Catégorie : Lectures – Classement par Genre

[Roman] Miss Alabama et ses petits secrets – Fannie Flagg

miss alabama et ses petits secretsA 60 ans, Maggie, agent immobilier et ex-Miss Alabama, est persuadée que la vie ne lui réserve plus rien et qu’il est temps de s’en aller sur la pointe des pieds. Elle prépare donc consciencieusement son suicide. Mais la volonté de Maggie que tout soit parfait, cette exigence maniaque qui lui a pourrit la vie va aussi ruiner tous ses efforts pour se suicider: il y a toujours quelque chose ou quelqu’un qui l’empêche de passer à l’acte…

J’ai été touchée par le personnage de Maggie, qui n’a eu de cesse au cours de sa vie de vouloir plaire à tout le monde, au détriment de son propre bien-être, et les personnages secondaires sont eux aussi très attachants, que ce soit Brenda et ses troubles alimentaires ou Hazel, que sa petite taille n’a jamais empêchée d’accomplir ses rêves. C’est avant tout un roman psychologique, certains lecteurs seront sans doute rebutés par un rythme assez lent et le fait qu’il ne se passe finalement pas grand-chose dans la plus grande partie du livre. Si c’est votre cas je vous conseille quand même de patienter jusqu’au dernier tiers du roman où survient subitement une énigme, liée à une des demeures dont s’occupe Maggie, que j’ai trouvé palpitante et qui relance le rythme du livre. Mon seul regret sur l’ensemble du roman est que l’auteur ne fait qu’effleurer certains thèmes qui auraient mérité d’être plus développés, comme celui de la lutte pour les droits civiques dans le Sud des Etats-Unis.

J’avais déjà beaucoup aimé le précédent roman de Fannie Flagg, Beignets de tomates vertes, et je n’ai pas été déçue par Miss Alabama et ses petits secrets. C’est un très joli roman sur le temps qui passe et les occasions manquées, plein de fraîcheur et de douceur, pas exempt de bons sentiments et de clichés certes, mais que l’on lit le sourire aux lèvres et dont on ressort gonflé à bloc.

Miss Alabama et ses petits secrets, éditions Le cherche-midi mai 2014, 433 pages – Note/4 etoiles

[Roman] La route du Cap – Jennifer McVeigh

Fin du XIXe: A la mort de son père criblé de dettes Frances se retrouve sans ressources et doit accepter la demande en mariage d’un jeune médecin, Edwin, installé en Afrique du Sud. Sur le bateau qui l’emmène vers ce pays inconnu et ce futur mari qu’elle n’aime pas, elle tombe amoureuse du séduisant William Westbrook.

Il m’a fallu un peu de temps pour m’attacher à Frances, jeune femme gâtée et naïve, et William et Edwin, les deux hommes de l’histoire, sont difficiles à cerner. Après un début un peu lent, c’est finalement quand Frances débarque enfin dans son pays d’adoption que je me suis totalement laissée embarquée par cette lecture.  A mille lieux de sa vie londonienne, Frances va découvrir les multiples visages de l’Afrique du Sud, de l’isolement du Veld aux quartiers miteux de la ville de Kimberley, les conditions déplorables de l’exploitation des mines de diamants (avec des ouvriers maintenus dans un quasi-esclavage) et la menace de la variole.

La route du Cap est le très beau portrait d’une femme dont les expériences successives vont forger le caractère. Avant de faire un choix entre le flamboyant William et le discret Edwin, Frances devra d’abord apprendre à se connaître elle-même. C’est un magnifique récit sur la peur et le courage, et surtout l’une des plus jolies histoires d’amour que j’ai pu lire récemment. J’ai dévoré les 300 dernières pages d’une traite, et après avoir tourné la dernière page, j’ai aussitôt regretté de n’avoir pas fait durer le plaisir un peu plus longtemps. C’est je crois le seul roman de Jennifer McVeigh à ce jour mais j’espère qu’il y en aura beaucoup d’autres !

La route du Cap, éditions Le livre de poche mai 2014, 552 pages – 5 étoiles

[Roman] Une héroïne américaine – Bénédicte Jourgeaud

une heroine américaineA la fin de ses études Amelia Earhart, une jeune intellectuelle très réservée, quitte la France sur un coup de tête pour échapper à sa mère un peu envahissante qui n’envisage la vie qu’à travers les romans Harlequin qu’elle traduit. Amelia s’installe au Canada et trouve un poste à l’Université de Toronto. De fil en aiguille elle va être amenée à s’intéresser aux grandes figures mythiques de l’Amérique du Nord, notamment Brownie Wise, qui a popularisé la marque Tupperware dans les années 50 en lançant les fameuses réunions chez les ménagères.

Ce roman a deux particularités, d’abord il a reçu le Prix du livre romantique 2014, ensuite c’est le premier livre français édité par les éditions Charleston.  J’ai beaucoup aimé l’alternance entre la vie d’Amelia Earhart au début des années 90 et celle de Brownie Wise dans les années 50. A priori ces deux femmes sont très différentes mais on finit par leur trouver des points communs, leur singularité et leur désir d’indépendance notamment. Je n’avais jamais entendu parler de Brownie Wise auparavant, et j’ai mis un peu de temps à comprendre qu’il ne s’agissait pas d’un personnage de fiction. J’ai été vraiment fascinée par le destin de cette femme, par sa volonté de sortir de sa condition, par son énergie, mais aussi par sa chute brutale. A travers Brownie on découvre aussi la difficulté des femmes à s’imposer sur le marché du travail à cette époque et les prémices du féminisme, de manière assez paradoxale puisque la marque Tupperware est plutôt attachée à l’image de la femme au foyer. J’ai aussi beaucoup apprécié la plume de l’auteur, légère et drôle, ce premier roman est vraiment  une excellente surprise!

