Catégorie : Romans étrangers

La guerre des légumes – Peter Sheridan

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Un soir, Philo trouve refuge dans un
couvent dublinois, bien décidée à entrer dans les ordres pour échapper à la pauvreté et à la violence de son mari. Son physique imposant, ses tatouages, son langage fleuri et son
franc-parler n’en font pourtant pas la candidate idéale pour une vie de silence et de contemplation! Grâce à sa générosité sans bornes, elle réussira pourtant  à se faire apprécier de tous,
et parviendra même à trouver une solution à la guerre entre deux marchands de primeurs, un affontement qui agite le quartier depuis plusieurs décennies.

Après le pire, le meilleur ! “La guerre des légumes” est le titre  que j’ai
préféré dans cette sélection Fnac. La trame est un  peu mince, mais le personnage de Philo porte ce roman sur ses
larges épaules avec une truculence tellement séduisante! Loin des héroïnes propres et lisses, elle étonne, agace, gêne, amuse et émeut tour à tour. Elle sème la panique dans un couvent,
joue les marieuses, secoue ce quartier populaire de Dublin… Mais sous ses excentricités sont tapies bien des douleurs, de son enfance meurtrie à son mariage malheureux, de l’abandon
de ses 5 enfants à son fils aîné qui s’enfonce dans la délinquance…  Sans jamais cesser d’aider les autres, Philo finira par comprendre comment s’aider elle-même. “La guerre des légumes”
est vraiment un beau portrait de femme, un livre débordant d’amour et de tendresse.
Vous pouvez lire le premier chapitre ici !
Lattès, 300 pages, 20€

[roman] Le club Jane Austen – Karen Joy Fowler

le club jane austenIls sont six à se rassembler une fois par mois pour évoquer l’oeuvre de Jane Austen. C’est Jocelyn, une californienne d’une cinquantaine d’années qui a pris l’initiative de ce club. Elle y a convié sa vieille amie Sylvia, en plein divorce, et la fille de celle-ci, Allegra. Il y a aussi Prudi, une jeune prof de français, la lunaire Bernadette, et Grigg, le seul homme du groupe, que ces dames considèrent avec curiosité. Chacun des six romans de Jane Austen sera l’occasion de découvrir l’un des membres du Club.

Le fait de ne pas bien connaître l’univers de Jane Austen n’est pas très gênant pour aborder ce roman (personnellement, je n’ai lu que “orgueil et préjugés”). Si au début les discussions autour de l’oeuvre de la romancière anglaise sont un peu frustrantes pour le non-initié, elles prennent de moins en moins de place au fil du roman. Comme chez Jane Austen en revanche, il est beaucoup question ici de sentiments, de l’amour sous toutes ses formes, et de la relation aux autres. Les personnages, très différents, s’observent, se jugent, se jaugent, s’aiment et se soutiennent. “Le Club Jane Austen” est un roman très agréable à lire, vaporeux et léger, très subtil, avec un brin d’humour, mais peut-être un peu trop sage: Compte-tenu de l’originalité du sujet et de la matière qu’offraient les différents personnages, j’ai trouvé qu’il manquait à ce roman un petit grain de folie et d’impertinence.

Editions de la Table ronde 2005, 335 pages, 21 € – Note/4 etoiles

[Roman] La fille du cannibale – Rosa Montero

la fille du cannibaleLucia Romero mène une vie plutôt morne. Enlisée dans un mariage sans passion, cette quadragénaire espagnole est l’auteur d’une série de livres pour enfants plutôt médiocre, Belinda la petite cocotte. Mais un événement inattendu va bouleverser l’existence de Lucia: alors qu’ils s’apprêtent à partir en vacances, son mari, Ramon, disparaît mystérieusement dans l’aéroport. Aidée malgré elle par deux voisins, un vieil anarchiste et un jeune homme séduisant, Lucia va se lancer sur les traces de son mari et découvrir qu’elle le connaît bien mal.

