Catégorie : Lectures

[Roman] La fille de l’irlandais – Susan Fletcher

A 29 ans, Eve, enceinte de son premier enfant, se remémore son enfance: Alors qu’elle n’a que 8 ans, la mère d’Evangeline meurt brutalement, et la petite fille doit quitter Birmingham  pour s’installer dans la ferme galloise de ses grands-parents. Elle espère qu’en revenant à l’endroit même où sa mère a passé son adolescence, elle en apprendra plus sur son père qu’elle n’a jamais connu. Mais avec son insolence et ses cheveux roux, Eve a du mal à trouver sa place dans ce village, et se rapproche d’un marginal, Billy, défiguré par le coup de sabot d’un cheval et que tous les villageois prennent pour un fou. La disparition d’une autre fillette, Rose,  va jeter le trouble dans le village.

Il est difficile de résumer ce roman qui explore plusieurs pistes:  la difficile intégration d’une petite fille dans une région étrangère, la recherche de ses origines, la disparition d’une autre petite fille, un incendie mystérieux dont Eve garde une cicatrice, et le personnage de Billy, sorte d’idiot du village. Un roman qui s’éparpille un peu, même si on retrouve souvent le thème de la différence.  Le meurtre de la petite Rose (qui ne sera jamais résolu) n’est pas la partie la plus intéressante du livre, mais sert de révélateur, de la peur, de la couardise, de la méchanceté des hommes. J’ai parfois été gênée par le manque de linéarité de l’histoire et le fait de repousser sans cesse certaines révélations (Il est ainsi question tout au long du roman d’un incendie dont on ne connaîtra les détails que dans les toutes dernières pages). Avec tout ça on pourrait croire que je n’ai pas aimé ce roman mais ce n’est pas du tout le cas : La fille de l’irlandais m’a certes  semblé moins abouti que Avis de tempête, mais ce roman vient quand même confirmer que Susan Fletcher pourrait bien devenir l’un de mes auteurs préférés, j’aime ses paysages sauvages, ses héroïnes libres, son écriture ciselée.  Il me reste encore à lire Un bûcher sous la neige.

J’ai lu 2008, 318 pages, titre original Eve Green /
Une lecture commune avec Liliba, Mirontaine, Sandrine, Titou le matou.

[Roman YA] Vengeance (Cabaret, tome 2) – Jillian Larkin

Attention si vous n’avez pas lu le 1er tome de la série, cet article peut vous révéler des éléments importants de l’intrigue.

Après avoir fui Chicago pour échapper à la mafia, Gloria s’est installé à New-York avec Jérôme. Mais ici non plus il n’est pas bien vu qu’une jeune femme blanche s’affiche avec un jeune homme noir, et ils doivent toujours cacher leur relation. Le couple vit en plus dans des conditions précaires, ils  manquent d’argent et ont des difficultés à trouver un emploi. Inquiète pour son frère, Vera débarque dans la Grosse Pomme pour tenter de le retrouver.  Lorraine et Clara sont elles aussi à New-York : Lorraine gère un bar clandestin en attendant d’entrer à l’université, et espère trouver un moyen de se venger de son ancienne meilleure amie Gloria. Clara, elle, a suivi Marcus, mais arrivera t-elle à résister à ses anciens démons et aux folles nuits new-yorkaises?

Il y a quelques mois j’avais lu (et aimé) : la prohibition, les speakeasy, ces bars clandestins tenus par la mafia, les garçonnes et la mode des années 20, la musique et le jazz sont encore très présents. Les personnages féminins en revanche ont bien changé. Elles ont quitté le lycée et le cocon familial pour se confronter à la vie, et c’est pour Gloria que la chute est la plus dure, puisqu’elle a quitté son milieu très confortable de Chicago  pour la misère de NY. Après les premiers tourments de l’amour, viennent aussi les premières difficultés de la vie de couple pour Gloria et Clara. Tous les personnages gagnent en fragilité, ils sont moins sûrs d’eux et du coup deviennent plus sympathiques, notamment Gloria qui manquait un peu de consistance dans le volume précédent.  Même l’insupportable Lorraine a parfois su me toucher… on sent tant de solitude sous sa rancœur ! Et Vera, la sœur de Jérôme, qui dans le 1er tome n’avait qu’un rôle secondaire, a ici une place bien plus importante. La fin est ouverte sur un 3ème volume, dont je ne connais pas encore la date de sortie mais que je lirais avec plaisir bien sûr.

Cabaret, Tome 2 : Vengeance (clic) de Jillian Larkin, Bayard Jeunesse, 455 pages/

[Album] Arrete de lire! – Claire Gratias et Sylvie Serprix

Horatio est un jeune rat qui passe tout son temps le museau plongé sans les livres, au grand désespoir de ses parents. Selon eux la lecture ça rend myope, ça rend sourd, bref ça n’apporte rien de bon. Plus tard Horatio se verrait pourtant bien rat de bibliothèque… C’est toujours mieux que rat de laboratoire ou rat d’égout, non? Sa mère, elle, aurait rêvé d’avoir une fille petit rat de l’opéra.  Et puis un jour, c’est le drame:

C’est à cette période que se produisit un évènement terrible: à la fin du trimestre, la maîtresse écrivit sur le carnet d’Horatio que c’était un élève sage, mais beaucoup trop rêveur.
En lisant ces mots, le père d’Horatio se mit dans une colère noire.
Maintenant, ça suffit! déclara t-il
Il entra comme une furie dans la chambre de son fils et lui confisqua tous ses livres.
Avec de grands gestes énervés, il les jeta en vrac dans une malle qu’il ferma avec un gros cadenas avant de la descendre à la cave.
Mais Papa… protesta Horatio, en vain.
Pas de “mais” répliqua son père. Il est temps pour toi de redescendre sur terre, mon garçon!
Maman… tenta Horatio, paniqué.
Ton père a raison. Tu n’as plus l’âge de ces bêtises, dit sa mère.
Et pour couper court à toute discussion, ils allumèrent la télévision.