A lire aussi l’avis des autres lectrices Charleston et l’interview de l’auteur
Vous pouvez aussi feuilleter les premières pages sur Amazon

Editions Charleston mai 2014, 288 pages –Note/4 etoiles

[Roman] Maine – J. Courtney Sullivan

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Veuve depuis quelques années, Alice a eu  3 enfants avec Daniel, dont  Kathleen, divorcée (un sujet épineux dans cette famille catholique d’origine irlandaise), ex-alcoolique, qui élève désormais des vers de terre en Californie, et Patrick qui a épousé Ann-Marie, épouse et mère (presque) parfaite qui est devenue une fille de substitution pour Alice. Depuis la mort du patriarche les liens familiaux se sont distendus, Alice a recommencé à boire pour oublier le drame qui a marqué sa jeunesse, les deux belle-sœurs ne se supportent plus. Avec Maggie, la fille de Kathleen, elles vont se retrouver bien malgré elles  dans leur maison de vacances du Maine pour quelques jours.

Maine est l’entrelacement de 4 portraits de femmes issues de  générations différentes et qui ont bien du mal à se comprendre, elles n’ont pas grand chose en commun si ce n’est d’être des mères (ou une future mère dans le cas de Maggie). C’est la maison du Maine qui va cristalliser les sentiments ambivalents que ces femmes éprouvent les unes pour les autres: à la fois lieu de rassemblement, de souvenirs, de bonheur qui symbolise le lien familial, cette  maison est aussi une incessante source de conflits.

Cet été-là chacune va devoir faire face à ses failles, ses échecs, ses secrets. Kathleen, le vilain petit canard, cherche toujours l’assentiment de sa famille; Ann-Marie ne sait plus vraiment qui elle est et à quoi elle sert depuis que ses enfants ont quitté le nid; Alice est toujours rongée par la culpabilité depuis la mort de sa sœur bien des années auparavant; Maggie vient d’être larguée par son petit ami alors qu’elle est enceinte, et a peur de reproduire les erreurs de sa mère. Chacune rentre facilement dans une case, la grand-mère acariâtre, la femme au foyer parfaite, le canard boiteux, et pourtant il en faut si peu pour faire bouger les lignes de démarcation entre elles…  Maine est un beau roman familial à 4 voix, qui parle de maternité, dans ce qu’elle révèle de notre féminité, avec beaucoup de nuances et de subtilité.

Maine de J. Courtney Sullivan, Le livre de poche 2014 – Note/4 etoiles

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[Nouvelles] Infidélités – Vita Sackville-West

 

infidélitésVoilà longtemps que j’avais envie de découvrir Vita Sackville-West (romancière anglaise née en 1892 et décédée en 1962, amie de Virginia Woolf), c’est désormais chose faite grâce à ce recueil de nouvelles paru le mois dernier au Livre de Poche. Infidélités regroupe six nouvelles publiées dans différents journaux entre 1922 et 1930.

Le texte qui ouvre ce recueil, Son fils, est celui que j’ai trouvé le plus abouti. Dans son domaine de la campagne anglaise une femme âgée attend avec impatience son fils qu’elle n’a pas revu depuis 5 ans. Il y a tant d’amour dans ses préparatifs entamés de longue date et dans son attente fébrile, tant de fierté envers son enfant, tant d’espoirs d’un avenir partagé… Mais quand le fils prodigue arrive enfin, il se révèle être un personnage odieux et vide, passé maître dans l’art des apparences, qui se fiche bien des attentions de sa mère et ne pense qu’à retrouver sa maîtresse à Londres. Le décalage entre les attentes de la mère et le comportement du fils m’a beaucoup touchée.

J’ai aussi aimé deux autres nouvelles qui ont su me surprendre, Justice dans lequel un homme trompé va imaginer une punition effrayante pour se venger de l’amant de sa femme,  et Fiançailles où une femme se décide enfin à répondre aux avances d’un marin qui la poursuit de ses assiduités depuis de nombreuses années. Mais rien ne va se passer comme elle l’avait prévu…

J’ai été moins séduite par les trois autres textes: Dans Patience un homme se souvient de son grand amour de jeunesse alors que sa femme joue aux cartes près de lui, cette nouvelle m’a laissée un peu sur ma faim; Je n’ai pas compris où voulait en venir l’auteur dans Cet été-là (l’amitié de 4 jeunes gens qui ont l’habitude de passer leurs vacances ensemble va être perturbée par la relation amoureuse de deux d’entre eux); Liberté enfin raconte une relation adultère dans laquelle va s’immiscer le mari de l’amante, là j’ai trouvé le style moins fluide que dans les autres nouvelles, et l’auteur insiste un peu trop lourdement sur  l’idée que peut-être l’amant cache en fait une homosexualité refoulée (en couchant avec la femme, il coucherait en quelque sorte par procuration avec son mari).

Toutes ces nouvelles ont en commun de parler d’amour mais quelque soit sa forme (Amour maternel, adultère, relation triangulaire, voire quadrangulaire) il est ici toujours  associé à une bonne dose de cruauté, sali de petites trahisons, et ne sert finalement qu’à mieux marquer l’infinie solitude de chacun.  J’ai beaucoup aimé la plume fine et élégante de l’auteur, l’association de sentiments atemporels et d’une atmosphère délicieusement surannée. Si toutes les nouvelles de ce recueil ne m’ont pas forcément convaincue, j’ai quand même beaucoup aimé cette première rencontre avec Vita Sackville-West.

Infidélités de Vita Sackville-West, traduction de Micha Venaille, Le livre de poche mars 2013 – Note/4 etoiles