Catégorie : 3 étoiles – A lire

Pourquoi j’suis pas aux Maldives – Soledad Bravi


Pourquoi j’suis pas aux Maldives? est en fait un best of de deux B.D. publiées précédemment (La BD des paresseuses tome 1 et tome 2).  Soledad Bravi, dont les silhouettes longilignes sont bien connues,  pointe ici avec beaucoup d’humour toutes les contradictions de la gent féminine: Comment, entre autres, faire un régime tout en s’empiffrant de gâteau au chocolat, ou faire du sport sans se fatiguer…! Elle décortique sans pitié le quotidien au féminin sous toutes ses facettes: notre addiction au shopping et aux séries télé, notre sac à main toujours trop lourd, le boulot et les réunions inutiles du lundi matin, les vacances et les tenues de ski ridicules, sans oublier évidemment nos relations complexes avec les hommes. Ce n’est en général pas très flatteur, mais avouons le, c’est plutôt bien vu! L’ensemble est inégal, manque parfois un peu d’audace et d’originalité, mais ces petites tranches de vie légères et drôles restent très agréables à lire.

Marabout 2009, 82 pages, 9,90€


Les aimants – Jean Marc Parisis (Rentrée littéraire 2009)


C’était en juin, le dernier mois de mes vingt ans, dans une salle de cours, au rez-de-chaussée de la Sorbonne, avant le début d’un examen de version d’anglais. Elle s’est faufilée entre les tables, a tournoyé entre les premiers rangs, avant de ralentir, de se rappeler qu’on lui avait donné un nom, de se résoudre à le déchiffrer sur l’un des bristols qui recouvraient le trou des encriers. Elle a repris sa course, pour s’arrêter devant mon pupitre. Nos noms débutaient par la même lettre, nous étions réunis par l’alphabet.” C’est ainsi que  le narrateur rencontre la divine Ava, et tombe sous son charme, alors que la jeune fille se laisse plus difficilement séduire. Pendant plus de vingt ans ils entretiendront une relation complexe, tour à tour amis, amants, aimants.


La première partie de ce livre raconte une histoire d’amour assez classique entre un “Gatsby de banlieue” et une jolie Parisienne de bonne famille. L’auteur tente de nous faire partager le sel de cette relation, s’attarde sur le personnage d’Ava, terriblement séduisante mais toujours insaisissable. Quand la liaison amoureuse entre Ava et le narrateur enfin s’achève, commence une autre histoire, presque un autre livre, bien moins conventionnel et plus intéressant. D’amante, Ava devient amie et complice, et débarrassé du thème un peu encombrant des tourments de l’amour,  le style de l’auteur semble enfin se libérer, se déployer: “A mes proches je présentais Ava comme ” ma plus ancienne, ma plus fidèle amie”. Et parce qu’il m’amusait de la voir arrondir ses prunelles à la face du ciel, je ne manquais jamais d’ajouter en me tournant vers elle: eh oui tu te rends compte? Ca fait plus de vingt ans qu’on se connaît…”. Ava ne réalisait pas. Moi non plus. Ces vingt ans qui prenait trois secondes pour les dire et filaient en points de suspension, c’était finalement le bon rythme, la bonne ponctuation. Nos premiers mots prononcés à la Sorbonne n’en finissaient pas. Ava et moi: une phrase ininterrompue qui charriait gens, livres, voyages, aventures…Tous ces moments passés ensemble palpitaient encore dans l’onde de nos voix, de nos rires, à la terrasse des cafés, dans les rues, au bout du fil au milieu de la nuit. Nous aurons tout partagé, sauf des souvenirs. Les souvenirs c’était de la fausse monnaie, des hochets pour les mourants”. Et puis Ava disparaît, et le narrateur, privé de son ancre, semble partir à la dérive. Comment accepter d’être ainsi amputé d’une partie de lui même? Les 30 dernières pages sont d’une déchirante sincérité, bien loin du début du roman, qui m’avait paru un peu figé et étriqué. C’est finalement à travers la perte, la soudaine absence, qu’enfin on saisit pleinement le lien si particulier qui unissait Ava et le narrateur. Même si “Les aimants” ne révolutionnera pas la rentrée littéraire, il mérite un détour, juste pour ces quelques pages particulièrement touchantes.

Editions Stock 2009, 100 pages, 13,50€


Ce blog a décidé de s’associer à un projet ambitieux : chroniquer l’ensemble des romans de la
rentrée littéraire !

Vous retrouverez donc aussi cette chronique sur le site Chroniques de la rentrée littéraire qui regroupe l’ensemble des chroniques réalisées dans le cadre de l’opération. Pour en savoir plus c’est ici.


Le degré supreme de la tendresse – Héléna Marienske

Le degré supreme de la tendresse regroupe 8 nouvelles libertines, qui mettent successivement en scène une jeune marquise aux mœurs légères et à la langue bien pendue, une jolie banlieusarde prête à tout pour sortir de sa condition, un écrivain mégalo et violent attiré par les très jeunes filles, un rat trahi par trois de ses fidèles lieutenants et une charmante ratte, ou une jeune mariée qui ignore tout de l’anatomie masculine…  8 nouvelles écrites “à la manière de” Houellebecq, Gedeon Tallemant des Réaux, Céline, La Fontaine, Angot, Montaigne, Ravalec ou Perec.

