Catégorie : Romans étrangers

[Roman] Transatlantic – Colum McCann

transatlanticJe n’avais pas lu Colum McCann depuis son Danseur publié en 2003, dont je gardais un souvenir un peu mitigé, mais je m’étais promis que je tenterais un autre titre de cet auteur.

J’ai beaucoup hésité entre un recueil de nouvelles et un roman (j’avais aussi envie de lire Et que le monde poursuive sa course folle, élu meilleur livre de l’année en 2009 par le magazine Lire). J’ai finalement choisi Transatlantic, un roman… qui commence comme un recueil de nouvelles. La première partie comporte trois histoires distinctes, qui se déroulent à 3 époques différentes et qui ne semblent pas avoir de lien entre elles, si ce n’est de mettre en avant l’idée d’un pont entre les Etats-Unis et l’Irlande.

Il y a d’abord Alcock et Brown, deux rescapés de la Grande Guerre, qui vont tenter de traverser l’Atlantique à bord d’un biplan en 1919. Puis on suit Frederick Douglass, un ancien esclave, qui débarque en 1845 à Dublin pour y convaincre la bonne société irlandaise de l’aider dans sa lutte contre l’esclavage, mais qui va aussi découvrir l’extrême pauvreté de l’Irlande. Le dernier récit met en scène George Mitchell, ancien sénateur américain qui tente de mener le processus de paix en Irlande du Nord en 1998. Alcock et Brown, Douglass, Mitchell,  4 personnages qui ont réellement existé et qui ont marqué l’histoire du lien entre les deux pays.

Il faut donc attendre un peu pour plonger dans la partie purement fictionnelle sur les pas de Lily, jeune irlandaise partie tenter sa chance en Amérique en 1845, et que l’on retrouve 16 ans plus tard, en pleine guerre de sécession. La première d’une lignée de personnages féminins qui marchent sur ce fil invisible entre les Etats-Unis et l’Irlande, 4 générations de femmes qui verront tomber les hommes des deux côtés de l’Atlantique. Lily, Emily, Lottie, Hannah. Au fil de l’histoire on retrouve les personnages de la première partie:  c’est sous l’impulsion de Douglass que Lily a quitté Cove pour New-York, Emily et Lottie ont couvert le départ d’Alcock et Brown lors de leur traversée de l’Atlantique… La petite histoire et la grande histoire se mêlent inextricablement au fil des pages. J’ai regretté que cette 2ème partie ne soit pas plus longue, j’aurais aimé accompagner un peu plus longtemps ces personnages féminins. Mais malgré ce petit bémol Transatlantic reste un roman étonnant et riche, une saga familiale atypique, servie par une écriture flamboyante, qui brode avec délicatesse sur le thème du lien.

Transatlantic de Colum McCann, éditions 10/18, septembre 2014, 360 pages – Note/4 etoiles
Vous pouvez retrouver la biographie de McCann sur le site des éditions 10/18

[Roman] L’héritage – Katherine Webb

l-heritage-katherine-webb1902, Caroline, jeune New-Yorkaise de bonne famille, tombe amoureuse de Corin, un éleveur de bétail qui s’est installé dans l’Ouest. Ils se marient rapidement mais les conditions difficiles de sa nouvelle vie, bien loin du confort new-yorkais, ses problèmes pour avoir un enfant, la cohabitation craintive  avec les employés indiens du ranch, et sa solitude dans ces espaces sauvages vont progressivement avoir raison de la santé mentale et physique de Caroline.

De nos jours. Les arrière-petites-filles de Caroline, Beth et Erika, reviennent s’installer dans le  manoir anglais dont elles viennent d’hériter à la mort de leur grand-mère Meredith. Mais le souvenir de leur cousin Henry, mystérieusement disparu 23 ans plus tôt lors de vacances au manoir continue de les hanter. Erika est persuadée que l’état dépressif de sa soeur date de cette époque et qu’elle cache quelque chose à propos de la disparition d’Henry.

Voilà longtemps que je voulais découvrir l’œuvre de Katherine Webb, jeune romancière anglaise devenue en quelques années une référence en matière de sagas familiales. J’ai choisi ce titre un peu par hasard (c’était le seul disponible dans ma bibliothèque), et il se trouve que L’héritage est son tout premier roman.

