Catégorie : 4 étoiles – Recommandés

De l’eau pour les éléphants – Sara Gruen

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Jacob Jankowski a 90 ou 93 ans, il ne se souvient plus très bien. Quand un cirque s’installe sous les fenêtres de la maison de retraite dans laquelle il végète, il sort de sa torpeur et se souvient : Au début des années 30 il s’apprête à finir ses études de vétérinaire quand ses parents meurent brutalement, le laissant démuni tant financièrement que moralement. Il s’engage alors par hasard dans un cirque itinérant pour s’occuper des animaux.

Oui “De l’eau pour les éléphants” se passe bien dans le monde du cirque, mais ne vous attendez pas à retrouver les paillettes et la magie, les rires et les applaudissements, le roman ne fait que de très rares incursions du côté de la piste et du spectacle. Non ce sont les coulisses douteuses qui tiennent ici la vedette : les animaux maltraités, les hommes exploités, rarement payés, la misère quotidienne, la violence et la prostitution, voilà l’univers sordide que va découvrir Jacob. Tout ce petit monde traverse en train une Amérique dévastée par la crise de 1929 et ravagée par l’alcool frelaté qui passe entre les mailles de la prohibition. Pourtant, malgré les conditions misérables que dépeint ce roman, il nous réserve aussi des moments plus optimistes… C’est sur le fumier que poussent les plus belles fleurs et durant ces quelques mois, Jacob rencontrera aussi Marlène, la jolie écuyère, s’attachera aux animaux, notamment à Rosie l’éléphante, vivra de beaux moments d’amitié et de solidarité avec ses compagnons d’infortune. Et arrivé au crépuscule de sa vie, il nous livre ce récit emprunt de nostalgie.Avec son atmosphère unique et sa belle galerie de personnages (bien que parfois un peu manichéens),  “De l’eau pour les éléphants” est un road-movie très attachant!

Albin Michel 2007,  402 pages,  22€ [Traduction de Valérie Malfoy]
Les avis de Jules et de Joëlle

Moi, Fatty – Jerry Stahl

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Qui se souvient aujourd’hui de Roscoe Arbuckle qui fut pourtant en son temps
plus-célèbre-que-Chaplin” ? Après avoir fait très tôt ses premiers pas dans le musik-hall, son physique (qui lui vaudra le surnom de “Fatty”) et son talent comique lui ouvrent les
portes du cinéma muet. Il
connaît la gloire et la fortune, travaille avec Chaplin ou Keaton (qui resteront deux amis proches, même dans la tourmente). Mais au faîte de sa carrière il est accusé
du viol et du meurtre d’une jeune actrice, Virginia Rappe, et devient une cible de choix pour l’amérique puritaine.

 

En ce début de XXème siècle, le cinéma n’est encore qu’un genre mineur et méprisé, Hollywood n’en est qu’à ses
débuts,
et en toile de fond de l’histoire de Fatty, c’est vraiment une époque passionnante qui se
dessine au fil des pages!
Dans cette (auto)biographie romancée, Jerry Stahl se glisse dans la peau de
Roscoe, raconte son enfance terrible, entre une mère malade et un père alcoolique et violent.
Malgré
le succès, “Fatty” gardera une image de lui-même désastreuse, héritée de cette époque, et
toute sa vie
il n’aura de cesse de se détruire, se noyant dans l’alcool et les drogues. La deuxième partie du livre est déchirante : Eternel petit garçon terrorisé par son père, Roscoe voit dans le
public qui le conspue après l’avoir adulé un juste retour des choses, et retrouve presque avec soulagement l’écho familier de la haine que lui portait son père. Entre biographie et roman noir,
“Moi, Fatty” retrace à la fois les balbutiements de l’industrie du spectacle et un destin fascinant, celui du premier acteur dévoré par la machine hollywoodienne.

Rivages Thrillers 2007, 270 pages, 20€


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Uglies – Scott Westerfeld

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Tally attend impatiemment son anniversaire : le jour de ses 16 ans, comme tous les jeunes de son âge, elle pourra subir la grande opération qui la rendra belle, et qui lui permettra de quitter le monde des Uglies pour celui des Pretties. Les deux communautés sont bien séparées, et Tally n’aspire plus qu’à rejoindre le plus vite possible cet univers de fête permanente où tout le monde semble si beau et si heureux. Mais quelques semaines avant l’opération, elle rencontre Shay avec qui elle se lie d’amitié. Celle-ci lui révèle alors l’existence de La Fumée, un camp de rebelles qui ont fui la ville pour échapper à l’opération.

