Catégorie : Romans étrangers

Ailleurs – Julia Leigh

Fuyant l’Australie et un conjoint violent, une femme accompagnée de deux jeunes enfants trouve refuge en France, dans la demeure où elle a passé son enfance. Elle débarque de façon impromptue dans une maison en pleine effervescence, sa mère attendant le retour de la maternité de sa belle-fille Sophie et de Marcus, son mari. Quand le couple arrive enfin, l’heure n’est malheureusement plus aux réjouissances: l’enfant est mort-né, mais Sophie refuse de s’en séparer.

Ailleurs est un huis-clos etouffant, une bulle hors du temps dans laquelle les personnages semblent errer comme des ombres… Bien qu’on connaisse le prénom de la jeune femme, elle sera presque toujours désignée simplement comme “la femme“: Ses bleus, son bras en écharpe, cet homme qu’elle fuit semblent l’avoir vidée de toute substance. Les autres personnages ne semblent pas plus vivants, surtout Sophie, la belle-soeur qui se refuse à enterrer son bébé, qui ne quitte plus ce “paquet” morbide sauf quand elle se laisse convaincre de le mettre au congélateur (gloups). L’atmosphère est froide et lugubre, saturée de non-dits, les scènes absurdes s’enchaînent ainsi jusqu’à l’écoeurement. Seuls les deux enfants de la femme qui tentent confusément d’échapper au désespoir des adultes, insufflent un semblant de vie dans ce tableau… Je comprends que de nombreux lecteurs aient pu être séduits par ce récit atypique et maîtrisé, au style très épuré, mais sa noirceur m’a mise trop mal à l’aise pour que je puisse vraiment l’apprécier!

Christian Bourgois 2008, 15€

Elles ont aimé: Lily, Papillon, Cathe, Anna Blume, Sylvie, Chiffonnette mais Kathel et Bellesahi
sont plus mitigées.

On s’y fera – Zoya Pirzad


Divorcée, Arezou vit seule avec sa fille Ayeh à Téhéran et dirige une petite agence immobilière léguée par son père. Femme active et indépendante, elle se laisse pourtant mener
par le bout du nez par sa fille adolescente, qui rêve de retourner vivre en France auprès de son père. Arezou entretient aussi des relations difficiles avec sa mère, Mah-Mounir, très soucieuse du
qu’en-dira-t-on. Quand Arezou tombe amoureuse d’un client de son agence, Zardjou, ses relations avec son entourage vont se compliquer encore un peu plus…


Arezou est bien loin du stéréotype de la femme iranienne : Dans cette société pourtant très machiste
elle a réussi à s’affranchir de toute autorité masculine, et mène une brillante carrière professionnelle. On en oublierait presque dans quel pays le roman se déroule: hormis l’ambiance
particulière (très “nourrissante” !) et quelques anecdotes ici et là (la présence furtive de la police des mœurs ou le bus séparé en deux parties, l’une réservée aux hommes, l’autre aux femmes),
l’histoire d’Arezou est finalement assez universelle: celle d’une femme qui à la quarantaine tente de refaire sa vie en s’accommodant de bagages un peu encombrants (sa mère et sa fille sont
particulièrement égoïstes et antipathiques). Malgré les possibilités qu’offrait ce sujet, le propos reste malheureusement superficiel et s’éloigne de l’essentiel en se noyant dans les intrigues
secondaires, les détails inutiles ou l’abus de dialogues. On s’y fera est un roman qui se lit vite et bien, pas foncièrement désagréable, mais trop
lisse pour être vraiment captivant.


Le livre de poche, 316 pages, 6,50€
Lu par Sylire, Tamara, Lou, Clarabel, Anne, Fashion, Saxaoul, Praline, Flo, Cathulu, Joelle


De Niro’s game – Rawi Hage

Depuis la mort de son père, Bassam vit seul avec sa mère à Beyrouth. Quand les bombes ne tombent pas sur la
ville, il travaille au port, et passe son temps libre avec George, son ami d’enfance, entre petites magouilles et virées à moto. Mais alors que Bassam ne pense qu’à quitter le pays et rêve de
s’installer à Rome, George, lui, fréquente de plus en plus les miliciens qui tiennent la ville.


Au cœur de ce roman donc, l’amitié entre deux jeunes libanais qui dans ce contexte chaotique prend une dimension toute particulière. Leur lien résista t’il encore longtemps aux bombes et à la
guerre, à l’argent et à la violence, aux filles et aux mauvais choix ?
A travers
ces deux personnages Rawi Hage raconte l’histoire d’un désastre humain et l’absurdité de la (sur)vie quotidienne dans une ville dévastée par la guerre, et livre ici un récit nerveux et
suffocant dans un décor apocalyptique.  J’ai pourtant eu du mal à me plonger sans réserves dans cette lecture : Est-ce la carapace que s’est forgée Bassam et la relative froideur avec
laquelle il affronte les évènements ? Ou ses étranges envolées lyriques qui ponctuent et alourdissent le récit ? Malgré l’intérêt du sujet et les nombreuses qualités de ce premier
roman, je n’ai jamais vraiment réussi à m’attacher aux personnages et à leurs destinées.


