Catégorie : 3 étoiles – A lire

Le gout du chlore – Bastien Vivès


Sur les conseils de son kiné un jeune homme se met à fréquenter régulièrement la piscine municipale. Il y croise une jeune femme, et semaine après semaine,
entre deux longueurs, il tente de la séduire.

Le gout du chlore est presque une histoire sans paroles, s’attardant surtout sur des regards, des attitudes, des gestes. La discrétion des dialogues permet d’apprécier pleinement l’atmosphère particulière du lieu: le silence ouaté, le pouvoir enveloppant et apaisant de l’eau, la promiscuité des corps… Si j’ai vraiment été séduite par le dessin et l’ambiance de cet album, j’ai regretté en revanche le manque de consistance du scénario, et une fin “ouverte” qui laisse beaucoup de questions en suspens.


Sylvie, Enna, Juliann, Bel gazou, Cocola ont aimé, Laure et Florinette sont déçues par la fin, Finette est déroutée,  Rose n’a pas aimé.

KSTR 2009, 135 pages, 16€


A voir aussi le blog de
Bastien Vives

Les mémoires de Giorgione – Claude Chevreuil


1510, le peintre vénitien Giorgione, malade de la peste, est revenu dans son village natal de Castelfranco pour y mourir. Il écrit une longue lettre à l’un de ses élèves, Sebastiano Del Piombo, dans laquelle il revient sur sa vie: fils de modestes paysans, il a quitté très tôt sa famille pour s’installer à Venise et intégrer l’atelier du grand Bellini. Lors de ses années d’apprentissage, il rencontrera les plus grands artistes, fréquentera la noblesse italienne, et découvrira aussi les plaisirs de l’amour .

Bien plus que le portrait romancé d’un peintre, Les mémoires de Giorgione est aussi le récit d’une époque foisonnante, la renaissance italienne, et d’une ville, Venise,  en pleine ébullition artistique. Au cours de son existence brève mais intense (il est mort à 33 ans), Giorgione y rencontrera entre autres grandes figures Léonard de Vinci, Dürer ou Titien, qui fut son élève avant de s’affirmer comme son plus grand rival. Claude Chevreuil livre ici un texte dense et passionné, parfois un peu obscur pour le non-initié quand il aborde certains aspects techniques de la peinture. Mais en bon pédagogue il s’efforce le plus souvent d’alléger le propos, par exemple  en accordant une large place à la vie amoureuse du peintre, et le récit est finalement assez bien équilibré, à la fois instructif et divertissant. S’il vaut mieux être un amateur averti pour saisir toutes les subtilités du récit, ceux qui comme moi ne connaissent pas grand chose à la peinture passeront donc tout de même un bon moment avec ce roman!


Le livre de poche, 416 pages, 6,50€
Les avis de Praline et de Kepherton.

Le jeu de l’ange – Carlos Ruiz Zafon (Rentrée littéraire 2009)


Dans les années 20, le jeune David Martin travaille pour un journal de Barcelone, La vox de la Industria, mais rêve de devenir écrivain. Grâce au soutien du riche et influent Pedro Vidal, il se voit confier l’écriture d’un feuilleton hebdomadaire, qui lance sa carrière littéraire. Il signe alors un contrat avec un duo d’éditeurs, achète la maison dont il rêvait, une grande demeure mystérieuse et fascinante, et peut espérer séduire  enfin la jolie Cristina. Mais le rêve tourne vite au cauchemar, ses éditeurs lui imposant un rythme infernal… Alors qu’il est à bout de forces, un autre éditeur lui propose une forte somme d’argent en échange d’un ouvrage un peu spécial, rien de moins que le texte fondateur d’une nouvelle religion.

Contrairement à ce que j’avais pu lire ici ou là avant de me plonger dans ce roman, Le jeu de l’ange n’est pas du tout la suite de L’ombre du vent,même s’il existe une filiation entre ces deux livres (que je vous laisse le plaisir de découvrir) et si on y retrouve quelques ingrédients connus (comme le cimetière des livres oubliés). J’ai été plutôt séduite par le début du roman qui raconte l’ascension du jeune écrivain, et par l’atmosphère que l’auteur prend le temps d’installer: A 1000 lieux des clichés touristiques, Barcelone apparaît comme une ville mystérieuse et envoûtante, aux rues tortueuses et aux demeures inquiétantes, dans la grande tradition des romans gothiques. Dans cet univers très sombre, le vieux libraire Sempere ou la jeune Isabella apportent une bouffée d’air frais, et j’ai particulièrement aimé ces deux personnages magnifiques, aussi généreux et lumineux que David, papillon de nuit, peut être égocentrique et ténébreux. Malheureusement la suite du roman est plus laborieuse, s’éparpille un peu dans tous les sens, s’attarde sur l’ histoire d’amour peu convaincante entre David et Cristina, et finit par s’enliser dans la relation malsaine et semi-fantastique que David entretient avec son éditeur. Le jeu de l’ange n’est pas un mauvais livre, loin de là, mais n’est à mon avis pas à la hauteur de l’attente qu’avait suscité L’ombre du vent.

