Catégorie : Romans francophones

La vie parlée – Bernard Chapuis

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Auprès d’une autorité silencieuse qu’ils appellent “Votre hauteur”, six personnages se succèdent pour évoquer Cormier, musicien
et chef d’orchestre célèbre, qui s’était retiré depuis quelques temps dans une ville mystérieuse au bord d’un lac. Au hasard des anecdotes, sa concierge, son ami d’enfance, son
impressario, son homme d’affaires, sa femme et sa fille tentent d’établir un portrait de cet homme insaisissable.

L’écriture de Bernard Chapuis est délectable, élégante, pleine
d’humour, avec un rien de désuétude. “La vie parlée” est un roman d’atmosphères, celle d’une adolescence vers la fin des années 50, ou celle d’une maison de campagne toujours remplie
d’amis.

Insensiblement pourtant ce roman a fini par me lasser, le
mystère et l’anecdotique par m’agacer:  De nombreuses questions restent en suspens, sur l’origine de ces auditions ou la personnalité de Cormier. On n’en saura guère plus, et ce
roman, malgré toutes ses qualités, laisse le lecteur un rien frustré.

Stock 2005, 228 pages,
19€

Sélection Prix Elle 2006

Ensemble c’est tout – Anna Gavalda

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Quatre personnages abîmés par la vie, un peu sauvages et perdus, tentent de s’apprivoiser: Il y a Camille, femme de ménage et artiste
contrariée; Philibert, l’aristocrate désargenté, féru d’histoire et hypersensible; Frank, le cuisinier rustaud qui doit s’occuper de sa grand-mère Paulette, de plus en plus dépendante.

Anna Gavalda séduit par la simplicité de son écriture, la justesse de ses dialogues, le grain de folie de ses personnages. Pas d’effets
superflus ou d’intrigue fouillée, elle mise sur l’humour et les sentiments, sans jamais tomber dans la mièvrerie. Malgré quelques longueurs, c’est un livre qui touche au cœur!

“Ensemble c’est tout” a déjà une belle carrière, puisque plus de 500 000 exemplaires ont
été écoulés depuis sa sortie.

Le Dilettante 2004, 603 pages, 22€

A lire aussi: Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part, recueil de nouvelles publié chez J’ai lu.

Les Trois médecins – Martin Winckler

En 1999, Martin Winckler connaissait son premier succès de librairie grâce à La maladie de Sachs dans lequel il racontait le quotidien d’un médecin généraliste, Bruno Sachs. Dans Les trois médecins, l’on retrouve notre héros quelques années plus tôt, pendant ses études de médecine. Parallèlement à une histoire d’amitié entre quatre futurs médecins, leurs amours et leurs emmerdes, Martin Winckler dresse le portrait de la médecine dans les années 70: le carcan rigide des études, les humiliations et les conflits au sein des facs, le combat pour le droit des femmes (avortement et contraception), la remise en question de la place du médecin et de son rapport au patient, ou les premiers scandales pharmaceutiques (comme celui du distilbène).

La construction du roman, inspirée de Les trois mousquetaires d’Alexandre Dumas, est assez complexe. Ce roman polyphonique alterne les époques, les points de vues, les articles médicaux. Les Trois médecins est un livre foisonnant qui réussit le tour de force d’être à la fois divertissant et instructif, porté par le talent de Martin Winckler pour évoquer des tranches de vies.

P.O.L 2004/Folio 2006 – Note/4 etoiles

[Roman] La reine du silence – Marie Nimier

La petite Marie n’a que cinq ans lorsque son père, l’écrivain Roger Nimier, meurt dans un accident de voiture. Quarante ans plus tard, elle entreprend de dresser le portrait de ce père qu’elle a si peu connu.

A quelques bribes de souvenirs s’ajoutent une carte postale lapidaire, les portraits d’amis écrivains, les confessions des frères de Marie, les traces d’une correspondance, des photos à la Une de Paris-Match… Elle évoque, sans jamais le juger, ce père aux multiples démons, qui privilégiait son travail à sa famille, et pouvait se montrer particulièrement cruel. Sous la plume de la femme mûre, on retrouve les questions, les peurs et les doutes d’une petite fille qui tente de comprendre, de se rapprocher de ce père trop tôt disparu, afin d’apaiser ses propres tourments.

Sur le ton de la confidence, avec beaucoup de sensibilité et de pudeur, Marie Nimier offre un beau témoignage sur l’amour filial.

Gallimard 2004, 170 pages, 14.50€ – PRIX MEDICIS 2004 /

[Roman] Merci – Daniel Pennac

Un artiste reçoit un prix pour l’ensemble de son œuvre. Seul sur scène, il doit sacrifier au traditionnel discours de remerciement.

Merci, oui, mais à qui, pourquoi, comment? Ces questions et l’ambiguïté du terme ( “Etre remercié” ou “à la merci de”…) font naviguer le personnage entre l’humour et la mélancolie. Il s’interroge sur son métier, sur ces gens qui le jugent, fouille ses sentiments, met à jour ses doutes et ses rancœurs. D’une digression à l’autre, il entre dans une sphère plus intime, évoque la solitude, la sincérité de ses amis ou de sa famille, l’impossibilité de remercier en amour.

Merci est un exercice de style déroutant mais plein de charme. Pennac s’amuse avec le cadre convenu et rigide du discours de remerciement, détourne les règles et repousse les limites du genre. Merci est un monologue doux-amer à savourer, une friandise pour les fans de Pennac!

Gallimard 2004, 127 pages, 13.50€/