Catégorie : Lectures – Classement par note

[Roman] La fille du cannibale – Rosa Montero

la fille du cannibaleLucia Romero mène une vie plutôt morne. Enlisée dans un mariage sans passion, cette quadragénaire espagnole est l’auteur d’une série de livres pour enfants plutôt médiocre, Belinda la petite cocotte. Mais un événement inattendu va bouleverser l’existence de Lucia: alors qu’ils s’apprêtent à partir en vacances, son mari, Ramon, disparaît mystérieusement dans l’aéroport. Aidée malgré elle par deux voisins, un vieil anarchiste et un jeune homme séduisant, Lucia va se lancer sur les traces de son mari et découvrir qu’elle le connaît bien mal.

“La fille du cannibale” se déroule entre présent et passé, d’un côté la recherche de Ramon, de l’autre les souvenirs d’un vieil homme sur fond d’anarchisme et de guerre d’Espagne. Ce rythme binaire apporte beaucoup d’énergie au récit. La réussite de ce livre tient par ailleurs dans un joli équilibre romanesque entre humour et gravité, entre situations loufoques et réflexion(s) sur la vie. Les personnages, trois personnalités très différentes qui vont doucement s’apprivoiser, sont décalés et attendrissants. La disparition de son mari va notamment permettre à Lucia, que la quarantaine rend mélancolique, de se remettre en question et  de se redécouvrir. Entre rires et larmes, Rosa Montero réussit ainsi un très beau portrait de femme qui m’a beaucoup touché.

Editions Métailié 2006, 407 pages, 20€ – 5 étoiles

L’immeuble d’en face – Vanyda

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Je lis peu de BD, bien plus par manque d’habitude que par manque d’intérêt. Je me suis récemment décidée à plonger dans les rayons dédiés de ma librairie et de ma bibliothèque, armée de quelques
conseils de bloggeuses…Voilà donc une nouvelle rubrique et un premier commentaire!
Claire et Louis, un couple d’étudiants, vivent au 3ème étage d’un immeuble de Lille. Aux étages inférieurs habitent un couple d’age mûr avec leur énorme
chien, ainsi qu’une femme enceinte, Béatrice, et son fils de 4 ans. “L’immeuble d’en face”, c’est le quotidien de ces quelques personnages, les chamailleries des couples, les mots d’enfants, les
petits incidents de tous les jours, les relations entre voisins, les anecdotes ou les moments forts de l’existence.
Au cours de brefs chapitres en noir et blanc, on passe de l’intimité des appartements (où les personnages boivent un thé, se brossent les dents, se disputent, font l’amour ou la fête), aux parties communes où se tissent, avec le temps, les liens entre les personnages. Avec beaucoup de simplicité, que ce soit au niveau de l’histoire ou du dessin, Vanyda réussit un bien joli album plein de fraîcheur, peuplé de personnages ordinaires, mais très
attachants. Le jeu de la mise en page, l’humour et la tendresse qui se dégagent de cet album, font de sa lecture un moment privilégié et réconfortant. A lire, vraiment!
Vous pouvez voir quelques planches sur le site de l’éditeur et lire les avis
(enthousiastes!) de Clarabel et d’ Emjy.

La boîte à bulles 2004, 166 pages, 13.50€

Vous plaisantez monsieur Tanner – Jean-Paul Dubois

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Monsieur Tanner, documentariste animalier, hérite d’un vieil oncle une grande demeure en piteux état. Pour accomplir d’importants travaux de rénovation, il doit faire
appel à différents artisans: Couvreurs fourbes et voleurs, électricien bigot et incompétent, maçon antipathique, peintre frustré ou chauffagiste maladroit, tous vont rivaliser d’ingéniosité pour
faire de la vie de Monsieur Tanner un enfer…
Des artisans plus étranges les uns que les autres, un narrateur naïf et un peu lâche, Jean-Paul Dubois livre ici une jolie galerie de personnages. Bien que le trait
soit souvent grossi, le défilé des professionnels et la description de leurs travers en tous genres sont plutôt drôles. Et les chapitres courts donnent un roman rythmé qui se lit vite
et facilement. Pourtant, “Vous plaisantez Monsieur Tanner” atteint rapidement ses limites en se cantonnant à une accumulation de portraits, sans vraiment chercher à approfondir le propos.
Je suis donc restée sur ma faim avec ce livre sympathique mais un peu léger.

