Catégorie : 4 étoiles – Recommandés

Oh les filles! Emmanuel Lepage & Sophie Michel

Tome 1:
Tome 2:



Cette B.D en deux tomes s’ouvre sur la naissance de trois petites filles: Leïla naît dans un pays du Maghreb, son père travaille en France où sa famille le rejoindra quelques années plus tard. La mère de Chloé, elle, accouche seule dans une maternité parisienne, son compagnon l’a quittée. Quant à Agnès, elle naît dans une famille aisée, mais sa mère se désintéresse d’elle dès sa naissance, et la confie très vite à une nounou… 5 ans, 6 ans, 9 ans, 12 ans, 15 ans, on retrouve Chloé, Leïla et Agnès, devenues amies, à des moments clés de leurs vies.


Issues de milieux sociaux très différents, chacune avec une histoire familiale particulière, ces trois petites filles construisent au fil des années une amitié riche de leurs différences. Il y a des rires, des larmes, des confidences, de la jalousie aussi parfois, de la complicité toujours. J’ai vraiment beaucoup aimé le premier volume qui rend à merveille la fragilité de l’enfance, et la tendresse d’un univers presque exclusivement féminin, ici les hommes, les pères, ne font que passer. Au fil des pages on voit grandir ces trois poulettes, chacune avec ses espoirs, ses rêves (Chloé veut devenir danseuse) et ses tempêtes:  Leïla perdra sa mère très jeune, tandis qu’Agnès tente désespérément de gagner l’affection de la sienne. L’histoire est classique, assez prévisible même, ce qui n’empêche pas les personnages d’être vraiment très attachants.


J’ai été en revanche un peu déçue par le deuxième volume, tant par le dessin, qui se fait plus dur, que par le scénario: Les trois amies abordent les rivages difficiles de l’adolescence, il y a la puberté, les premiers amoureux, l’éveil à la sexualité, les révoltes aussi. Mais il est bien difficile de rendre compte de la richesse et de la complexité de l’adolescence, et à trop vouloir aborder ce thème sous tous ses angles, j’ai trouvé que l’histoire s’éparpillait et perdait un peu de son intérêt, c’est dommage. Malgré un deuxième volume un peu en dessous, Oh les filles reste quand même une jolie B.D sur l’amitié entre filles.


Tome 1: Editions Futuropolis 2008, 62 pages, 15€. Lu aussi par Finette.
Tome 2: Editions Futuropolis 2009, 63 pages, 15€

Les exilés du Tsar (Terre Noire, tome 1) – Michel Honaker


En 1887, le jeune compositeur et musicien Stepan Tchakarov présente son premier ballet à Saint Petersbourg, en présence du Tsar lui-même. Une belle revanche pour cet orphelin qui fut adopté par une riche aristocrate russe mais a toujours été rejeté  par sa nouvelle famille. Son frère et l’époux machiavélique d’une de ses soeurs complotent d’ailleurs afin de ruiner sa carrière naissante, et de lui reprendre le domaine de Terre-Noire dont il a hérité. Seule sa jeune soeur adoptive Natalia, pour qui il épouve des sentiments très forts, tente de le défendre contre les siens. Mais peu prudent dans ses amitiés, Stepan est accusé de faire partie d’un groupe de révolutionnaires qui menace le tsar, et doit s’enfuir, loin de la Russie et de Natalia.

Cette trilogie est parue une première fois il y a une quinzaine d’années sous le titre  Le chevalier de Terre Noire, mais Michel Honaker, peu satisfait des choix et des coupes qu’il avait du faire à l’époque, a souhaité remanier son texte. C’est donc une nouvelle version, revue et corrigée, qui est désormais disponible dans les librairies. Les exilés du Tsar , premier volume de cette trilogie, est un livre incroyablement riche et maitrisé, qui  commence dans les paysages enneigés de la Russie et la terre noire d’Ukraine, avant de  nous faire voyager dans la France ou l’Italie du XIXe. C’est un vrai et beau récit d’aventures, intensément romanesque, une histoire tragique de jalousie, de haine, de trahison et de vengeance… Avec dans ce premier tome les prémices d’un amour contrarié entre Stepan et Natalia, que j’espère (mais je n’en doute pas) voir se développer dans les prochains tomes. Et puis un beau musicien russe, ça nous change un peu des vampires! Un premier volume en tous cas très prometteur, je suis impatiente de lire la suite.


Flammarion 2009, 263 pages, 13€
Clelie, Midola, Marie, Bauchette et Pauline sont enthousiastes,  Laloula est plus mitigée.

