Catégorie : Romans étrangers

Compartiment pour dames – Anita Nair

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Tout vient à point à qui sait attendre, je rends enfin ma copie pour le club de lecture des bloggeuses!

Depuis la mort de son père, Akhila s’est entièrement consacrée au bien-être de sa famille et ne s’est jamais mariée. A 45 ans elle souhaiterait
enfin prendre son envol, mais se heurte à la forte désapprobation de sa sœur, et d’une société indienne qui considère qu’une femme ne peut pas vivre seule. Pour réfléchir à sa situation, elle
part quelques jours dans le sud de l’Inde. Dans le train, elle partage un compartiment avec cinq autres femmes qui vont lui confier leurs propres histoires.

C’est la vie d’Akhila qui sert de fil conducteur au récit, entrecoupée par les témoignages de ses cinq compagnes de voyage. Des femmes
d’âges et de conditions différentes, mariées ou non, qui racontent leur quotidien, leurs drames, la difficulté à concilier le poids des traditions et leurs propres désirs.
Une adolescente confrontée à la mort de sa grand-mère, une femme qui se rend compte à quel point elle déteste son mari, une autre qui se réconcilie avec son
corps grâce à la natation…
Au-delà du thème de l’indépendance, toutes évoquent à leur façon et avec beaucoup de délicatesse
leurs relations avec les hommes,  la séduction, le rapport au corps et la sexualité. Les récits sont tous très différents et vont crescendo, le dernier témoignage étant sans
conteste celui qui a la plus forte dimension dramatique. J’ai un peu regretté que ce livre se présente finalement plus comme une succession de nouvelles que comme un roman à part
entière: j’imaginais qu’un véritable lien allait se créer entre les voyageuses, mais elles ne font finalement que se croiser… Malgré ce petit bémol, j’ai beaucoup aimé ces quelques portraits de
femmes qui dressent un tableau peu reluisant de la condition féminine en Inde.

Picquier poche 2004, 9,50€, 449 pages

***


Retrouvez tous les commentaires des participantes sur le blog de Sylire [Dommage
qu’aucun bloggeur ne se soit prêté au jeu, j’aurais bien aimé lire un avis masculin sur ce roman !]

Le prochain rdv du club de lecture: La vierge froide et autres racontars de Jorn Riel, à lire pour le 1er janvier.

Une canaille et demie – Ian Levison

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Blessé au cours d’un braquage, poursuivi par la police, Dixon trouve refuge par hasard chez
Elias, un prof d’histoire du New Hampshire. Ayant surpris ce dernier dans une situation embarrassante, Dixon le fait chanter et l’oblige ainsi à l’aider. Pendant plusieurs jours les deux hommes
vont cohabiter et construire une relation étrange, entre méfiance, provocations et confidences. Denise, une fliquette séduisante, un peu désabusée parce qu’elle n’arrive pas à obtenir la
promotion qu’elle mérite, va s’immiscer dans ce duo improbable.
Malgré les apparences (un braqueur, un otage, un agent du FBI) Une canaille et demie tient plus du roman noir que du polar. Les repères
traditionnels tombent rapidement, on se prend d’emblée d’affection pour le braqueur qui rêve d’une existence simple et tranquille, alors que l’otage se révèle un petit être pathétique, arriviste
et sans morale. La confrontation entre les deux hommes est très bien menée, et comme dans son précédent roman (Un
petit boulot
), Ian Levison sait manier le poil à gratter : il dénonce encore ici les écueils
d’une société dans laquelle les dés sont pipés si l’on naît du mauvais côté de la barrière sociale, pauvre ou femme. Une canaille et demie n’a pourtant pas le mordant d’un petit
boulot
(que je vous recommande!) et manque parfois de rythme et d’intensité. Peu importe, ce roman original, et qui ne manque pas d’humour, permet de passer un très bon moment,
et Ian levison (qui n’a étrangement pas trouvé d’éditeur aux Etats-Unis pour ce livre) est vraiment un auteur à découvrir!
Editions Liana Levi 2006, 18€
Les avis de Papillon et de Chimère