Editions de l’Olivier 2006, 198 pages, 16.50€

Le monde connu – Edward P. Jones

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Henry Towsend meurt dans l’état de Virginie en 1850, quelques années avant la guerre de Sécession. Cet ancien esclave laisse à sa femme Caldonia la responsabilité
d’une plantation et d’une trentaine d’esclaves, dont Moïse, son fidèle surveillant. Caldonia est épaulée notamment par Robbins, l’ancien maître blanc d’Henri, ainsi que par les deux enfants qu’il
a eu avec sa maîtresse noire, Louis et Dora. Le Shérif a quant à lui monté une milice destinée à surveiller les allées et venues des esclaves de la région.

Difficile de résumer ce roman foisonnant! A travers une multitude de portraits, Edward P. Jones construit une grande fresque sur
l’esclavagisme. L’auteur traite le sujet sans manichéisme, décrit avec beaucoup de nuances les rapports complexes et ambigüs qu’entretiennent noirs et blancs, maîtres et esclaves, ainsi que
la difficulté des affranchis à trouver leur place. J’ai eu du mal à entrer dans l’histoire, à trouver mes repères: Il y a beaucoup de personnages, d’histoires qui se
recoupent, d’allers-retours dans le temps, une avalanche de détails et de digressions.  Malgré la qualité du propos et de l’écriture, la richesse, la densité même de ce
roman sont assez déroutantes,  et l’histoire s’éparpille trop pour que l’on puisse vraiment s’attacher aux personnages. “Le monde connu” est une oeuvre ambitieuse, mais un peu trop
copieuse à mon goût.

Prix Pulitzer 2004
Albin Michel 2005, 512 pages, 22.50€

De l’art de conduire sa machine – Steven Carroll

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Vic, Rita et leur fils Michael vivent dans un faubourg de Melbourne, à la fin des années 50. Ce samedi soir, ils sont invités chez leur voisin Georges Bedser, qui fête
les fiançailles de sa fille Patsy. Au cours de la promenade nocturne qui les mène à cette soirée, on découvre les difficultés de ce couple: Vic, conducteur de locomotives, est dévoré par la
maladie et l’alcool. Rita, bien trop élégante pour ce quartier étriqué, et désespérée par la lente déchéance de son mari, songe à tout quitter; Michael n’a quant à lui qu’un rêve, lancer la balle
de cricket parfaite, son ticket pour s’évader de cette triste banlieue.
Je me suis beaucoup ennuyée pendant la première moitié de ce roman, la trame très mince, le temps étiré à l’extrême (il faut près de 100 pages à Vic et Rita pour se
rendre à la fameuse soirée!) et la mise en scène théâtrale rendent la lecture assez soporifique. J’ai pourtant fini par me laisser happer par cette atmosphère triste et nostalgique, par ce
sentiment d’une époque qui s’achève. On s’attache à ces personnages ordinaires, à leurs vies banales, à leurs doutes et leurs failles.  “De l’art de conduire sa machine” est une longue pause
dans l’existence de ces personnages, que chacun d’entre eux met à profit pour s’interroger sur sa vie de couple et sur l’amour. Tous sont à un tournant de leur vie, confrontés à un choix
difficile, continuer à subir leur destin ou prendre enfin leur vie en main. S’attachant aux nuances du quotidien, Steven Carroll évoque ainsi la vie et ses tragédies en toute simplicité. Et même
s’il faut du temps pour apprivoiser l’univers de ce roman, on est finalement conquis par le charme qu’il distille par petites touches.

Phebus 2005, 232 pages, 19€