Moi vivant, vous n’aurez jamais de pauses, ou comment j’ai cru devenir libraire – Leslie Plée

En 2005 Leslie Plée décroche un poste de libraire dans “une grande surface de produits culturels” (Cultura pour ne pas la nommer) à Rennes. Mais la jeune diplômée va aller de désillusions en désillusions: Le poste n’a d’abord pas grand chose à voir avec les fonctions d’un libraire (elle étiquette des crayons à tour de bras ou nettoie les étagères avec du papier toilette). Les conditions de travail sont  difficiles,  les clients impatients et exigeants, et entre collègues c’est en général le règne du chacun pour soi.  Quant aux cadres, issus d’écoles de commerce,  ils pratiquent un management agressif et cynique, et  considèrent que le livre est un produit de consommation comme les autres (Et là mon petit cœur de lectrice frémit).

Leslie Plée a choisi l’humour pour dénoncer une réalité sociale et culturelle révoltante, et elle rapporte avec une ironie grinçante des anecdotes plus ubuesques les unes que les autres. C’est souvent drôle bien sur, mais aussi  touchant quand elle évoque  son mal être et ses illusions sacrifiées sur l’autel du profit et de la bêtise.  Écœurée, la jeune femme jettera finalement l’éponge au bout d’un an, et démissionnera pour se consacrer au dessin: A quelque chose malheur est bon!

Editions Jean-Claude Gawsewitch 2009, 91 pages, 15€
Lu par Laure, Cachou, Michel, Emeraude, Clarabel, Levraoueg, GeorgeLael

La rafale des tambours – Carol Ann Lee (Rentrée littéraire 2009)

A la veille de la première guerre mondiale Ted présente sa fiancée à Alex, son meilleur ami. Mais entre Clare et Alex c’est le coup de foudre, immédiat, intense, absolu. Quand la guerre éclate les trois jeunes gens partent séparément pour la France: Clare comme infirmière, Alex comme correspondant de guerre, tandis que Ted part combattre dans les tranchées. Malgré la guerre et l’affection qu’ils portent tous deux à Ted, Clare et Alex entament une relation passionnée et chaotique.

Ce résumé ne rend vraiment pas justice au roman, car bien plus que l’histoire d’amour entre Clare et Alex, c’est bien la grande guerre qui est au cœur de ce livre. Les différents points de vue des personnages permettent de l’aborder sous tous ses angles: Dans des hôpitaux de fortune Clare accueille les victimes de cette gigantesque boucherie, des jeunes hommes ravagés, littéralement en morceaux, les aidant à mourir plus souvent qu’elle ne les soigne. Alex lui fréquente les états-majors et  les officiers, se heurtant sans cesse à la censure, les autorités refusant que le peuple britannique connaisse l’effrayante réalité des combats, et le sort terrible réservé à ses fils. Ouvrant et fermant le livre quelques pages particulièrement bouleversantes évoquent aussi le rapatriement et l’inhumation du Soldat Inconnu en 1920, et le recueillement d’une nation toute entière. En contrepoint, la passion entre Clare et Alex, animale et destructrice, résonne comme un écho à la guerre et si le thème du triangle amoureux  est assez classique, l’écriture de Carol Ann Lee, d’une précision implacable et tranchante, lui donne du relief. La rafale des tambours est vraiment un très beau roman, ce que j’ai lu de mieux dans cette rentrée littéraire pour le moment.

Editions de la Table Ronde 2009, 395 pages, 22,50€
Lu dans le cadre d’un partenariat entre Blog-O-Book (vous y trouverez d’autres avis de lectrices) et les éditions de La Table Ronde, merci!

Dans mes yeux – Bastien Vivès


Deux étudiants se rencontrent dans une bibliothèque: Les premiers mots échangés, le premier baiser, une soirée d’anniversaire ou une visite au zoo, leur première nuit, les doutes aussi… Dans mes yeux raconte les balbutiements de ce jeune couple.

L’originalité de cette bande dessinée tient dans le point de vue choisi, puisque le lecteur voit tout à travers le regard du jeune homme… nous sommes littéralement “dans ses yeux”!  Le procédé donne un album elliptique, entièrement tourné vers la jeune fille:  On ne fait que deviner la présence et les paroles de son compagnon (il manque donc la moitié des dialogues, ce qui est un peu déstabilisant).

Ici encore, comme dans Le gout du chlore, Bastien Vivès accorde une place essentielle au regard, aux corps et aux attitudes, prend le temps de décomposer chaque geste… Meme si le sujet est assez banal,  l’auteur lui apporte une vraie fraicheur en bousculant les codes narratifs, et livre ici un album étonnant, subtil et troublant, qui nous fait approcher au plus près l’intimité naissante d’un couple.

L’avis de Juliann
KSTR 2009, 133 pages, 16€

A voir aussi le blog de Bastien Vives