Catégorie : Romans francophones

Falaises – Olivier Adam


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Un homme d’une trentaine d’années passe la nuit sur le balcon de son hôtel à contempler les falaises d’Etretat. Vingt ans plus tôt s’est
déroulée ici la première des tragédies qui ont jalonnées sa vie: sa mère s’est suicidée en se jetant du haut de ces falaises. Durant cette longue nuit, les souvenirs douloureux refont surface:
Après le drame,  leur père s’est réfugié dans le mutisme et la terreur domestique, tandis qu’Olivier et son frère ont tenté tant bien que mal de se construire…

Le style maîtrisé et envoûtant, sobre et sensible, évite à ce roman de tomber dans le catalogue morbide. L’univers d’Olivier Adam est
vraiment très noir, un monde de silence et de non-dits, de peurs et de violence, de blessures et de fantômes, d’absences et de solitude. Chaque personnage y semble emprisonné dans une bulle de
désespoir…. J’ai été assez touchée par le narrateur: A la fois hagard et lucide, poursuivi par le fantôme de sa mère, il tente de s’accrocher tour à tour à un frère, un amour, une voisine,
qui tous finissent par lui échapper, emportés par leurs propres douleurs. L’ambiguïté entretenue par l’auteur sur la dimension autobiographique rend ce personnage plus troublant encore.
“Falaises” me laisse cependant un sentiment un peu mitigé, ce roman lourd de mélancolie est à la fois bouleversant et etouffant.

Editions de l’Olivier 2005, 206 pages, 18€
Sélection Roman du Grand Prix des Lectrices de Elle 2006

La petite trotteuse – Michèle Lesbre






Anne, une femme d’âge mûr, s’apprête à visiter une maison à vendre sur la côte Atlantique. La trentième en quelques mois… A chaque visite, elle parvient à voler quelques heures de solitude entre ces différents murs. Qu’y cherche t’elle exactement? Installée dans le petit hôtel du village, elle évoque quelques rencontres éphémères, la douceur d’instants volés, le temps qui suspend sa course. Et lentement le passé se mêle au présent: un père mystérieux, les querelles constantes entre ses parents, une enfance marquée par la guerre…

L’écriture est juste et délicate, créant une belle atmosphère empreinte de mélancolie… Chaque mot est pesé, chaque phrase ciselée, un vrai travail d’orfèvre! Si le style force l’admiration, je reste plus dubitative sur l’histoire elle-même: hormis quelques passages intéressants sur l’enfance de la narratrice, j’ai eu du mal à m’attacher à l’héroïne, à comprendre sa quête. Plus on avance dans le roman, plus les sentiments s’éparpillent et plus le personnage nous échappe. Malgré de jolies qualités de narration, ce roman n’est donc pas vraiment parvenu à me toucher.

Editions Sabine Wespieser 2005, 190 pages, 18 euros
Sélection Roman du Grand prix des lectrices de Elle 2006

La petite fille de Monsieur Linh – Philippe Claudel


Après la mort de son fils et de sa belle-fille, Monsieur Linh quitte son pays ravagé par la guerre. Il emmène avec lui sa petite-fille Sang Diü (“matin doux”), sa seule raison de vivre désormais. Hébergé dans un dortoir impersonnel, il découvre un nouveau pays où tout lui est inconnu, froid, sans odeur ni saveur. Un jour pourtant, il rencontre Monsieur Brac, un homme bavard et chaleureux qui vient de perdre sa femme. Au-delà de la barrière de la langue, les deux hommes vont unir leurs solitudes.

Ce roman commence de manière déconcertante, comme un gentil conte un brin désuet et simpliste. L’écriture est sobre à l’extrême, et l’on suit les petits pas de Monsieur Linh avec compassion et tendresse, mais sans passion, en se demandant où nous mène ce charmant vieux monsieur. Et puis brusquement, une révélation inattendue apporte une profondeur vertigineuse au personnage. Les thèmes de la solitude, de l’amour ou du deuil  prennent une nouvelle dimension et l’on saisit alors toute la force de ce portrait fragile et délicat.

Stock 2005, 159 pages, 15.50€

1979 – Jean-Philippe Blondel

Un matin, les habitants d’un quartier découvre une simple date tagguée sur un mur: “1979”. Les souvenirs des uns et des autres refont surface: Pour beaucoup d’entre eux, cette année 79 a marqué un tournant, sous la forme d’un deuil, d’un mariage, d’un accident, d’une rencontre… Peu à peu le doute s’insinue: cette inscription est elle un hasard ou une menace adressée à l’un d’entre eux?

J’avais été emballée l’année dernière par “Accès direct à la plage” (Cf mon top 2004), un roman que m’avait conseillé Clarabel (un grand merci à elle 😉 ). Jean-Philippe Blondel est un romancier du quotidien et de la nostalgie. Il gratte la banalité pour faire apparaître les secrets et les aspirations de ses personnages. Il excelle dans le détail qui fait mouche, dans ces minuscules fêlures qui vous serrent le cœur, dans ces petits riens qui donnent toute sa dimension à un être. Si je garde une petite préférence pour “Accès direct à la plage“, j’ai cependant retrouvé dans “1979” la patte qui m’avait tant séduite, cette capacité à rendre des personnages si proches et si attachants, mais aussi cette simplicité dans l’écriture et l’atmosphère, agrémentée ici d’une pincée de suspens bien conduit.


Pocket 2005 (2004 pour l’édition originale), 184 pages, 5.50€

[Roman] Fred et Mathilde – Corinne Roche

fred et mathildeMathilde quitte la région parisienne pour le petit village de Malesaygues. Loin de la fameuse “qualité de vie” dont elle rêvait, elle se heurte rapidement à des gens “bornés et intolérants“. Son histoire d’amour avec Fred va mettre le feu aux poudres et déchaîner les mauvaises intentions. La mesquinerie et la jalousie, les rancœurs et les frustrations des uns et des autres vont rogner peu à peu les idéaux de Mathilde.

Fred et Mathilde est une comédie grinçante dans laquelle chacun en prend pour son grade, la parisienne comme les autochtones, tous engoncés dans leurs a priori. La galerie de personnages est jouissive: une veuve joyeuse qui rêve d’une croisière au Groenland, un cadre hémorroïdaire, une aristocrate paumée, un bébé hurleur aux yeux globuleux, une patronne de bar dépressive, un vieil homme méchant… Sous la plume pleine d’humour de Corinne Roche, le quotidien de cette communauté bigarrée touche, amuse, désole. Un joli roman, auquel je reprocherais cependant un final un peu abrupt et frustrant!

Editions Héloïse d’Ormesson, 2005, 226 pagesNote/4 etoiles
*Sélection Prix Elle 2006*