“La fille du cannibale” se déroule entre présent et passé, d’un côté la recherche de Ramon, de l’autre les souvenirs d’un vieil homme sur fond d’anarchisme et de guerre d’Espagne. Ce rythme binaire apporte beaucoup d’énergie au récit. La réussite de ce livre tient par ailleurs dans un joli équilibre romanesque entre humour et gravité, entre situations loufoques et réflexion(s) sur la vie. Les personnages, trois personnalités très différentes qui vont doucement s’apprivoiser, sont décalés et attendrissants. La disparition de son mari va notamment permettre à Lucia, que la quarantaine rend mélancolique, de se remettre en question et  de se redécouvrir. Entre rires et larmes, Rosa Montero réussit ainsi un très beau portrait de femme qui m’a beaucoup touché.

Editions Métailié 2006, 407 pages, 20€ – 5 étoiles

Le monde connu – Edward P. Jones

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Henry Towsend meurt dans l’état de Virginie en 1850, quelques années avant la guerre de Sécession. Cet ancien esclave laisse à sa femme Caldonia la responsabilité
d’une plantation et d’une trentaine d’esclaves, dont Moïse, son fidèle surveillant. Caldonia est épaulée notamment par Robbins, l’ancien maître blanc d’Henri, ainsi que par les deux enfants qu’il
a eu avec sa maîtresse noire, Louis et Dora. Le Shérif a quant à lui monté une milice destinée à surveiller les allées et venues des esclaves de la région.

Difficile de résumer ce roman foisonnant! A travers une multitude de portraits, Edward P. Jones construit une grande fresque sur
l’esclavagisme. L’auteur traite le sujet sans manichéisme, décrit avec beaucoup de nuances les rapports complexes et ambigüs qu’entretiennent noirs et blancs, maîtres et esclaves, ainsi que
la difficulté des affranchis à trouver leur place. J’ai eu du mal à entrer dans l’histoire, à trouver mes repères: Il y a beaucoup de personnages, d’histoires qui se
recoupent, d’allers-retours dans le temps, une avalanche de détails et de digressions.  Malgré la qualité du propos et de l’écriture, la richesse, la densité même de ce
roman sont assez déroutantes,  et l’histoire s’éparpille trop pour que l’on puisse vraiment s’attacher aux personnages. “Le monde connu” est une oeuvre ambitieuse, mais un peu trop
copieuse à mon goût.

Prix Pulitzer 2004
Albin Michel 2005, 512 pages, 22.50€

De l’art de conduire sa machine – Steven Carroll

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Vic, Rita et leur fils Michael vivent dans un faubourg de Melbourne, à la fin des années 50. Ce samedi soir, ils sont invités chez leur voisin Georges Bedser, qui fête
les fiançailles de sa fille Patsy. Au cours de la promenade nocturne qui les mène à cette soirée, on découvre les difficultés de ce couple: Vic, conducteur de locomotives, est dévoré par la
maladie et l’alcool. Rita, bien trop élégante pour ce quartier étriqué, et désespérée par la lente déchéance de son mari, songe à tout quitter; Michael n’a quant à lui qu’un rêve, lancer la balle
de cricket parfaite, son ticket pour s’évader de cette triste banlieue.
Je me suis beaucoup ennuyée pendant la première moitié de ce roman, la trame très mince, le temps étiré à l’extrême (il faut près de 100 pages à Vic et Rita pour se
rendre à la fameuse soirée!) et la mise en scène théâtrale rendent la lecture assez soporifique. J’ai pourtant fini par me laisser happer par cette atmosphère triste et nostalgique, par ce
sentiment d’une époque qui s’achève. On s’attache à ces personnages ordinaires, à leurs vies banales, à leurs doutes et leurs failles.  “De l’art de conduire sa machine” est une longue pause
dans l’existence de ces personnages, que chacun d’entre eux met à profit pour s’interroger sur sa vie de couple et sur l’amour. Tous sont à un tournant de leur vie, confrontés à un choix
difficile, continuer à subir leur destin ou prendre enfin leur vie en main. S’attachant aux nuances du quotidien, Steven Carroll évoque ainsi la vie et ses tragédies en toute simplicité. Et même
s’il faut du temps pour apprivoiser l’univers de ce roman, on est finalement conquis par le charme qu’il distille par petites touches.

Phebus 2005, 232 pages, 19€