Catégorie : 3 étoiles – A lire

La robe – Robert Alexis

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Dans une ville de garnison (on imagine qu’elle se situe quelque part à l’est de l’europe), à une période indéterminée (au début du
XXème siècle ?), un homme en piteux état entreprend de raconter son histoire à un inconnu : il y a quelques années, alors jeune officier, il rencontre Rosetta, une jeune femme
mystérieuse mais peu farouche. Elle va lui ouvrir les portes d’un monde insoupçonné où tombent tous les tabous, toutes les inhibitions.
Voilà un roman particulièrement troublant, dans lequel s’entrelacent les thèmes du désir, de la sexualité, de la perversion, mais aussi de la
manipulation et de la folie. Personnage touchant et ambigü, le narrateur devient la victime consentante d’un piège pervers… “La robe” est un texte dense et hors du temps, à l’atmosphère hypnotique, presque hallucinatoire, qui provoque à la fois fascination et malaise. Dommage que la fin ne soit pas vraiment à la
hauteur du reste du récit : on attend un final choc, une chute vertigineuse, on échafaude les hypothèses les plus folles… Mais malheureusement la conclusion est un peu
précipitée  et les dernières pages se révèlent sans grande surprise. Cela ne m’empêchera pas cependant de vous recommander ce livre surprenant, à l’écriture remarquable.
Editions José Corti 2006, 122 pages, 14,50€

Les coeurs solitaires – Cyril Pedrosa

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Jean-Paul travaille sans beaucoup d’enthousiasme dans l’entreprise familiale de jouets en bois. Etouffé par une mère envahissante et le souvenir vivace d’un père disparu, c’est un garçon timide et docile, désireux de plaire à tout le monde. Quand la pression devient trop forte, il part pourtant sans prévenir personne et embarque pour une croisière dédiée aux célibataires.

Le personnage principal est assez attachant, et le point fort de cet album est de rendre palpable l’extrême solitude de ce jeune homme pourtant très entouré. Mais j’ai trouvé que le scénario restait un peu à la surface des choses… L’épisode de la croisière, par exemple, s’attarde trop sur des personnages secondaires caricaturaux (notamment les aventures d’un animateur de séminaires d’entreprises très jaloux et de sa fiancée nymphomane). Je n’ai pas non plus été séduite par le dessin, moi qui aime les traits épurés et doux, je l’ai trouvé un peu sec. Les scènes de groupes sont très chargées, et même si elles visent à accentuer, par contraste, le sentiment de solitude du personnage, je les ai trouvées difficiles à décrypter. Malgré tous ces petits défauts, “Les coeurs solitaires”  reste un album intéressant et plutôt agréable à lire, mais qui m’a laissé sur ma faim.

Dupuis 2006, 56 pages, 9,80€
Les avis (plus enthousiastes) de Clarabel et d’ Elfe.
Vous pouvez aussi voir quelques planches ici

Du rêve pour les oufs – Faïza Guène

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Ahlème (“rêve” en arabe) a 24 ans et des aspirations de son âge, sortir avec ses copines, trouver le grand amour. Mais pas facile de trouver du temps pour soi quand on doit subvenir aux besoins d’un foyer, enchaîner les missions d’intérim, s’occuper d’un père qui a perdu la tête, et surveiller un petit frère de 15 ans fasciné par les petits caïds de la cité.

On retrouve ici la patte de “Kiffe-Kiffe demain” un rien assagi, un peu plus mature, une dose d’humour en moins contre un peu plus de mélancolie, une langue toujours aussi vivante mais qui a gagné en simplicité. L’auteur réussit à conserver beaucoup de légèreté et de fraîcheur dans ce roman qui puise pourtant dans des thèmes très lourds : les souvenirs d’Algérie et d’une mère assassinée, le triste destin d’un père qui n’est plus que l’ombre de lui même, la difficulté à trouver du boulot, l’argent facile de la cité trop tentant pour un adolescent, la carte de séjour à renouveler tous les 3 mois et le spectre de l’expulsion. Même s’il n’a pas l’originalité de “kiffe-kiffe demain”, “Du rêve pour les oufs” est un bon livre, dans lequel on retrouve avec beaucoup de plaisir ce style si personnel, ce ton sensible et tendre. Faïza Guène réussit en tous cas le pari difficile de rebondir après le succès fulgurant de son premier roman!

Hachette 2006, 210 pages, 16€

Ce que je sais d’elle – Béatrice Hammer

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Une
femme a disparu. Sa famille, ses amis, sa femme de ménage ou les commerçants de son quartier ont tous une explication différente sur cette disparition mystérieuse: enlèvement, meurtre ou
fuite volontaire ? Chacun y va aussi de son avis sur le caractère et l’existence de cette femme aux contours mouvants, mère et épouse aimantes pour certains, manipulatrice égocentrique pour
d’autres.

J’ai vraiment été enchantée par la plume de Béatrice Hammer : Avec une belle économie de moyens et beaucoup de fluidité,
elle se livre ici à un exercice de style audacieux: les courts monologues s’enchaînent, liés par un enquêteur quasi-invisible que l’on ne devine qu’à travers les réponses de ses interlocuteurs.
Les différents témoignages se complètent, se contredisent et composent le visage d’une femme aux multiples facettes. La disparue ne se révèlera jamais tout à fait au lecteur, et on ne garde
finalement en tête que l’extraordinaire complexité de ce personnage. “Ce que je sais d’elle” est moins l’histoire d’une disparition, qu’un roman sur les regards qui nous construisent… ou nous
détruisent. C’est en tous cas un récit charmant et intriguant, très agréable à lire !

Editions Arlea 2006, 143 pages, 15€
Le site officiel de l’auteur

Le cri – Laurent Graff


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Employé de péage, le narrateur assiste depuis quelque temps à un mal étrange qui décime la population. Ses collègues disparaissent un à un, et seuls quelques usagers empruntent
encore l’autoroute pour tenter de s’enfuir. Le narrateur vit désormais dans une attente entrecoupée de quelques rares rencontres, un gendarme, un couple d’auto-stoppeurs, ou une femme qui se
rend tous les jours au chevet de son mari et de son amant.
Dernier livre lu pour le prix Fnac ! C’est le vol du célèbre
tableau de Munch,  “le cri”, qui a inspiré ce roman à Laurent Graff. L’auteur mêle habilement humour et angoisse et nous entraîne dans cette ambiance irréelle de fin du monde avec
beaucoup de facilité et de simplicité. J’ai particulièrement aimé le côté absurde du récit: le peu d’angoisse que la situation semble générer chez les personnages, leur difficulté à abandonner
les codes habituels de la société (travail, uniforme, horaires…), le calme du narrateur pourtant confronté à l’incompréhensible. J’ai cependant été un peu déconcertée par la fin du livre, et
j’avoue que je ne suis pas sûre d’avoir saisi toutes les subtilités du dénouement. Malgré ce bémol, j’ai vraiment été séduite par ce récit étrange et original, par l’écriture et l’univers de
Laurent Graff , qui m’a un peu rappelé celui de Joël Egloff…
Le dilettante 2006, 121 pages, 14€