Robert Laffont 2009, 544 pages, 22€

(Merci à)


Pourquoi j’suis pas aux Maldives – Soledad Bravi


Pourquoi j’suis pas aux Maldives? est en fait un best of de deux B.D. publiées précédemment (La BD des paresseuses tome 1 et tome 2).  Soledad Bravi, dont les silhouettes longilignes sont bien connues,  pointe ici avec beaucoup d’humour toutes les contradictions de la gent féminine: Comment, entre autres, faire un régime tout en s’empiffrant de gâteau au chocolat, ou faire du sport sans se fatiguer…! Elle décortique sans pitié le quotidien au féminin sous toutes ses facettes: notre addiction au shopping et aux séries télé, notre sac à main toujours trop lourd, le boulot et les réunions inutiles du lundi matin, les vacances et les tenues de ski ridicules, sans oublier évidemment nos relations complexes avec les hommes. Ce n’est en général pas très flatteur, mais avouons le, c’est plutôt bien vu! L’ensemble est inégal, manque parfois un peu d’audace et d’originalité, mais ces petites tranches de vie légères et drôles restent très agréables à lire.

Marabout 2009, 82 pages, 9,90€


Les aimants – Jean Marc Parisis (Rentrée littéraire 2009)


C’était en juin, le dernier mois de mes vingt ans, dans une salle de cours, au rez-de-chaussée de la Sorbonne, avant le début d’un examen de version d’anglais. Elle s’est faufilée entre les tables, a tournoyé entre les premiers rangs, avant de ralentir, de se rappeler qu’on lui avait donné un nom, de se résoudre à le déchiffrer sur l’un des bristols qui recouvraient le trou des encriers. Elle a repris sa course, pour s’arrêter devant mon pupitre. Nos noms débutaient par la même lettre, nous étions réunis par l’alphabet.” C’est ainsi que  le narrateur rencontre la divine Ava, et tombe sous son charme, alors que la jeune fille se laisse plus difficilement séduire. Pendant plus de vingt ans ils entretiendront une relation complexe, tour à tour amis, amants, aimants.


La première partie de ce livre raconte une histoire d’amour assez classique entre un “Gatsby de banlieue” et une jolie Parisienne de bonne famille. L’auteur tente de nous faire partager le sel de cette relation, s’attarde sur le personnage d’Ava, terriblement séduisante mais toujours insaisissable. Quand la liaison amoureuse entre Ava et le narrateur enfin s’achève, commence une autre histoire, presque un autre livre, bien moins conventionnel et plus intéressant. D’amante, Ava devient amie et complice, et débarrassé du thème un peu encombrant des tourments de l’amour,  le style de l’auteur semble enfin se libérer, se déployer: “A mes proches je présentais Ava comme ” ma plus ancienne, ma plus fidèle amie”. Et parce qu’il m’amusait de la voir arrondir ses prunelles à la face du ciel, je ne manquais jamais d’ajouter en me tournant vers elle: eh oui tu te rends compte? Ca fait plus de vingt ans qu’on se connaît…”. Ava ne réalisait pas. Moi non plus. Ces vingt ans qui prenait trois secondes pour les dire et filaient en points de suspension, c’était finalement le bon rythme, la bonne ponctuation. Nos premiers mots prononcés à la Sorbonne n’en finissaient pas. Ava et moi: une phrase ininterrompue qui charriait gens, livres, voyages, aventures…Tous ces moments passés ensemble palpitaient encore dans l’onde de nos voix, de nos rires, à la terrasse des cafés, dans les rues, au bout du fil au milieu de la nuit. Nous aurons tout partagé, sauf des souvenirs. Les souvenirs c’était de la fausse monnaie, des hochets pour les mourants”. Et puis Ava disparaît, et le narrateur, privé de son ancre, semble partir à la dérive. Comment accepter d’être ainsi amputé d’une partie de lui même? Les 30 dernières pages sont d’une déchirante sincérité, bien loin du début du roman, qui m’avait paru un peu figé et étriqué. C’est finalement à travers la perte, la soudaine absence, qu’enfin on saisit pleinement le lien si particulier qui unissait Ava et le narrateur. Même si “Les aimants” ne révolutionnera pas la rentrée littéraire, il mérite un détour, juste pour ces quelques pages particulièrement touchantes.

Editions Stock 2009, 100 pages, 13,50€


Ce blog a décidé de s’associer à un projet ambitieux : chroniquer l’ensemble des romans de la
rentrée littéraire !

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