Le livre s’ouvre en 1905, sur une scène percutante: Caroline y abandonne un jeune enfant nu, enveloppé dans une taie d’oreiller brodée d’iris jaunes (la précision aura son importance), à proximité d’un camp de gens du voyage. Qui est cet enfant? Pourquoi l’abandonne-t-elle?  Le reste du roman s’emploie à raconter les trois années qui ont précédé cette tragédie, entre New York, le grand Ouest Américain et un vieux manoir anglais. En contrepoint il y a l’histoire de Beth et Erika, où là aussi il est question d’un enfant, disparu au cours d’une après-midi de jeux avec ses cousines. Deux lourds secrets de famille, d’un siècle à l’autre, qui se répondent et finiront par se rejoindre, Erika cherchant à savoir ce qu’est devenu l’enfant inconnu découvert sur une vieille photo de famille. L’héritage c’est à la fois le manoir, mais surtout ces secrets, ces douleurs que l’on se transmet d’une génération à l’autre, une ligne funeste qu’Erika va tenter de briser pour sauver sa soeur dépressive… J’ai bien aimé l’alternance entre les deux époques (Katherine Webb en a un peu fait son fonds de commerce puisqu’elle use du même procédé dans deux autres romans, Pressentiments et A la claire rivière). J’ai cependant préféré la partie mettant en scène Caroline, j’ai trouvé celle concernant Beth et Erika un peu paresseuse et redondante (l’auteur revient sans arrêt sur la dépression de Beth), le rythme s’en ressent. Mais on continue à tourner les pages parce qu’on meurt d’envie de savoir ce qui s’est passé… Le double dénouement sera à la fois tragique et amer. Malgré quelques réserves, si comme moi vous êtes amateur de sagas familiales, ce roman devrait vous combler!

Traduction par Sylvie Schneiter. Première édition française chez Belfond (2011). Disponible en poche chez Pocket (2013) – 523 pages. 3 etoiles

[Roman] Une symphonie américaine – Alex George

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A Hanovre au tout début du XXe, Frederick Meisenheimer séduit Jette grâce à sa voix de baryton, mais la famille de la jeune femme ne voit pas leur relation d’un bon oeil. Alors quand Jette tombe enceinte les deux amoureux au physique atypique s’enfuient vers une vie nouvelle et embarquent pour l’Amérique, subtilisant avant de partir une médaille militaire d’une grande valeur appartenant à la famille de Jette. Une fois aux Etats-Unis le hasard les conduit à s’installer à Beatrice, une petite ville du Missouri où vit déjà une forte communauté allemande. C’est là que va naître Joseph…

 Tous les descendants de Frederick vont vivre dans l’ombre de ce grand-père venu d’allemagne, qui voulait s’intégrer à tout prix dans sa nouvelle patrie, devenir A good american (c’est le titre original de ce roman qui est à mon avis plus représentatif que le titre français). On y suit pendant plus d’un siècle la vie quotidienne de la famille Meisenheimer, dans laquelle on se transmet l’amour de la musique, mais aussi le bar acheté par Frederick, qui va s’adapter au fur et à mesure aux changements d’époques. Et puis il y a cette médaille militaire emportée d’Allemagne, dont le vol fait figure de faute originelle. Est ce à cause de cette mauvaise action que la famille sera particulièrement marquée par les drames de la vie?

Chaque génération a ses personnages forts, Joseph et ses sérénades silencieuses (parce que suite à un choc affectif le stress l’empêche de chanter), Rosa la tante hypocondriaque,  les jumeaux survoltés Teddy et Franklin (nommés ainsi en l’honneur des présidents américains), et puis James, le narrateur, qui mettra à jour un douloureux secret de famille, sur lequel se referme le livre. Une symphonie américaine est le portrait d’une famille mais c’est aussi celui d’une petite ville américaine, et les personnages qui gravitent autour de la famille Meisenheimer ne sont pas moins intéressants, Lomax, Morrie, Magnus font partie de ces personnages qui marquent un lecteur… Et puis c’est aussi l’histoire d’un pays, car à Beatrice  résonne l’écho de tout ce qui agite les Etats-Unis et le monde au cours du XXème siècle: les 2 guerres mondiales, la prohibition, le krach boursier de 1929, la ségrégation, la guerre de Corée, celle du Vietnam, l’assassinat de Kennedy… Même si à vouloir trop en dire l’auteur survole parfois un peu les choses, c’est une belle saga familiale avec laquelle j’ai vraiment passé un très bon moment.

Une symphonie américaine, novembre 2014, Belfond, 390 pages – Note/4 etoiles

Une symphonie américaine

[Roman] Retour à Little Wing – Nickolas Butler

retour a little wingPour la 4ème année consécutive je participe aux matchs de la rentrée littéraire organisés par Price Minister. Après Le Pacte des vierges en 2011, Une place à prendre en 2012, Esprit d’hiver en 2013, j’ai choisi de recevoir cette année Retour à Little Wing.

Hank, Ronny, Lee et Kip n’ont pas grand chose en commun si ce n’est d’avoir grandi ensemble à Little Wing, une petite ville du Midwest américain. Lee est devenu un musicien et chanteur célèbre sous le pseudo de Corvin et parcourt les scènes du monde entier. Kip a fait fortune en devenant trader à Chicago. Ronny a été champion de rodéo avant que son addiction à l’alcool et un mauvais choc à la tête ne mettent fin à sa carrière. Hank, le pilier de la bande, a fait ce que tout le monde attendait de lui, il a eu 2 enfants avec Beth, son amour de jeunesse, et a repris la ferme familiale. Bien qu’ayant pris des routes radicalement différentes, ils sont restés amis, malgré le temps qui passe, l’éloignement, la célébrité, l’argent. Mais de petites en grandes trahisons, leurs liens vont se révéler plus fragiles qu’ils ne le pensaient.

Retour à Little Wing est un roman polyphonique dans lequel chaque personnage va prendre la parole à tour de rôle (Hank, Ronny, Lee, Kip, mais aussi Beth, la femme de Hank). C’est un livre doux-amer sur les aspirations de quelques trentenaires, et à travers eux peut-être d’une génération un peu perdue, toujours insatisfaite, qui semble toujours courir après quelque chose. Tout le monde envie Lee, qui a l’argent et le succès, alors que lui jalouse pourtant la vie simple de Hank et le couple solide qu’il forme avec Beth. Malgré sa réussite Kip aspire toujours à la reconnaissance de ses amis et de la communauté de Little Wing, au point de se ruiner pour acheter le vieux silo de son enfance pour en faire le coeur commercial de la ville. C’est une histoire d’amitié, de rêves, d’espoirs, de confiance, de jalousie, de fêlures… Une histoire dans laquelle il ne se passe finalement pas grand chose si ce n’est la vie, et c’est déjà pas mal. Même si le rythme est un peu monotone et que le propos manque parfois d’aspérités et de rudesse, j’ai beaucoup aimé faire un bout de chemin avec ces personnages fort attachants.

Retour à Little Wing de Nickolas Butler, 445 pages, éditions Autrement, août 2014

 

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[Roman] 22/11/63 – Stephen King

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La vie de Jake Epping, professeur d’anglais dans le Maine en 2011, bascule lorsqu’il découvre au fond du restaurant de son ami Al un passage vers l’année 1958. Gravement malade Al ne peut plus accomplir son grand projet, empêcher l’assassinat de Kennedy et modifier ainsi le cours de l’Histoire mondiale. Jake va donc le remplacer et passer 5 ans dans le passé, jusqu’au 22 novembre 1963. Mais le passé est tenace et va tout faire pour empêcher Jake de changer les évènements.

Stephen King revisite ici de façon brillante le thème du voyage dans le temps (qui est je l’avoue l’un de mes thèmes préférés, que ce soit en littérature ou au cinéma) et le décalage entre les années 60 et les années 2010 offre évidemment pas mal de pistes à exploiter, que ce soit du point de vue technologique, de l’environnement, de la place des femmes dans la société ou de la ségrégation. Mais 22/11/63 est surtout une enquête extrêmement fouillée sur l’assassinat de Kennedy: pendant de longs mois Jake va observer Lee Harvey Oswald, s’immiscer dans sa vie, pour comprendre comment le jeune homme en est arrivé à fomenter cet assassinat, et surtout (question qui taraude les américains depuis plus de 50 ans), s’il a agit seul. Jake, petit professeur d’anglais lambda va se transformer en héros anonyme et va tenter au péril de sa vie de modifier le cours de l’histoire mondiale mais aussi la destinée de certains de ses proches. Pendant plus de 1000 pages on s’attache aux pas de cet homme ordinaire placé dans une situation extraordinaire, et qui va être confronté à des choix de plus en plus cruels d’autant qu’il va progressivement trouver sa place dans le passé, travailler, tomber amoureux… Jusqu’où sera-t-il prêt à aller, quels sacrifices sera-t-il prêt à accomplir pour sauver Kennedy ? Je n’avais pas lu Stephen King depuis mon adolescence je crois, et j’ai été ravie de le redécouvrir à travers cet excellent roman.

22/11/63  de Stephen King, 1056 pages, éditions Le livre de poche, octobre 2014, 9,90€ sur Amazon