Catégorie : Romans étrangers

[Roman] Esprit d’hiver – Laura Kasischke

esprit d'hiver

Comme chaque année Holly s’apprête à recevoir sa belle-famille et quelques amis pour le repas de Noël. Mais cette fois rien ne se déroule comme d’habitude. Holly et son mari Eric  ont un peu abusé du lait de poule la veille au soir et ne se sont pas réveillés à temps ce matin, Eric est en retard pour aller chercher ses parents à l’aéroport, la neige menace la bonne organisation de la journée, et leur fille Tatiana, adoptée 13 ans plus tôt dans un orphelinat russe, semble quant à elle d’humeur belliqueuse. Et surtout depuis son réveil Holly a une petite phrase dans la tête qui la poursuit comme une obsession,  Quelque chose les avait suivis depuis la Russie jusque chez eux

Un nouveau roman de Laura Kasischke est toujours pour moi un évènement car elle est devenue au fil des années mon auteur fétiche. J’ai désormais lu presque toute son œuvre (à part Un oiseau blanc dans le blizzard) je vous ai d’ailleurs déjà parlé sur ce blog de Les revenants ou de La vie devant ses yeux (adapté au cinéma avec Uma Thurman dans le rôle principal).

Esprit d’hiver est un huis-clos glaçant qui tourne autour de la confrontation entre une mère et sa fille adolescente. Le récit alterne le moment présent – cette matinée de Noël où rien ne se passe comme prévu – et les souvenirs d’Holly, principalement ce voyage en Sibérie bien des années plus tôt pour aller chercher sa fille adoptive. Laura Kasischke arrive à créer une impalpable sensation de malaise tout au long du roman, sans qu’on arrive à savoir précisément d’où elle vient. La menace plane, chaque détail du quotidien devient une insupportable source d’angoisse: Un rôti qui cuit, un verre qui se casse, un téléphone qui sonne, la neige qui tombe suffisent à mettre les nerfs du lecteur à rude épreuve.

Holly, Eric et Tatiana forment la famille typique de la middle-class américaine telle qu’on l’imagine,  attachée aux convenances et aux traditions, aux apparences qu’il faut sauvegarder à tout prix, vivant dans le souci de toujours faire ce que l’on attend d’eux. Mais dès que l’on gratte un peu, le vernis craque: Les invités que finalement Holly n’aime pas vraiment, une lourde histoire familiale marquée par la maladie, une vocation frustrée d’écrivain…

Certains lecteurs  ont trouvé ce roman plat ou ennuyeux. Pour apprécier toute la dimension de ce roman, je crois qu’il faut d’abord accepter de s’ennuyer un peu, parce qu’effectivement il ne s’y passe rien ou presque. La récompense c’est la chute, vertigineuse, poignante, qui remet en perspective tout le roman.  Thriller psychologique, drame familial, récit fantastique, Esprit d’hiver est un roman étouffant, oppressant, suffoquant, avec cette idée sous-jacente, qui revient dans tous les romans de Kasischke, que chacun est responsable de son destin et de ses (mauvais) choix. Le style de Laura Kasischke exerce toujours sur moi la même fascination (Comment arrive-t-elle à en dire tant sur l’âme humaine avec une telle économie de moyens?) et ce  roman brillant confirme pour moi qu’elle est l’un des plus grands écrivains actuels.

Esprit d’hiver, éditions Bourgois août 2013, 276 pages – 5 étoiles
Lu dans le cadre des Matchs Littéraires de Priceminister. Ma note: 17/20

Challenge 50 états, 50 billets (Michigan)

Rentrée littéraire 2013 #2: La cravate, La reine de la baltique, Avoir un corps

2ème partie de mes lectures dans le cadre de l’opération « Rentrée littéraire – lecteurs VIP » du site Entrée Livre (vous pouvez retrouver la 1ère partie ici).

