Catégorie : Romans francophones

That’s all right mama – Bertina Henrichs

D’origine allemande, Eva Jacobi mène une vie très rangée en France: Maître de conférences dans une université, elle a une relation amoureuse
avec un homme qu’elle voit deux soirs par semaine. Quand sa mère décède brutalement, elle doit retourner en allemagne, et en rangeant l’appartement maternel, elle découvre que Lena, qui ne menait
pourtant pas une existence très fantaisiste, avait prévu de se rendre à Memphis, la ville d’Elvis Presley. Encore bouleversée par les confidences d’un oncle à propos de ses parents, Eva décide
sur un coup de tête d’utiliser le billet d’avion de sa mère.



Bertina Henrichs a choisi de traiter d’un sujet délicat (le travail de deuil) avec une certaine légèreté, lançant son personnage sur les pas du King et de ses fans, dans la capitale du kitsch
absolu!  Dans ce décor insolite et extravagant, de situations périlleuses en rencontres improbables, Eva ira jusqu’au bout de son chagrin. Comme un cadeau posthume offert par sa mère,
ce voyage lui permettra aussi de faire un point sur sa vie, de quitter son existence étriquée et d’emprunter un nouveau chemin vers l’épanouissement. Entre rires et larmes, That’s all right mama est un roman très touchant sur l’amour filial, une parenthèse enchantée pleine d’une douce folie.
Si vous avez aimé La joueuse d’échecs
(en cours d’adaptation avec Sandrine Bonnaire dans le rôle principal), vous succomberez ici encore au charme et à la simplicité de l’écriture de
Bertina Henrichs!


Editions du Panama, 272 pages, 18€

Twist – Delphine Bertholon

5 étoiles

Maman me l’avait assez répété, de ne pas parler aux inconnus, de faire attention avec tous ces détraqués qui courent dans la nature mais là, pas une seconde ça ne m’avait traversé l’esprit. A cause de la bonne tête de R. avec sa chevelure d’éponge, sa voiture brillante, la jolie chatte à 3 couleurs dans la petite caisse, l’orage dément qui me coulait dessus et surtout – surtout – à cause de Stanislas.

Madison, 11 ans, est enlevée par R. à la sortie de l’école, et séquestrée dans une cave. Sur le cahier
qu’elle a réussi à obtenir de son ravisseur elle raconte le tour qu’a pris sa vie depuis Le-jour-de-la-Volvo-noire. Deux voix se mêlent à celle de Madison pour évoquer la disparition de la petite fille : Celle de Léonore, sa mère, persuadée que sa fille est toujours vivante et qui continue à lui écrire des lettres, et celle de Stanislas, le prof de tennis dont Madison est amoureuse. Monté à Paris après le drame, il tombe sous le charme de la belle et insaisissable Louison.

Le sujet peut effrayer de prime abord, Delphine Bertholon s’inspirant d’un fait divers qui avait  bouleversé l’europe il y a deux ans. Mais ici le romanesque et la sensibilité l’emportent largement sur le sordide et le sensationnel. Le personnage de Madison, en dépit de son enfermement, reste une pré-adolescente pleine d’énergie et d’humour! Entre fausse soumission et rébellion, entre colère et attachement, elle raconte dans ses précieux cahiers le lien étrange qui la lie à son ravisseur, mais aussi l’adolescence et les changements de son corps qu’elle doit affronter seule, ou l’écriture qui l’empêche de devenir folle. Delphine Bertholon passe avec beaucoup d’aisance d’un personnage à l’autre, Stanislas évoquant sa relation avec Louison, et les lettres de Léonore à sa fille enrichissent très délicatement le point de vue de Madison.  Twist est un roman sur l’absence et sur l’espoir, une histoire d’amour(s) qui explore tout ce que ce sentiment peut parfois avoir d’insensé, d’absurde ou de cruel. La première bonne surprise de cette rentrée !

JC Lattès 2008, 429 pages, 18€

la théorie du panda – Pascal Garnier


Un quai de gare, une chambre d’hôtel, Gabriel semble n’être que de passage dans cette petite ville bretonne. Pourtant il s’attarde, et trouve rapidement sa place parmi les habitants: Il épaule un patron de restaurant désemparé depuis l’hospitalisation de sa femme, fait tourner la tête de la jolie réceptionniste de l’hôtel, dépanne un couple de junkies… Bienveillant, serviable, toujours à l’écoute, mais quel secret peut donc bien cacher Gabriel, à quoi a-t-il voulu échapper en se réfugiant ici ?

Si Gabriel reste le pivot du groupe, le roman se concentre surtout sur ses compagnons rencontrés au fil du hasard, sur cette petite bande de personnages hétéroclites qu’il a fédéré autour de lui. Gabriel, lui, restera insaisissable jusqu’aux toutes dernières pages, jusqu’au coup-de-poing final. On comprend rapidement que son masque impassible cache quelque chose mais l’auteur sait jouer avec notre attente, entre sous-entendus feutrés et flashbacks mystérieux, et il crée ainsi une atmosphère étrange, teintée d’angoisse diffuse. J’ai beaucoup aimé la fausse légèreté de ce roman, dans l’histoire comme dans le style, cette façon d’évoquer le désespoir avec dérision qui m’a rappelé d’autres auteurs français que j’affectionne, Joël Egloff, Pascal Morin ou encore Laurent Graff… “La théorie du panda” est un roman troublant, qui m’a donné très envie de découvrir les précédents titres de Pascal Garnier!


