Catégorie : Lectures

Je suis une lectrice Charleston #1: Le goût des souvenirs, L’italienne et La femme des dunes

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Comme je vous le disais il y a quelques semaines, je fais partie des lectrices Charleston 2014 et à ce titre j’aurais la chance (notamment) de recevoir tous les romans publiés cette année en avant-première. Voici donc mon avis sur les trois premiers romans que j’ai pu lire. Vous pouvez d’ores et déjà trouver les deux premiers titres en librairie, le 3ème – La femme des dunes – sort dans quelques jours, le 10 février.

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le gout des souvenirsLe goût des souvenirs – Erica Bauermeister – 3 etoiles

Autour du restaurant de Lilian et des ateliers cuisine qu’elle organise régulièrement gravitent plusieurs personnages: Al, son comptable, confronté à de sérieux problèmes de couple avec Louise; Finnigan, employé au restaurant, qui se balade avec de mystérieux cahiers bleus et qui n’est pas insensible au charme de Chloé, laquelle a emménagé avec Isabelle, qui perd peu à peu la mémoire…

Ce roman est la suite de L’école des saveurs (paru en 2009 aux éditions Presses de la cité) mais peut se lire indépendamment. C’est un roman choral dans lequel chaque personnage prend la parole à tour de rôle, ce qui permet d’apporter du rythme à l’histoire, mais il est un peu frustrant de ne pas passer un peu plus de temps avec chaque personnage. C’est sans doute le principal défaut de ce roman qui par son choix de construction manque parfois de profondeur.

C’est un livre sur les souvenirs, sur la filiation et sur la perte, sur la famille au sens large, celle que l’on a et celle que l’on se choisit. La nourriture joue aussi un rôle intéressant, même si ce n’est pas le sujet central du livre, mais les odeurs, les saveurs donnent une dimension physique et chaleureuse au récit. La gastronomie est surtout ici un lien entre les personnages et les générations, et j’ai aimé ce fil conducteur, ces descriptions de plats qui réconfortent, rassurent, unissent. Globalement j’ai trouvé que c’était un joli roman, doux et sensible, même s’il reste parfois un peu trop en surface.

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LItalienneL’italienne – Adriana Trigiani – 3 etoiles

Ciro et Enza sont tous les deux originaires des alpes italiennes. Ciro a été abandonné dans un couvent avec son frère Edouardo, Enza est l’aînée d’une famille nombreuse et pauvre. Alors qu’ils viennent de se rencontrer, Ciro doit quitter précipitamment l’Italie, direction les Etats-Unis, sans pouvoir prévenir Enza. Peu de temps après Enza va elle aussi traverser l’Atlantique afin d’améliorer le quotidien de sa famille. Le destin les réunira t-il à nouveau?

 Le fond historique est intéressant, l’immigration aux Etats-unis au début du XXème siècle, l’engagement de Ciro dans la première guerre mondiale, celui de son fils Antonio dans la 2ème guerre, et j’ai  particulièrement apprécié les passages dans lesquels Enza, jeune couturière,  côtoie le grand Caruso dans les coulisses de l’opéra… J’ai aussi été sensible à la force des relations familiales, même quand elles sont éprouvées par la distance (que ce soit Ciro avec son frère Edouardo ou Enza avec sa mère, qui sont tous deux restés en Italie) et à l’importance des racines: Ciro et Enza n’oublieront jamais d’où ils viennent. J’ai eu cependant un peu de mal à apprécier le style et le rythme ralenti par les nombreux dialogues et descriptions.

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la femme des dunesLa femme des dunes – Chris Bohjalian (sortie le 10 février) – Note/4 etoiles

En 1915, la jeune Elizabeth Endicott accompagne son père à Alep dans le cadre d’une mission humanitaire. Elle va découvrir l’horreur du génocide arménien, mais aussi rencontrer Armen, un arménien qui a perdu sa femme et sa fille.

En 2012, après avoir découvert la photo d’une victime du génocide qui pourrait être de sa famille Laura Petrosian entame des recherches sur l’histoire de ses grands-parents et va mettre à jour un terrible secret de famille.

Cette lecture m’a d’abord appris beaucoup de choses sur les circonstances et le déroulement du génocide arménien. L’intégration d’une histoire d’amour dans un tel contexte était plutôt délicat, mais j’ai trouvé que l’auteur s’en sortait très bien et traitait cette alliance avec beaucoup de tact et de pudeur. L’histoire d’Elizabeth et d’Armen est comme une fleur poussant sur un tas de cendres, une note d’espoir dans une symphonie de l’horreur.

Au-delà des évènements eux-mêmes ce roman soulève aussi la question de l’oubli des générations suivantes. L’alternance entre le passé (l’histoire d’Elizabeth et d’Armen) et le présent (avec Laura) permet aussi de mettre en avant l’importance du travail de mémoire. La femme des dunes est un roman très émouvant qui  rend hommage à toutes les victimes de ce génocide trop longtemps oubliées par l’Histoire.

