte son enfance terrible, entre une mère malade et un père alcoolique et violent.
Malgré
le succès, “Fatty” gardera une image de lui-même désastreuse, héritée de cette époque, et
toute sa vie
il n’aura de cesse de se détruire, se noyant dans l’alcool et les drogues. La deuxième partie du livre est déchirante : Eternel petit garçon terrorisé par son père, Roscoe voit dans le
public qui le conspue après l’avoir adulé un juste retour des choses, et retrouve presque avec soulagement l’écho familier de la haine que lui portait son père. Entre biographie et roman noir,
“Moi, Fatty” retrace à la fois les balbutiements de l’industrie du spectacle et un destin fascinant, celui du premier acteur dévoré par la machine hollywoodienne.

Rivages Thrillers 2007, 270 pages, 20€


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Mille soleils splendides – Khaled Hosseini

5 étoiles

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Née en Afghanistan à la fin des années 50, Mariam est une harami, une fille illégitime. Elle vit avec sa mère dans une petite maison isolée et voue un amour sans bornes à son père qui lui rend visite une fois par semaine. Mais à 15 ans son univers s’écroule, et elle se retrouve mariée à un veuf originaire de Kaboul. Bien des années plus tard, la nuit du coup d’état de 1978, Laïla naît dans la capitale afghane. Elle grandit sous le régime communiste, entre un père très cultivé qui a perdu son poste de professeur, et une mère dépressive qui ne se remet pas de l’absence de ses deux fils, partis combattre aux côtés du commandant Massoud. Les destins tragiques de Mariam et de Laïla vont bientôt se croiser dans Kaboul, la ville aux “mille soleils splendides”.

C’est la tragédie d’un peuple terrorisé pendant près de 30 ans que Hosseini raconte d’abord ici : L’instauration du régime communiste à la fin des années 70, la victoire des moudjahidin et leurs querelles intestines, la prise de pouvoir des talibans puis l’intervention américaine ont maintenu l’Afghanistan à feu et à sang pendant plusieurs décennies. Au milieu de ce chaos, on s’attache aux pas de deux femmes, victimes non seulement de ces guerres incessantes mais aussi des hommes, dans un pays où la condition féminine est désastreuse (Voir notamment l’extrait ci-dessous, qui correspond à l’arrivée des talibans). Certains reprocheront à Khaled Hosseini de reprendre la recette qui a fait le succès de son précédent roman, ici encore il s’agit d’une histoire d’amitié, de fraternité qui prend racine dans un pays dévasté. Mais cela n’en reste pas moins un roman bouleversant, qui m’a pris à la gorge du début à la fin… Si vous avez aimé Les cerfs volants de Kaboul , vous adorerez  Mille soleils splendides !

2007 Belfond, 405 pages, 21€  (Traduction de Valérie Bourgeois)

Merci à Babelio qui m’a envoyé ce livre dans le cadre de l’opération masse critique.


Extrait
(p. 271):

“Notre watan s’appelle désormais l’Emirat islamique d’Afghanistan. Voici les lois que nous allons faire appliquer et auxquelles vous obéirez :

Tous les citoyens doivent prier cinq fois par jour. Quiconque sera surpris à faire autre chose au moment de la prière sera battu.
Tous les hommes doivent se laisser pousser la barbe. La longueur correcte est d’au moins un poing en dessous du menton. Quiconque refusera de respecter cette règle sera battu.
Tous les garçons doivent porter un ruban – noir pour ceux scolarisés en primaire, et blanc pour ceux des classes supérieures – ainsi que des habits islamiques. Les cols de chemise seront boutonnés.
Il est interdit de chanter.
Il est interdit de danser.
Il est interdit de parier et de jouer aux cartes, aux échecs et aux cerfs-volants.
Il est interdit d’écrire des livres, de regarder des films et de peindre des tableaux.
Quiconque gardera des perruches chez soi sera battu et ses oiseaux tués.
Quiconque se rendra coupable de vol aura la main coupée. Et s’il recommence, il aura le pied coupé.
Il est interdit à tout non-musulman de pratiquer son culte en un lieu où il pourrait être vu par des musulmans, au risque d’être battu et emprisonné. Quiconque sera surpris à essayer de convertir un musulman à sa religion sera exécuté.

A l’intention des femmes :

Vous ne quitterez plus votre maison. Il est inconvenant pour une femme de se promener dehors sans but précis. Pour sortir, vous devrez être accompagnée par un mahram, un homme de votre famille. Si vous êtes surprise seule dans la rue, vous serez battue et renvoyée chez vous.
En aucun cas vous ne dévoilerez votre visage. Vous porterez une burqa à l’extérieur de votre maison. Sinon, vous serez sévèrement battue.
Il vous est interdit de vous maquiller.
Il est interdit d’arborer des bijoux.
Vous ne vous afficherez pas avec des vêtements aguichants.
Vous ne parlerez que lorsque l’on vous adressera la parole.
Vous ne regarderez aucun homme droit dans les yeux.
Vous ne rirez pas en public. Sinon vous serez battue.
Vous ne vous vernirez pas les ongles. Sinon vous serez amputée d’un doigt.
Il vous est interdit d’aller à l’école. Toutes les écoles pour filles seront fermées.
Il vous est interdit de travailler.
Si vous êtes reconnue coupable d’adultère, vous serez lapidée.

Uglies – Scott Westerfeld

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Tally attend impatiemment son anniversaire : le jour de ses 16 ans, comme tous les jeunes de son âge, elle pourra subir la grande opération qui la rendra belle, et qui lui permettra de quitter le monde des Uglies pour celui des Pretties. Les deux communautés sont bien séparées, et Tally n’aspire plus qu’à rejoindre le plus vite possible cet univers de fête permanente où tout le monde semble si beau et si heureux. Mais quelques semaines avant l’opération, elle rencontre Shay avec qui elle se lie d’amitié. Celle-ci lui révèle alors l’existence de La Fumée, un camp de rebelles qui ont fui la ville pour échapper à l’opération.

Scott Westerfeld nous plonge ici dans un futur glaçant, un univers aseptisé dans lequel la beauté et le bonheur sont obligatoires, une dictature de l’apparence où l’uniformisation est la règle. Tally va progressivement ouvrir les yeux sur le monde dans lequel elle vit, découvrir comment elle a été manipulée, mais il sera difficile pour elle de remettre en question toutes ses certitudes. Après un début un peu mou, on se laisse embarqués dans ce récit rythmé et très visuel (courses-poursuites en planche magnétique ou sauts dans le vide grâce à des gilets de sustentation). Un premier tome efficace et accrocheur dont la fin m’a laissé un rien frustrée, si j’avais eu le deuxième volume sous la main je l’aurais commencé de suite !

Pocket jeunesse 2007, 432 pages, 13,50€
3 tomes sortis à ce jour: Tome 2: Pretties
& Tome 3: Specials