 

la cravate entree livreLa cravate de Milena Michiko Flasar (éditions de l’olivier, août 2013) – Note/4 etoiles

« Dans le parc, il était le seul salaryman. Dans le parc j’étais le seul hikikomori. Quelque chose clochait en nous. Lui aurait du être dans son bureau, dans l’un des grands immeubles; et moi j’aurais du être dans ma chambre, assis entre mes quatre murs. Nous n’aurions pas du nous trouver ici, ou du moins faire comme si c’était notre place ».

Deux japonais se retrouvent chaque jour dans un parc. L’un est un salaryman, un employé d’une cinquantaine d’années qui déballe chaque jour le bento préparé par sa femme à laquelle il n’ose pas avouer qu’il a perdu son emploi. L’autre est un hikikomori, selon un terme japonais qui désigne ces jeunes qui se coupent du monde en s’enfermant pendant des mois. Ces deux hommes vont se confier l’un à l’autre, remonter le fil de leurs vies respectives pour comprendre comment ils en sont arrivés là.  L’un se raccroche désespérément à une promesse faite à sa femme au début de leur mariage, une promesse qui leur a permis de continuer à vivre après une terrible épreuve. Le plus jeune se sent coupable des  tentatives de suicide de deux de ses amis.

J’ai été émue par les confidences de ces deux hommes, par la relation qui se noue entre ces deux solitudes, par l’écho que chacun trouve dans le regard de l’autre malgré leurs différences. Un livre court, très bien écrit, d’une intensité et d’une délicatesse rare, qui m’a beaucoup touché. Avec Daffodil Silver, c’est le titre que j’ai préféré dans cette sélection.

Retrouvez mon avis plus détaillé sur Entrée Livre. C’est aussi un livre voyageur, si vous avez envie qu’il fasse une escale chez vous envoyez moi un petit mail 😉 (Offre réservée aux blogueurs et/ou lecteurs que je connais déjà un peu).
Challenge Petit Bac (Catégorie Objet)
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avoir un corpsAvoir un corps de Brigitte Giraud (Stock, août 2013) – 1 etoile

Un roman qui suit une jeune femme uniquement à travers l’histoire de son corps, ses sensations.  On est ici plutôt dans l’exercice de style, ce qui m’a vite agacée,  et l’écriture m’a rebutée, les paragraphes très courts,  les anecdotes sans intérêt qui s’enchaînent… Ce livre n’est pour moi qu’un collage de sensations qui ne laisse aucune place à l’émotion et au plaisir de lecture.  Le seul livre de la sélection que j’ai fini par abandonner.

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Challenge Petit Bac (Catégorie Partie du corps)

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la reine de la baltique entree livreLa reine de la baltique de Viveca Sten (Albin Michel, septembre 2013) – 3 etoiles

En pleine saison touristique le corps d’un homme est retrouvé sur une plage de l’ile de Sandhamn. Est ce un suicide, un accident, un meurtre? Quand une femme est assassinée peu de temps après dans un petit hôtel de l’île, le doute n’est plus permis, il y a un tueur sur l’île.

On suit d’un côté l’enquête menée par Thomas Andreasson, et de l’autre Nora, son amie d’enfance, juriste en vacances sur l’île, mère de deux enfants, qui va jouer bien malgré elle un rôle dans la résolution de l’énigme. J’ai bien aimé cette alternance de deux points de vue différents qui permet d’apporter un certain rythme à l’histoire, ainsi que le décor de ce roman situé à Sandhman, dans l’archipel de Stockholm, où beaucoup de Suédois vont passer leurs vacances. Sinon c’est un polar plutôt classique, agréable à lire mais sans surprise.  A priori il s’agit du premier tome d’une série.

Retrouvez mon avis plus détaillé sur Entrée Livre.
Challenge Petit Bac (Catégorie Lieu)

Avec ces trois titres je dépasse le 1% de cette rentrée littéraire pour le Challenge lancé par Hérisson (j’ai lu 8 titres pour l’instant). En route pour le 2%?