 

[Album] Les très petits cochons – Angélique Villeneuve et Martine Camillieri

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Trois petits cochons, respectivement prénommés Jambon, Rillette, et Lardon (!) décident qu’il est temps de prendre leur indépendance et de construire leurs propres maisons.  Comme ça, personne ne leur demandera plus de ranger leur chambre ou de se débarbouiller le groin chaque matin. Mais attention au loup qui rôde et qui ferait bien de beaux saucissons avec nos petits cochons! Jambon décide de se construire une maison en pailles (non, ce n’est pas une faute de frappe 😉 ), Rillette une cabane en pain grillé, alors que Lardon va construire une maison en sucres.

Vous aurez bien sûr reconnu Les trois petits cochons, revisité de manière improbable mais délicieuse, aussi bien du point de vue de l’histoire qu’au niveau des illustrations. Les deux auteurs ont recréé ici tout un univers à base de jouets (legos, dînette, petits jouets en plastique…) et d’aliments: Il y a les maisons des petits cochons (en pailles, en pain grillé et en sucre) mais aussi des berceaux avec des pots de yaourts, et les maisons du village sont faites à partir de bidons de lessive ou de bouteilles de lait.

Un détournement original, un brin déroutant, mais j’ai beaucoup aimé cette ambiance récup’.

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Les très petits cochons d’Angélique Villeneuve et Martine Camillieri, Seuil Jeunesse 2013 – Note/4 etoiles

 

 

Challenge je lis aussi des albums 2014 Challenge petit bac 2014

Sorties poches – janvier 2014

La déesse des petites victoires -Yannick Grannec (Pocket, 2 janvier)

Université de Princeton, 1980. Anna Roth, jeune documentaliste sans ambition, se voit confier la tâche de récupérer les archives de Kurt Gödel, le plus fascinant et hermétique mathématicien du XXe siècle. Sa mission consiste à apprivoiser la veuve du grand homme, une mégère notoire qui semble exercer une vengeance tardive contre l’establishment en refusant de céder les documents d’une incommensurable valeur scientifique. Dès la première rencontre, Adèle voit clair dans le jeu d’Anna. Contre toute attente, elle ne la rejette pas mais impose ses règles. La vieille femme sait qu’elle va bientôt mourir, et il lui reste une histoire à raconter, une histoire que personne n’a jamais voulu entendre. De la Vienne flamboyante des années 1930 au Princeton de l’après-guerre ; de l’Anschluss au maccarthysme ; de la fin de l’idéal positiviste à l’avènement de l’arme nucléaire, Anna découvre l’épopée d’un génie qui ne savait pas vivre et d’une femme qui ne savait qu’aimer.

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Beautiful Bastard – Christina Lauren (Pocket, 2 janvier)

Brillante et déterminée, Chloé n’a qu’un problème dans la vie : son boss, Bennett, revenu prendre les rennes de l’entreprise familiale de Chicago après un séjour en France. Trentenaire séduisant, arrogant et égocentrique, il est odieux mais… magnétique.
Bennett, lui, découvre en sa collaboratrice une jeune femme aussi ravissante qu’exaspérante, et qui n’entend rien sacrifier à sa carrière.
Entre eux, c’est l’affrontement immédiat, mais aussi le désir obsédant, dévastateur. Ensemble, ils vont enfreindre une à une toutes les règles qu’ils s’étaient imposées. À une seule fin : se posséder…

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Série Z – JM Erre (Pocket, 2 janvier)

Les séries Z n’ont aucun secret pour lui. Monstres improbables – zombies en mousse, extraterrestres en carton –, acteurs has been et nanars bon marché, Félix connaît ce monde sur le bout des doigts.  C’est en puisant son inspiration dans cet univers de quatrième zone qu’il vient de mettre un point final à son premier scénario : l’histoire d’une maison de retraite ou les crimes se multiplient. Les ennuis commencent quand la réalité se met à dépasser la fiction : on déplore un mort à la Niche Saint-Luc. Puis un autre… Alors, vrais ou faux cadavres ?

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Orgueils et préjugés et zombies – Seth Grahame Smith (Pocket, 9 janvier)

Pour la famille Bennet, qui compte cinq filles à marier, l’arrivée de deux jeunes et riches célibataires dans le voisinage est une aubaine : enfin, des cœurs à prendre, et des bras supplémentaires pour repousser les zombies qui prolifèrent dans la région ! Mais le sombre Mr Darcy saura-t-il vaincre le mépris d’Elizabeth, et son ardeur au combat ? Les innommables auront-ils raison de l’entraînement des demoiselles Bennet ? Les sœurs de Mr Bingley parviendront-elles à le dissuader de déclarer ses sentiments à Jane ? Surtout, le chef-d’œuvre de Jane Austen peut-il survivre à une attaque de morts-vivants ?

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La vie rêvée d’Ernesto G. de Jean Michel Guenassia (Le livre de poche,  8 janvier)

1910-2010. