Catégorie : Lectures – Classement par Genre

Le dissident chinois – Nell Freudenberger

le dissident chinoisNote/4 etoiles

Dans le cadre d’un échange artistique avec les Etats-Unis, Yuan Zhao, un jeune dissident chinois,  s’installe à Los Angeles pour un an. Il donne des cours d’art dans une école de jeunes filles, et est hébergé par la famille Travers. Malgré les apparences, l’équilibre familial de ses hôtes est fragile: Le père, Gordon, psychiatre et passionné de généalogie, s’éloigne de plus en plus de sa femme, Cece, et de ses enfants, Olivia et Max. Cece, si elle tente tant bien que mal de garder l’image d’une épouse attentionnée et d’une mère compréhensive, n’est pourtant plus amoureuse de son mari depuis longtemps,  et a du mal à accepter l’attitude provocatrice de ses enfants, surtout celle de son fils ainé, qui vient d’être condamné à des travaux d’intérêt général.  Le retour à L.A. du frère de Gordon, Phil, avec qui elle entretient une relation ambigüe, va semer encore un peu plus le trouble dans l’esprit de Cece.

Ce premier roman de Nell Freudenberger fonctionne sur l’alternance de deux récits, celui de Yuan Zhao (à la 1ère personne), et celui de Cece (à la 3ème personne). Le jeune  chinois  évoque surtout l’ébullition artistique d’un petit quartier de Pékin aux début des années 90,  et les performances audacieuses qu’y organisait un cousin talentueux. Ses souvenirs permettent de lancer quelques pistes de réflexions intéressantes sur l’art, sur son sens même (qu’est ce que l’art, qu’est ce qui n’en est pas?), ou sur la paternité d’une œuvre (la photo d’une performance appartient elle à l’artiste ou au photographe?).  Il se souvient aussi de la jolie Mieling… Yuan Zhao n’a pas grand chose en commun avec Cece, une américaine d’age mur qui tente de préserver l’unité vacillante de sa famille aux dépens de ses propres désirs. Rien en commun, si ce n’est peut être de n’avoir ni l’un ni l’autre trouvé leurs  vraies places dans leurs mondes respectifs. Roman doux amer sur les désirs inassouvis, les opportunités ratées et les faux semblants, Le dissident chinois touche par la finesse des personnages, et par la discrète émotion exhalée par leurs cheminements intérieurs. Dommage en revanche que le rapport entre ces deux personnages ne soit pas plus développé, Yuan et Cece ne font que se croiser, et l’auteur a finalement trop peu exploité le thème du choc des cultures. Un bon roman, mais qui me laisse quand même quelques regrets.

Editions de la Table Ronde 2010, 445 pages, 23€. Titre original: The Dissident (Traduction de Clément Baude)
Lu aussi par Keisha, Biblio, Yv, Lili Galipette, Chaperlipopette, Yohan, Goelen.

Lu dans le cadre d’un partenariat entre Blog-O-Book & Les éditions de la Table Ronde, merci!

Night World, tome 1: Le secret du vampire – L.J. Smith

Night World Tome 1

Note/ 2 étoiles

Poppy, une jeune américaine de 17 ans, apprend qu’elle est atteinte d’une maladie incurable, et qu’il ne lui reste que quelques semaines à vivre. Désespéré, son meilleur ami James lui révèle alors qu’il est un vampire, et qu’il peut la sauver en la transformant à son tour. Mais en révélant son secret à Poppy, il transgresse les deux règles essentielles du monde dont il vient, le Night World: Ne jamais en révéler l’existence, et ne jamais tomber amoureux d’une humaine…

Cette série de L.J. Smith a déjà été publiée dans les années 90, et est rééditée à la faveur du succès rencontré par la bit-lit ces dernières années. “Night World” comportera 10 tomes qui peuvent se lire indépendamment, chaque volume étant consacré à des personnages différents. Il y a quelques bonnes pistes dans cette première histoire: L’idée même du “Night World”, sans être follement originale, est plutôt attirante: il s’agit d’une sorte de société secrète où se côtoient toutes les créatures de la nuit, vampires, loup-garous ou sorcières.   Malheureusement, on ne fait que survoler le sujet dans ce premier tome, l’auteur n’ayant sans doute pas voulu brûler toutes ses cartouches d’emblée. Le personnage de James qui est un lamie (c’est à dire qu’il est né de parents vampires), sa relation houleuse avec le frère jumeau de Poppy, qui a du mal à accepter la transformation de sa sœur font aussi partie des bons points du récit. Mais le style est décidément trop plat, l’enchaînement des faits bien trop rapide alors que les  personnages sont confrontés à des choix cruciaux. Et la relation  entre Poppy et James, au cœur du récit, reste très froide et convenue, sans beaucoup d’étincelles. Ce premier tome  manque donc de saveur et de piquant, et sans être désagréable, il se survole d’un oeil et s’oublie vite. Le deuxième tome, intitulé  “Les sœurs des ténèbres” sort aujourd’hui en librairie, et est consacré à un trio de sorcières: me laisserais je tenter? A voir.

Michel Lafon 2009, 283 pages, 14,95€

Livre lu dans le cadre d’un partenariat entre le Forum Livraddict & les éditions Michel Lafon, merci! Il s’agit aussi de ma première lecture pour The Dark Side Challenge.

Lu aussi par Clarabel, Serafina, Malou, Esmeraldae, Taylor, Virginie, Ankya, Heclea, Karine, Jess, Myarosa, Liliba.

Silex and the city (Tome 1: Avant notre ère) – Jul

3 etoiles

Silex and the city

En 40 000 avant JC,  Blog Dotcom, un homo-erectus, vit avec sa femme Spam dans une vallée “qui résiste encore et toujours à l’évolution”. Lui est prof de chasse, elle est prof de préhistoire-géo en ZEP (Zone d’Evolution Prioritaire) et ils ont deux enfants: Leur fils Url est un alter darwiniste radical, et leur fille ainée Web est une fashion victime qui fréquente Rahan de la Petaudière, un aristo-sapiens, fils du patron d’EDF (Energie du Feu, le volcan récemment privatisé).  Blog Dotcom décide de se présenter aux élections de la vallée comme “candidat de l’évolution tranquille”, et tente de convaincre les minorités visibles  (cannibales, néenderthals, grands singes) de voter pour lui.

Le procédé qui consiste à transposer des éléments contemporains dans une autre époque (ici la préhistoire) n’est pas nouveau mais Jul s’en sort plutôt bien avec ce premier tome, en multipliant les détails et les jeux de mots (plus ou moins fins, je vous l’accorde):  Ici on s’abonne au Monde Diplodocus, on rentre à Science-peaux, on croise des profs du secondaire ou du quaternaire, et on finit sa vie à la maison de retraite “Notre Dame du bon fossile”! La politique et l’actualité ont une place de choix  (Jul travaille notamment pour Charlie Hebdo), avec en vrac le mouvement des “sans grottes”, le scandale des caricatures de mammouths, le port du poil à l’école ou le recours à des trappeurs polonais… Silex and the city fonctionne essentiellement sur une succession de gags  qui font mouche,  mais l’histoire elle même  a du mal à tenir sur la longueur: elle manque de densité, de fluidité,  et finit par s’essouffler un peu… Malgré quelques réserves donc, ce premier tome est plutôt sympa, un bon moment de détente!

Editions Dargaud 2009, 48 pages, 13,50€
L’avis de Marie.

Passeport

3 etoiles

Venue rendre visite à sa famille et à ses amis avec sa fille en Iran, Nahal Tajadod doit aussi faire renouveler son passeport avant de rejoindre son mari (Jean-Claude Carrière, qui signe d’ailleurs le dessin de la couverture) resté en France. Mais face  à la lenteur de l’administration iranienne, elle  accepte l’aide de deux photographes  du quartier qui connaissent un médecin qui connaît un officier qui connaît… Commence alors pour Nahal une quête absurde et une succession de rencontres à travers Téhéran pour obtenir le fameux sésame qui lui permettra de rentrer en France.

La chasse au passeport n’est finalement ici qu’un prétexte pour découvrir Téhéran, et dresser les portraits de personnages plus pittoresques les uns que les autres, notamment un médecin légiste qui ressemble à un chanteur pop, et qui manie à merveille l’art du pot-de-vin et du trafic d’organes… A travers le quotidien de ces personnages, Nahal Tajadod confronte les deux visages de l’Iran: Celui de la République Islamique, où la religion est loi, et où la moindre fantaisie (un trait de maquillage, un regard ou une poignée de main entre un homme et une femme)  peut vous valoir coups de fouet et prison. Mais Nahal Tajadod décrit aussi un Iran fier et chaleureux, un pays généreux où règne le partage et la solidarité. La coutume du tarof qui consiste à toujours refuser d’emblée l’aide ou l’argent que l’on vous propose par politesse (y compris pour les commerçants) provoque des situations assez drôles! “Passeport à l’iranienne” est un livre qui donne à voir toute la complexité du paysage iranien, dans lequel Nahal Tajadod transmet la tendresse qu’elle éprouve pour son pays d’origine et pour ses habitants, sans pour autant occulter la difficulté de vivre aujourd’hui en Iran… Un joli voyage.

Le livre de poche 2009, 314 pages, 6,50€ (1ère édition Jean-Claude Lattès 2007)

Les avis de Keisha, A girl from earth.
Merci au Livre de poche!

Les insomniaques – Camille de Villeneuve

3 etoiles

les insomniaques

Jean-André d’Argentières meurt en 1946 après une chute de cheval. Il laisse le domaine d’Argentières à ses deux enfants, André et Marguerite.  André, fils unique  écrasé par la figure paternelle, s’est marié sur le tard et par défaut avec Jeanne, une jeune femme rigide et peu aimante. Marguerite est quant à elle une veuve au fort caractère, mère de deux filles déjà adultes.  La soeur d’André et Marguerite, Antoinette,  est décédée bien des années auparavant dans des circonstances tragiques, mais  l’ombre de la jeune femme, artiste  libre et fantasque, pour laquelle leur père n’a jamais caché sa préférence, plane encore sur la famille… De 1946 aux années 90, ce roman suit trois générations d’une grande famille française dont la situation sociale et financière va se dégrader peu à peu.

Les insomniaques est une fresque familiale ambitieuse qui retrace en plus de 600 pages près de 40 ans de l’histoire de France à travers le destin d’une famille aristocratique, de la fin de la deuxième guerre  mondiale à la guerre d’Indochine, de mai 68 aux années sida… Par petites touches Camille de Villeneuve raconte la fin d’une époque et d’une façon de vivre, l’évolution des mœurs et la fin des privilèges pour une certaine catégorie de la population. Avec la mort du patriarche qui intervient dès les premières pages c’est un lent déclin qui s’amorce d’emblée pour la famille d’Argentières. Les personnages se révèlent tous un peu pathétiques, chacun à leur façon, mais presque tous figés dans leurs certitudes et leurs positions, se raccrochant à leur grandeur passée. Une famille sans amour, où l’on s’épie, l’on se juge sans cesse, et où l’on se fréquente plus par obligation que par envie. Et dans laquelle on encaisse les drames de la vie en essayant toujours, et surtout,  de sauver les apparences.

J’ai beaucoup aimé  la première partie du roman, autour d’André, Jeanne et Marguerite, qui sont  à mon avis les personnages les plus aboutis, ceux qui ont le plus de chair et de consistance, mais  j’ai un peu décroché par la suite, quand le récit s’intéresse plus à leurs enfants et petit-enfants.  Le rythme devient  ronronnant, et malgré l’aide de l’arbre généalogique, j’ai eu parfois un peu de mal à m’y retrouver parmi tous ces personnages qui se ressemblent un peu trop. Malgré son poids,  Les insomniaques me laisse donc un petit goût d’inachevé, mais il s’agit d’un premier roman (Camille de Villeneuve n’a que 28 ans) et l’ambition de ce projet, la richesse des thèmes abordés, la rigueur de l’écriture laisse présager de beaux romans à venir, et un bel avenir à cet auteur!

Editions Philippe Rey 2009, 602 pages, 20€

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