Zulma 2008, 174 pages, 16,50€

Lu et aimé par
Clarabel, Gambadou, Laurent, Laure, Sylire



Les habitants – Mano

undefined

Les-habitants.gif
Marc et Carine ont quitté Paris avec leurs deux ados, Marie et Stéphane, pour une zone pavillonnaire située dans l’agglomération de Val d’Europe, à deux pas de Disneyland. Une ville artificielle et aseptisée, où tout est fait pour donner l’illusion de la sécurité et du bonheur à une population de cadres sup. Mais derrière les façades propres et lisses, rien de bien glorieux: Marc trompe sa femme sans aucun complexe et il est d’une bêtise crasse, au point que ses enfants le surnomment affectueusement “le connard”. Ambiance, ambiance… Carine est une parfaite desperate housewife, complètement à l’ouest, et leurs enfants ne relèvent guère le niveau: Marie est une gentille écervelée, tandis que son frère dépressif se taillade les bras à l’occasion. Quand un drame transforme la banlieue chic en cauchemar, les apparences vont rapidement se fissurer.

Sex, drug and rock’n roll chez Disney, c’est en gros le concept de ce roman déconcertant. J’avoue que je ne savais pas vraiment où je mettais les pieds en ouvrant ce livre! L’idée de départ n’est pas mauvaise, le cynisme plutôt séduisant mais il flirte trop souvent avec la facilité, que ce soit dans le fond ou dans la forme. Beaucoup de vulgarité, pas mal de scènes trash (certains passages sont vraiment à vomir), mais surtout le propos reste finalement assez superficiel, et c’est ce qui m’a le plus dérangé, on tombe souvent dans la provocation gratuite. La caricature est amusante au début, dommage que l’auteur n’essaye pas de la dépasser par la suite, j’aurais aimé un peu plus de subtilité, plus de nuances dans les personnages (même s’il y a bien une tentative avec le fils, Stéphane, qui semble être le seul à avoir un peu de recul sur le monde dans lequel il vit). Je n’ai pas vraiment adhéré donc, mais en même temps ce n’est pas un roman qui m’a laissée indifférente… Un livre violent à ne pas mettre entre toutes les mains, mais à tenter si vous aimez ce genre d’univers glauque et dérangeant.

Hachette 2008, 209 pages, 17€

livres, critiques citations et bibliothèques en ligne sur Babelio.com

La consolante – Anna Gavalda

undefined

la-consolante.gif
Charles Balanda est architecte, voyage beaucoup, se noie dans le travail pour éviter de croiser sa compagne Laurence dans leur appartement parisien, pour oublier qu’elle
s’éloigne de lui inexorablement. Malgré ses problèmes de couple, il tente au quotidien de maintenir un lien privilégié avec Mathilde, sa belle-fille adolescente. Mais alors qu’il rend visite
à ses parents, il trouve une lettre de son ami d’enfance, Alexis, l’informant de la mort de sa mère, Anouk. La nouvelle lui fait l’effet d’un electrochoc et sans qu’il comprenne d’abord bien
pourquoi, l’univers de Charles s’écroule. Pour tenter de se reconstruire il part sur les traces de son passé, à la recherche d’Anouk et Alexis.

Pas de doute, nous sommes bien chez Gavalda, Charles est un personnage cassé, complexe et attachant, et tout est affaire de sentiments, amour et
amitié, deuil et retrouvailles, désirs et tendresse, ruptures et pardon s’entrelacent au fil des pages… Sans doute cela suffira t-il pour faire de ce roman un nouveau succès populaire (avec un
premier tirage à 300 000 exemplaires !). Pourtant si l’on retrouve bien la patte de Gavalda, il n’y a pas dans La consolante, l’étincelle, l’alchimie qui faisaient le charme et la
magie d’Ensemble c’est tout. Dès les premières pages j’ai bien senti que la sauce ne prendrait pas : le style est horripilant (une collection de phrases sans sujets! *), l’auteur
nous fait mariner en multipliant les non-dits, repousse longtemps le moment où le personnage principal va se résoudre à affronter ses souvenirs. On a ensuite du mal à suivre Charles sur sa route
tortueuse, et on ne comprend pas toujours les chemins qu’il emprunte. Le récit manque de rythme et de densité, c’est long long long, on tourne en rond, on s’ennuie, on s’impatiente… Anna Gavalda
a vraiment beaucoup de talent pour composer des personnages (celui de Nounou aurait mérité un roman à lui tout seul), mais malgré l’attachement que j’ai pu éprouver pour Charles, elle a sans
doute vu un peu grand en lui consacrant 640 pages!

 

* Extrait (p. 105): “Prit une longue bouffée d’air pour expirer sa colère, chercha un siège libre, ferma son livre, remit les deux empereurs et
leur demi-million de morts chacun au fond de son cartable et sortit ses dossiers. Consulta sa montre, y ajouta deux heures, tomba sur une boîte vocale et se remit à jurer en anglais. Good
lord
, s’en donna à cœur joie. Ce fucking bastard ne l’écouterait pas jusqu’au bout de toute façon”

 

Le dilettante 2008, 640 pages, 24,50€