Scott Westerfeld nous plonge ici dans un futur glaçant, un univers aseptisé dans lequel la beauté et le bonheur sont obligatoires, une dictature de l’apparence où l’uniformisation est la règle. Tally va progressivement ouvrir les yeux sur le monde dans lequel elle vit, découvrir comment elle a été manipulée, mais il sera difficile pour elle de remettre en question toutes ses certitudes. Après un début un peu mou, on se laisse embarqués dans ce récit rythmé et très visuel (courses-poursuites en planche magnétique ou sauts dans le vide grâce à des gilets de sustentation). Un premier tome efficace et accrocheur dont la fin m’a laissé un rien frustrée, si j’avais eu le deuxième volume sous la main je l’aurais commencé de suite !

Pocket jeunesse 2007, 432 pages, 13,50€
3 tomes sortis à ce jour: Tome 2: Pretties
& Tome 3: Specials

Les vivants et les ombres – Diane Meur (Rentrée littéraire 2007)

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En Galicie, une terre polonaise désormais sous domination autrichienne, une vaste demeure raconte la vie de ses habitants sur plus d’un
demi-siècle. En 1820, Jozef Zemka devient l’intendant du domaine qui appartenait autrefois à sa famille. Bien décidé à récupérer la terre de ses ancêtres, il parvient à ses fins en séduisant
et en épousant la jeune fille de la maison, la douce et naïve Clara. De cette union naîtront cinq filles, au grand dam de Jozef qui souhaitait un héritier.

Ce pavé de 700 pages demande un peu de temps et de concentration: Il y a d’abord un contexte politique et historique assez complexe, mais aussi
un style très riche, et une rigueur qui donne à ce roman des allures de classique. Au cours de ma lecture j’ai souvent pensé à
Dans
la main du diable
d’Anne-Marie Garat, mais alors que j’avais
abandonné le Garat
, le livre de Diane Meur a ce petit truc en plus qui m’a donné envie d’aller jusqu’au bout. J’ai aimé l’ambiguïté de l’atmosphère et du lieu (
cette demeure où se déroule presque tout le roman), à la fois cocon protégé du fracas du monde et huis clos
étouffant
. L’idée de confier la narration à la maison peut paraitre saugrenue mais cela se fait de manière très naturelle et apporte
finalement une vraie profondeur à l’histoire. Elle nous guide dans le labyrinthe des sentiments humains, s’attarde surtout sur les femmes qui habitent en son sein, Clara, ses cinq filles, puis sa
petite fille Tessa. Promises à une même vie terne et étriquée, elles auront toutes un destin très différent et échapperont
à
l’influence du patriarche Jozef grâce à
la passion, la religion, la fuite ou même la mort. Il y a bien quelques longueurs ici et là, mais
Les vivants et les ombres est vraiment une belle fresque familiale, très ambitieuse.

2007, éditions Sabine Wespieser, 711 pages, 29€

Compartiment pour dames – Anita Nair

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Tout vient à point à qui sait attendre, je rends enfin ma copie pour le club de lecture des bloggeuses!

Depuis la mort de son père, Akhila s’est entièrement consacrée au bien-être de sa famille et ne s’est jamais mariée. A 45 ans elle souhaiterait
enfin prendre son envol, mais se heurte à la forte désapprobation de sa sœur, et d’une société indienne qui considère qu’une femme ne peut pas vivre seule. Pour réfléchir à sa situation, elle
part quelques jours dans le sud de l’Inde. Dans le train, elle partage un compartiment avec cinq autres femmes qui vont lui confier leurs propres histoires.

C’est la vie d’Akhila qui sert de fil conducteur au récit, entrecoupée par les témoignages de ses cinq compagnes de voyage. Des femmes
d’âges et de conditions différentes, mariées ou non, qui racontent leur quotidien, leurs drames, la difficulté à concilier le poids des traditions et leurs propres désirs.
Une adolescente confrontée à la mort de sa grand-mère, une femme qui se rend compte à quel point elle déteste son mari, une autre qui se réconcilie avec son
corps grâce à la natation…
Au-delà du thème de l’indépendance, toutes évoquent à leur façon et avec beaucoup de délicatesse
leurs relations avec les hommes,  la séduction, le rapport au corps et la sexualité. Les récits sont tous très différents et vont crescendo, le dernier témoignage étant sans
conteste celui qui a la plus forte dimension dramatique. J’ai un peu regretté que ce livre se présente finalement plus comme une succession de nouvelles que comme un roman à part
entière: j’imaginais qu’un véritable lien allait se créer entre les voyageuses, mais elles ne font finalement que se croiser… Malgré ce petit bémol, j’ai beaucoup aimé ces quelques portraits de
femmes qui dressent un tableau peu reluisant de la condition féminine en Inde.

Picquier poche 2004, 9,50€, 449 pages

***


Retrouvez tous les commentaires des participantes sur le blog de Sylire [Dommage
qu’aucun bloggeur ne se soit prêté au jeu, j’aurais bien aimé lire un avis masculin sur ce roman !]

Le prochain rdv du club de lecture: La vierge froide et autres racontars de Jorn Riel, à lire pour le 1er janvier.