Catégorie : Lectures – Classement par note

De l’art de conduire sa machine – Steven Carroll

3-etoiles.gif

Vic, Rita et leur fils Michael vivent dans un faubourg de Melbourne, à la fin des années 50. Ce samedi soir, ils sont invités chez leur voisin Georges Bedser, qui fête
les fiançailles de sa fille Patsy. Au cours de la promenade nocturne qui les mène à cette soirée, on découvre les difficultés de ce couple: Vic, conducteur de locomotives, est dévoré par la
maladie et l’alcool. Rita, bien trop élégante pour ce quartier étriqué, et désespérée par la lente déchéance de son mari, songe à tout quitter; Michael n’a quant à lui qu’un rêve, lancer la balle
de cricket parfaite, son ticket pour s’évader de cette triste banlieue.
Je me suis beaucoup ennuyée pendant la première moitié de ce roman, la trame très mince, le temps étiré à l’extrême (il faut près de 100 pages à Vic et Rita pour se
rendre à la fameuse soirée!) et la mise en scène théâtrale rendent la lecture assez soporifique. J’ai pourtant fini par me laisser happer par cette atmosphère triste et nostalgique, par ce
sentiment d’une époque qui s’achève. On s’attache à ces personnages ordinaires, à leurs vies banales, à leurs doutes et leurs failles.  “De l’art de conduire sa machine” est une longue pause
dans l’existence de ces personnages, que chacun d’entre eux met à profit pour s’interroger sur sa vie de couple et sur l’amour. Tous sont à un tournant de leur vie, confrontés à un choix
difficile, continuer à subir leur destin ou prendre enfin leur vie en main. S’attachant aux nuances du quotidien, Steven Carroll évoque ainsi la vie et ses tragédies en toute simplicité. Et même
s’il faut du temps pour apprivoiser l’univers de ce roman, on est finalement conquis par le charme qu’il distille par petites touches.

Phebus 2005, 232 pages, 19€

Meurtres à Pékin – Peter May

2_etoiles.gif

Un homme est brûlé vif dans un parc de Pékin. Deux autres corps sont retrouvés dans la capitale chinoise, à deux endroits différents, et seul un mégot de cigarette
près de chaque cadavre permet de faire le lien entre ces trois affaires. L’enquête incombe au fraîchement promu commissaire Li Yan, qui sera aidé, un peu malgré lui, par Margaret, un médecin
légiste américain venue donner une série de conférences en Chine.
“Meurtres à Pékin” est le premier volume de la série chinoise de Peter May (le second volume, “le quatrième sacrifice” vient tout juste de paraître). Les amateurs de
polars seront déçus, l’enquête étant rapidement délaissée au profit d’une description de la vie quotidienne chinoise. Peter May a visiblement accompli un gros travail de documentation pour
décrire au plus près cette société en pleine mutation, qui reste marquée par le fer rouge de la révolution culturelle.
Menée sur un ton trop pédagogique, cette plongée mal maîtrisée au coeur des moeurs chinoises se noie malheureusement dans les détails et les longueurs. La goutte
d’eau est sans doute l’inévitable histoire d’amour qui  joue sur tous les clichés possibles, de les opposés s’attirent à Je t’aime moi non plus. Le
résultat final est d’autant plus décevant que les bonnes idées (le choc des cultures, le danger des OGM) ne manquent pas dans ce roman, dommage qu’elles soient si mal exploitées.
Sélection Polar du Grand Prix des Lectrices de Elle
Editions du Rouergue 2005, 414 pages, 20€

Magnus – Sylvie Germain

4-etoiles.gif

Franz-Georg, un petit garçon allemand de 5 ans, a perdu la mémoire à la suite d’une forte fièvre. Patiemment, sa mère lui retrace ces années oubliées, reconstruit ses
souvenirs perdus. Inséparable de son ourson élimé prénommé Magnus, Franz-Georg vit ainsi dans un cocon familial dominé par un père un peu distant qu’il admire pourtant sans réserve. Mais la fin
de la guerre 39-45, la défaite de l’Allemagne, la fuite de ses parents vont bouleverser à nouveau l’existence du petit garçon.
La construction du roman, qui joue sur l’alternance entre la vie de Franz-Georg et de courtes séquences (la bio d’un personnage, un poème, etc…), donne un bon rythme
au récit. On suit avec passion la vie chaotique de Franz-Georg, les révélations sur sa famille, sa folle quête d’identité, les nombreux drames qui jalonneront son existence. Le jeune homme, très
attachant, tente de se construire sur des fondations bancales, confronté sans cesse au trou noir de sa petite enfance qui a été comblé à grand coup d’illusions et de mensonges. J’ai
cependant été un peu déçue par la dernière partie du roman, qui sombre dans le mystique et élude les réponses romanesques. Je n’ai pas non plus complètement adhéré au style un peu trop
travaillé de Sylvie Germain, à son écriture un peu froide. Malgré ces quelques réserves, ce roman ambitieux est vraiment très agréable à lire.
Prix Goncourt des Lycéens 2005
Albin Michel 2005, 274 pages, 17.50?

Le 18 – Ludovic Roubaudi

3-etoiles.gif

Grand, le narrateur, effectue son service militaire dans une caserne de pompiers. Avec ses comparses, il est confronté tour à tour à des situations insolites (des
vaches égarées sur le périphérique) ou à des histoires plus graves (une mère désespérée qui jette son enfant du haut d’un escalier). Le quotidien de la caserne est rythmée par les frasques de
personnages haut en couleurs: La Gentiane et son penchant pour la Suze, Malavoie, le chauffeur fort en gueule… Mais cet univers masculin et l’ambiance bon enfant sont profondément perturbés par
l’arrivée d’une femme à la tête de la caserne.
Ce roman léger et plutôt drôle nous plonge dans un univers particulier avec ses codes et son langage souvent fleuri. Le fil principal (la manière dont une femme
devra s’imposer dans un univers macho), use de ficelles un peu caricaturales et attendues, et n’est donc pas le point fort du récit. Mais la vie quotidienne de la caserne, le sens de
l’amitié entre les personnages, les récits ubuesques de leurs sorties permettent de passer un moment agréable. Sous les fanfaronnades des personnages affleurent même parfois des thèmes plus
profonds, et ce roman aborde aussi les situations souvent difficiles que doivent affronter ces héros du quotidien.
2004, Folio, 4.50€
Le blog de Ludovic Roubaudi: http://roubaudi.blogspot.com

L’eau du bain – Pascal Morin

4-etoiles.gif

Un citadin revient passer ses vacances dans le village de son enfance. Son père a enfin cédé, et une piscine remplace désormais le potager du grand-père. Dans un monde
rural fait de sueur et de labeur, ce symbole de l’oisiveté et du plaisir ne semble pas vraiment à sa place. Les vacances s’annoncent cependant parfaites, s’il n’y avait cette petite fille
qui rôde sans cesse autour du narrateur, et lui chuchote comme un inquiétant présage “il va y avoir du malheur”…

Voilà un curieux récit au déroulement inattendu, une lecture qui m’a arraché quelques hoquets de surprise! L’atmosphère de ce roman est troublante, entre la
torpeur d’un Sud écrasé de chaleur, et la fraîcheur hypnotique, obsessionnelle de l’eau. Dans ce huis clos familial et malsain, la fameuse piscine va cristalliser les rancœurs et les secrets de
trois générations d’hommes, et conduira trois frères à signer un pacte tacite et glaçant. Pascal Morin pousse le cynisme et la cruauté très loin, jusqu’au malaise, et en refermant ce roman, je
n’étais pas vraiment sûre de l’avoir aimé!  “L’eau du bain” est en tous cas un roman original et déconcertant, dense et habile, qui bouscule le lecteur.

2004, Babel, 121 pages, 6.50€