Ne vous fiez pas à cette jolie bouche sensuelle et délicate, et à la quatrième de couverture qui annonce un menu erotico-littéraire et des pastiches malicieux, les huit nouvelles de ce recueil donnent plutôt dans la violence et le sordide, loin de l’érotisme léger et coquin auquel je m’attendais. Le titre, “Le degré suprême de la tendresse” est emprunté à Salvador Dali qui qualifiait ainsi le cannibalisme, je vous laisse donc imaginer la teneur de certaines scènes vraiment trash qui tournent autour de l’image récurrente de la castration… Si je n’ai pas été du tout séduite par le contenu donc, je trouve en revanche l’exercice de style assez réussi: Héléna Marienské parvient à se mettre dans la peau et dans la plume d’auteurs très différents, naviguant entre les styles et les époques avec une facilité déconcertante. Elle adopte aussi bien le ton désabusé et provocateur d’un Houellebecq que la gouaille
moderne de Vincent Ravalec, pastiche les fables de La Fontaine ou les réflexions torturées de Christine Angot, donne des conseils d’éducation sexuelle à l’intention des jeunes filles à la manière de Michel de Montaigne… Un patchwork étonnant, à réserver à un public (très) averti!

Le livre de poche 2009, 216 pages, 6€ (1ère édition 2008 chez Héloise d’Ormesson)

Une rencontre ratée pour Lou, Celsmoon a été écoeurée par l’histoire mais a apprécié l’écriture.

Les feuilles mortes – Thomas H. Cook


Propriétaire d’un magasin de photos dans une petite ville américaine, Eric Moore mène une vie tranquille avec sa femme Meredith et leur fils de 15 ans, Keith. Ce dernier joue parfois les baby-sitters pour des voisins. Ainsi un soir, il garde la jeune Amy, mais le lendemain matin, la petite fille est introuvable, et les soupçons de la police se portent aussitôt sur le fils d’Eric.

Après la stupéfaction, le doute va aussi faire son chemin chez Eric: cet adolescent solitaire et taciturne avec qui il n’arrive pas à communiquer n’est certes pas le fils dont il rêvait. Est ce que cela en fait un coupable pour autant? Puis insidieusement, comme la gangrène, le soupçon va grignoter la vie d’Eric, il se met à douter de tout et de tous, de sa femme, de lui même: Sa propre enfance lui revient en pleine figure, sous un éclairage nouveau qui lui laisse penser que toute sa vie pourrait n’être qu’une succession de mensonges… En ouvrant ce livre, je m’attendais clairement à un polar, mais ce n’est pas tout à fait le cas, on est ici plutôt dans le roman noir, très axé sur la psychologie du personnage principal. Contre toute attente, la disparition de la petite Amy n’est pas le point central du récit, mais plutôt un déclencheur: La prise de conscience d’Eric, sa souffrance, les sentiments confus qu’il éprouve envers ses proches sont le véritable moteur de ce roman. Même si cet aspect est intéressant, et le point de vue original, j’ai un peu regretté quand même le manque de consistance de l’enquête qui passe souvent au second plan, et qui réserve finalement peu de surprises.

Gallimard Série Noire, 275 pages, 22,50€

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A contretemps – Jean-Philippe Blondel


A 18 ans, Hugo quitte la maison familiale et une mère un peu envahissante pour suivre des études de lettres à Paris. Il  loue une chambre dans l’appartement de Jean Debat, un homme discret et taciturne qu’il ne fait que croiser entre deux portes. Hugo se trouve un job dans un bar, se crée un petit cercle d’amis parmi lesquels une libraire, Michelle, à qui il emprunte un jour un livre d’un certain Pascal Cami, intitulé “A contretemps”. Mais quand son logeur découvre ce roman dans son appartement, il est bouleversé, et il confie à Hugo qu’il en est l’auteur.

L’un sort de l’adolescence, c’est un lecteur insatiable qui se laisse un peu porter par les évènements, plein  d’incertitudes sur lui-même et sur le chemin qu’il veut prendre. L’autre a déjà vécu, et souffert, a cru trouver sa voie, a perdu dans la bataille ses rêves et ses illusions. Un livre va rapprocher ces deux êtres solitaires qui pensaient n’avoir rien en commun. Je ne peux pas dire que la relation entre Hugo et Jean ou leurs histoires respectives m’aient vraiment touchée mais comme d’habitude j’ai été sensible à la plume délicate et mélancolique de Blondel. On retrouve ici aussi l’habileté de l’auteur à établir une connivence avec le lecteur: c’est un roman qui  nous parle un peu de nous, notamment parce qu’il y est beaucoup question de livres, un moyen infaillible pour séduire une lectrice!  Je ne sais pas si je conseillerais ce roman à ceux qui voudraient découvrir Jean-Philippe Blondel (allez voir plutôt du côté d’Accès direct à la plage ou 1979), mais ceux qui aiment déjà cet auteur retrouveront ici avec beaucoup de plaisir un univers familier et attachant.


Robert Laffont 2009, 240 pages, 19€
Lu aussi par Clarabel, Amanda, Laurence