Hortense et Queenie – Andrea Levy





Hortense et Queenie
est un roman polyphonique, un récit à 4 voix. La première à prendre la parole est Queenie Bligh, une jeune londonienne dont le mari Bernard n’est pas revenu des Indes à la fin de la seconde guerre mondiale. Contrainte de louer des chambres pour survivre, elle héberge notamment Gilbert, un jeune jamaïcain qui a servi dans la R.A.F. La femme de Gilbert, Hortense, a toujours souhaité vivre en Angleterre, mais ce pays qui a bien du mal à se relever après des années de guerre, le racisme ambiant, cette chambre sale et étriquée, tout ça ne ressemble vraiment pas à ce dont elle avait rêvé.
L’angleterre de l’après-guerre reste le coeur du roman, mais l’intrigue fait des allers-retours dans le temps et l’espace : On découvre progressivement la jeunesse d’Hortense en Jamaïque, l’enfance de Queenie dans la campagne anglaise, les difficultés de Gilbert au sein d’une armée profondément raciste,  celles de Bernard qui se retrouve à combattre à l’autre bout du monde. La vie n’est pas tendre avec nos quatre personnages, confrontés à la guerre, à l’intolérance, à la cruauté, à la trahison. S’ils sont peu sympathiques au début du roman, ils deviennent au fil des évènements terriblement attachants. Chacun d’entre eux va devoir réviser ses certitudes, abandonner ses illusions. J’ai une faiblesse particulière pour le personnage d’Hortense : Malgré ses grands airs, elle est d’une candeur désarmante, et on a le coeur qui se serre quand elle découvre cette angleterre décrépie, et que la réalité égratigne méchamment ses rêves de petite fille. Hortense et Queenie (le titre original, Small Island, me semble mieux correspondre à l’esprit du roman) est une belle saga, une galerie de portraits très émouvante!
Editions de la table ronde (Quai Voltaire) 2006, 444 pages, 22€

La guerre des légumes – Peter Sheridan

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Un soir, Philo trouve refuge dans un
couvent dublinois, bien décidée à entrer dans les ordres pour échapper à la pauvreté et à la violence de son mari. Son physique imposant, ses tatouages, son langage fleuri et son
franc-parler n’en font pourtant pas la candidate idéale pour une vie de silence et de contemplation! Grâce à sa générosité sans bornes, elle réussira pourtant  à se faire apprécier de tous,
et parviendra même à trouver une solution à la guerre entre deux marchands de primeurs, un affontement qui agite le quartier depuis plusieurs décennies.

Après le pire, le meilleur ! “La guerre des légumes” est le titre  que j’ai
préféré dans cette sélection Fnac. La trame est un  peu mince, mais le personnage de Philo porte ce roman sur ses
larges épaules avec une truculence tellement séduisante! Loin des héroïnes propres et lisses, elle étonne, agace, gêne, amuse et émeut tour à tour. Elle sème la panique dans un couvent,
joue les marieuses, secoue ce quartier populaire de Dublin… Mais sous ses excentricités sont tapies bien des douleurs, de son enfance meurtrie à son mariage malheureux, de l’abandon
de ses 5 enfants à son fils aîné qui s’enfonce dans la délinquance…  Sans jamais cesser d’aider les autres, Philo finira par comprendre comment s’aider elle-même. “La guerre des légumes”
est vraiment un beau portrait de femme, un livre débordant d’amour et de tendresse.
Vous pouvez lire le premier chapitre ici !
Lattès, 300 pages, 20€

[roman] Le club Jane Austen – Karen Joy Fowler

le club jane austenIls sont six à se rassembler une fois par mois pour évoquer l’oeuvre de Jane Austen. C’est Jocelyn, une californienne d’une cinquantaine d’années qui a pris l’initiative de ce club. Elle y a convié sa vieille amie Sylvia, en plein divorce, et la fille de celle-ci, Allegra. Il y a aussi Prudi, une jeune prof de français, la lunaire Bernadette, et Grigg, le seul homme du groupe, que ces dames considèrent avec curiosité. Chacun des six romans de Jane Austen sera l’occasion de découvrir l’un des membres du Club.

Le fait de ne pas bien connaître l’univers de Jane Austen n’est pas très gênant pour aborder ce roman (personnellement, je n’ai lu que “orgueil et préjugés”). Si au début les discussions autour de l’oeuvre de la romancière anglaise sont un peu frustrantes pour le non-initié, elles prennent de moins en moins de place au fil du roman. Comme chez Jane Austen en revanche, il est beaucoup question ici de sentiments, de l’amour sous toutes ses formes, et de la relation aux autres. Les personnages, très différents, s’observent, se jugent, se jaugent, s’aiment et se soutiennent. “Le Club Jane Austen” est un roman très agréable à lire, vaporeux et léger, très subtil, avec un brin d’humour, mais peut-être un peu trop sage: Compte-tenu de l’originalité du sujet et de la matière qu’offraient les différents personnages, j’ai trouvé qu’il manquait à ce roman un petit grain de folie et d’impertinence.

Editions de la Table ronde 2005, 335 pages, 21 € – Note/4 etoiles