[Roman] Ce qui restera de nous – Mark Gartside

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1985, sous l’ère Thatcher, le jeune Graham rencontre Charlotte, il est fils d’ouvrier travailliste, elle est issue de la bourgeoisie conservatrice, autant dire qu’ils n’ont pas grand-chose en commun et que personne ne croit vraiment à leur histoire d’amour. 2010 : Graham élève désormais seul son fils de 15 ans, Michaël, mais entre eux le fossé ne cesse de se creuser, père et fils peinent à se comprendre. Depuis qu’il sort avec Carly, une fille des quartiers populaires, Michaël cumule les bêtises et les ennuis. Michaël lui, voudrait que son père le lâche un peu, et il l’inscrit à son insu sur un site de rencontres.

Le roman alterne les deux périodes, la jeunesse de Graham dans les années 1980, son histoire d’amour avec Charlotte, et l’époque actuelle (2010), dans une Angleterre qui a bien changé entre-temps, avec un arrière goût amer de crise et de violence. C’est moins l’histoire entre Charlotte et Graham (un peu trop “tire-larmes” à mon goût) que le sujet de la paternité qui m’a séduite dans ce livre.

Graham est loin d’être un super héros, c’est un type tout ce qu’il y a de plus banal, un petit comptable confronté quotidiennement à ses faiblesses et à ses petites lâchetés. Il a parfois oublié les principes que lui a inculqué son père, ses convictions sociales, pour mieux se protéger notamment dans sa vie professionnelle. Des choix que son père considère comme une trahison, au point de refuser toute nourriture achetée par Graham (avec son argent “sale”) et de débarquer systématiquement chez son fils avec sa propre bière et ses sandwichs. Tout au long du roman se déploie ainsi en parallèle la relation pittoresque de Graham avec son père, et celle qu’il entretient désormais avec son fils.

Même s’il est finalement assez classique, Ce qui restera de nous est un joli livre sur la paternité, sensible et émouvant. J’ai été particulièrement touchée par un passage dans lequel Graham tente de défendre son fils face à de petits voyous qui le harcèlent, et qu’il recule, terrassé par la peur. Quel modèle un père doit-il donner à son fils ? Quelles valeurs doit il lui transmettre ? Qu’est ce qu’être un homme? A défaut d’être le plus fort, peut-être est ce simplement être en accord avec soi-même et savoir admettre ses faiblesses. Et en retrouvant son fils, Graham se trouvera aussi lui-même.

Mention spéciale au titre que j’aime beaucoup, tiré d’un poème de Philip Larkin : “Ce qui restera de nous, c’est l’amour“.

A lire aussi l’avis de Laure.
Belfond 2013, 429 pages, traduction d’Isabelle D. Philippe – Note/4 etoiles

[Roman] Demain est un autre jour – Lori Nelson Spielman

demain est un autre jour

Brett entretenait une relation fusionnelle avec sa mère, qui vient de décéder. Mais à la surprise générale c’est sa belle-sœur Catherine qui hérite de la florissante entreprise familiale, et elle a ordre de renvoyer Brett sur le champ.  Si ses deux frères touchent eux aussi leur part d’héritage, Brett ne reçoit elle qu’une vieille liste qu’elle avait rédigée à 14 ans, avec les objectifs qu’elle se fixait pour sa vie future : Avoir un bébé, adopter un chien, devenir prof, aider les gens dans le besoin, rester amie avec Carrie Newsome pour toujours, acheter une maison, etc… 10 objectifs qu’elle a un an pour réaliser si elle veut toucher son héritage.

Si certains de ces objectifs semblent réalisables (adopter un chien ou un cheval), certains vont remettre totalement en cause ses choix de vie (devenir prof ou avoir un bébé) d’autres vont lui demander de dépasser ses peurs (Faire un spectacle ou se réconcilier avec son amie d’enfance). Tomber amoureuse est un objectif incompréhensible puisque Brett est déjà en couple avec un avocat prénommé Andrew. Quant à «avoir de bonnes relations avec son père» comment cela pourrait être possible puisque son père est mort !