Mais Horatio va trouver une idée astucieuse pour pouvoir lire à nouveau, et va convaincre ses parents que l’avenir appartient à ceux qui aiment lire.

“Arrête de lire!” est d’abord un hymne à la lecture, alors forcément tous les amoureux des livres tomberont dedans à pieds joints et se délecteront du sujet de cet album!  Il y est aussi question mine de rien du pouvoir de la télévision, qu’Horacio parviendra à détourner à ses fins. Il réussira par ce biais à rétablir la communication avec ses parents, et peut-être (ha, je ne vous en dis pas plus!) à leur transmettre le goût de lire. J’aime bien l’idée que ce soit un enfant qui soit ainsi amené à défendre sa liberté de lire…  Le texte est séduisant et drôle, et les illustrations chaleureuses de Sylvie Serprix  ne sont pas pour rien dans le charme de cet album (Et pourtant d’habitude je ne suis pas une grande fan des rongeurs).

Arrête de lire! (clic) de Claire Gratias et Sylvie Serprix, 40 pages, mars 2012, Belin Jeunesse (A partir de 5 ans)
Challenge Petit Bac, catégorie Sport/Loisir

[Album] L’histoire en vert de mon grand-pere – Lane Smith

Un petit garçon raconte l’histoire de son arrière-grand-père, passionné d’horticulture, qui a construit son jardin à l’image de sa vie: des arbustes sculptés y représentent son enfance à la ferme, son premier baiser, son départ à la guerre ou sa rencontre avec sa femme. Un témoignage d’autant plus important que ce grand-père perd peu à peu la mémoire…

Lane Smith est un illustrateur américain dont vous connaissez sans doute un des précédents albums, C’est un livre, qui a connu un beau succès (Ma fille et moi sommes aussi fans de C’est un petit livre, la version cartonnée pour les tout-petits!). Avec L’histoire en vert de mon grand-père il transforme une histoire somme toute assez classique en un album vraiment splendide.  L’idée des arbustes sculptés donne une autre dimension à cette balade d’un petit garçon dans la mémoire de son grand-père.  On sent monter au fil des pages tout l’amour et l’admiration de ce petit homme pour son aïeul. C’est beau, c’est tendre,  une petite merveille vraiment.

L’histoire en vert de mon grand-père (Grandpa Green) de Lane Smith, Gallimard Jeunesse 2012/
Challenge Petit Bac, Catégorie Couleur.

[Roman] Le temps n’efface rien – Stephen Orr

La vie est douce et paisible dans la petite ville australienne de Croydon, où vit Henry, même si les disputes entre ses parents et les coups d’éclat de sa mère dépressive deviennent de plus en plus fréquents. Objet de moqueries  à cause de son pied bot, Henry est un garçon solitaire qui se réfugie souvent dans la lecture, et sa voisine, Janice, ainsi que son frère Gavin et sa soeur Anna, sont ses seuls amis. Le jour de la fête nationale, Henry refuse de les accompagner à la plage. Janice, Gavin et Anna ne reviendront jamais de leur expédition.

Ce roman est inspiré d’un fait-divers qui a bouleversé l’Australie des années 60, la disparition des enfants Beaumont,  et qui n’a jamais été élucidé. Et c’est peut être pour éviter le piège du voyeurisme que Stephen Orr a choisi de peindre d’abord en détails la petite ville australienne où a eu lieu le drame.

La première moitié du roman est donc amplement consacrée à décrire une société métissée où se mêlent natifs du pays et immigrés européens, les petites histoires de chacun, les anecdotes de voisinage, l’entraide et les conflits du quotidien, les jeux des enfants. Une vie presque banale que viendra bouleverser à tout jamais la disparition des enfants Riley. Cette mise en place souffre de quelques longueurs (sans doute parce que le lecteur connaît déjà l’issue du livre) et est alourdie par certaines histoires secondaires. Mais elle permet de mieux découvrir le personnage attendrissant de Henry, handicapé par son pied bot et devant subir au quotidien les humeurs changeantes d’une mère lunatique. Le portrait qu’il dresse de son père, policier et héros ordinaire, est très touchant.

L’évènement majeur, la disparition des enfants Riley, n’intervient finalement qu’au milieu du roman. Commence alors l’enquête, les fausses pistes et les questions sans réponses, l’attente et le chagrin. Au bout du chemin, le monde ne sera plus jamais le même et bien au delà du fait divers, ce roman raconte la fin d’une époque, celle où l’on laissait les enfants vagabonder à leur guise et où les portes des maisons restaient toujours ouvertes.  Le feu rouge qui viendra remplacer le dévoué Gino et sa guérite à côté de la voie de chemin de fer à la fin du livre est lui aussi tout un symbole de cette époque qui s’achève… Le temps n’efface rien est un récit bouleversant et empreint d’une enivrante nostalgie, un roman que l’on referme à regret, le cœur serré et les larmes aux yeux.

Editions Presses de la cité, 586 pages/

Lu dans le cadre de l’opération Rentrée Littéraire du site Entrée Livre.
3ème chronique pour le challenge 1% Rentrée Littéraire