Denoël 2008, 265 pages, 20€ (Traduction de Sophie Voillot)

Lu par Kathel, Cathulu, Fashion, Saxaoul, Tamara, Thom, Clarabel, Anne,
Sylire & Liliba.



(Merci à)

[Roman] Julie & Julia (sexe, blog et boeuf bourguignon) – Julie Powell

Julie Powell est une jeune femme de 29 ans qui partage son loft new-yorkais avec un mari adorable, 3 chats et un serpent. Elle a rêvé un jour d’être actrice mais n’a finalement rien fait pour, et se contente d’un job inintéressant dans un bureau surplombant le site de Ground Zero. La trentaine qui approche, un gynéco qui lui conseille ne pas trop attendre avant de faire un bébé à cause de problèmes hormonaux, et la voilà au bord de la dépression. Elle se lance alors sur un coup de tête dans un challenge insensé : réaliser en un an les 524 recettes de L’art de la cuisine française de Julia Child, la prêtresse de la cuisine aux Etats-Unis. Et elle ouvre un blog pour partager le pire
et le meilleur de ces expériences quotidiennes.

Foies de poulet en gelée, rognons à la bordelaise, cervelle en matelote… La cuisine de Julia Child est d’un autre âge (son recueil de recettes date des années 60) et ne vous donnera sans doute aucune envie de vous glisser derrière vos fourneaux ! Les aventures culinaires de Julie donne quelques chapitres assez drôles (mention spéciale à la cuisson des homards, façon serial killer), mais au fond la cuisine n’est ici qu’un prétexte pour évoquer la confiance en soi, le regard des autres ou les préoccupations des trentenaires souvent abordés dans la “chick-litt”, couple et horloge biologique en tête. Tour à tour déprimée ou euphorique, Julie est une narratrice charmante et attachante qui s’accroche à son
défi comme à une bouée de sauvetage. Avec humour et sincérité elle décrit les effets secondaires de son épopée culinaire : L’inquiétude envahissante de sa mère, son mari qui
supporte héroïquement ses crises d’hystérie, les copines un peu dingues qui s’invitent de plus en plus souvent à dîner pour raconter leurs déboires sentimentaux, la pression infernale des lecteurs de son blog… Léger, drôle et généreux, avec son petit grain de folie Julie & Julia est une lecture très rafraîchissante!


Le blog de Julie Powell: http://juliepowell.blogspot.com/
Une adaptation pour le grand écran est en cours de tournage, avec Amy Adams dans le rôle de Julie, et Meryl
Streep
dans celui de Julia Child.


Seuil 2008, 343 pages, 19,90€, traduction de Claudine Richetin – Note/4 etoiles
Titre original: Julie & Julia: 365 days, 524 recipes, 1 tiny apartment kitchen.



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[Roman] Ces petites choses – Deborah Moggah

Ravi Kapoor, un médecin londonien d’origine indienne, doit cohabiter depuis quelques temps avec son beau-père, le sale et dégoûtant Norman. Sa femme Pauline peine à trouver un établissement prêt à accueillir le vieil homme, déjà renvoyé de plusieurs maisons de retraite. Alors que Ravi confie sa détresse à un cousin éloigné, un homme d’affaires prénommé Sonny, ce dernier lui soumet un projet fou: Créer une chaîne de maisons de retraite bon marché en Inde afin d’accueillir des anglais qui ont de plus en plus de mal à être pris en charge par un système de santé britannique défaillant. Et le premier pensionnaire serait bien sûr le beau-père de Ravi…

Après une première partie assez drôle centrée sur les tensions entre Ravi et Norman, direction Bangalore pour vivre le quotidien de Dunroamin,  cette maison de retraite du bout du monde. Grâce à la publicité alléchante et un brin mensongère concoctée par Sonny, quelques retraités anglais se sont laissés convaincre de tenter l’aventure, et Evelyn, Dorothy ou Muriel s’installent donc dans cette pension au charme suranné, façon vieille Angleterre. Loin d’être un mouroir, ce lieu insolite va vite prendre des airs de colonie de vacances, grâce à la personnalité et à la vitalité de ses pensionnaires, grands-pères aux mains baladeuses ou vieilles dames indignes.  Mais si le ton reste toujours léger et optimiste,  l’auteur évoque aussi avec beaucoup de tendresse et de simplicité les difficultés quotidiennes de la vieillesse, la solitude, les regrets et les occasions ratées… Sur un sujet plutôt délicat “Ces petites choses” sait éviter les pièges du misérabilisme et du cynisme, et avec ses figures fragiles et attachantes, cette petite comédie sans prétentions est une jolie surprise !

Le livre de poche, 407 pages, 6,95€ – 3 etoiles
[Lu dans le cadre d’une opération organisée par Le livre de poche à destination des blogueurs]