Demain est un autre jour est avant tout une comédie romantique, l’amour étant le fil rouge de ce roman: Est ce qu’Andrew, le petit ami de Brett, est bien l’homme de sa vie? Se laissera t-elle plutôt séduire par Maître Midar, chargé de faire respecter les dernières volontés de sa mère ou par cet homme mystérieux qu’elle ne cesse de croiser?  C’est un roman chamallow, un peu trop sirupeux parfois (si vous êtes allergique aux bons sentiments mieux vaut passer votre chemin) et pas toujours très crédible, mais Brett est un personnage vraiment attachant.

J’ai beaucoup aimé l’idée de cette liste qui ressurgit et qui oblige notre héroïne qui avait choisi d’emprunter le chemin de la facilité plutôt que celui du bonheur,  à s’interroger sur les choix qu’elle a fait et à se remettre en question. Si ça n’a pas été un coup de cœur comme pour Stephie, j’ai quand même beaucoup apprécié cette lecture légère et originale, parfaite pour les vacances, qui nous invite à nous interroger aussi sur nos propres rêves.

Editions Le cherche Midi, 457 pages – Note/4 etoiles
Titre original The life list, traduction de Laura Derajinski.

 

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[Romance] La maison d’hôtes – Debbie Macomber

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Après le décès de son mari seulement un an après leur rencontre, Jo Mary décide de quitter son poste confortable dans une banque de Seattle  pour acheter une grande maison d’hôtes dans la petite ville de Cedar Cove. Son premier client est Josh, venu rendre une dernière visite à son beau-père avec qui il a toujours entretenu des relations conflictuelles, et qui va bientôt mourir. Sa deuxième  cliente est une jeune femme, Abby, qui doit assister au mariage de son frère. Originaire de Cedar Cove, elle n’était pas revenue dans sa ville natale depuis l’accident qui a coûté la vie à sa meilleure amie 10 ans auparavant.

Sorti en mars, La maison d’hôtes de Debbie Macomber est la 3ème publication des éditions Charleston, une toute nouvelle maison d’éditions née en janvier 2013 qui se positionne sur le créneau de la romance de bon goût.

On suit en parallèle les 3 histoires de Josh, d’Abby et de Jo Mary, qui ne font finalement que se croiser. J’ai été assez touchée par les parcours de Josh et d’Abby qui vont devoir se réconcilier avec leurs passés respectifs, et par les efforts de Jo Mary pour s’intégrer dans son nouvel environnement.  Mais la véritable héroïne de ce roman c’est indéniablement la « Villa Rose », cette maison d’hôtes accueillante et chaleureuse, qui sent bon les muffins, la cannelle et le feu de cheminée, un véritable refuge pour les âmes perdues et les cœurs brisés.

J’ai regretté parfois quelques platitudes (surtout en ce qui concerne la relation entre Jo Mary et Paul) ou quelques effets faciles (L’auteur fait parfois appel à un surnaturel pas toujours très subtil) mais j’ai globalement passé un joli moment avec ce livre. C’est un récit doux et réconfortant, léger et facile à lire, un vrai « roman doudou » avec lequel on a envie de se pelotonner sous la couette. J’ai été ravie de découvrir qu’il y aurait un 2ème tome,  Les anges se mettent à table à paraître en octobre 2013, dans lequel on retrouvera Jo Mary bien sûr, avec de nouveaux clients (La série comptera 6 tomes en tout). J’espère surtout que les frémissements d’une histoire entre Jo Mary et le ténébreux Mark se concrétiseront dans le prochain volume !

Vous pouvez télécharger gratuitement sur le site des éditions Charleston un prequel qui raconte la rencontre entre Jo Mary et Paul, une interview de l’auteur, ainsi qu’un extrait du livre.

La maison d’hôtes – retour à Cedar Cove de Debbie Macomber, éditions Charleston 2013, 395 pages  – Note/4 etoiles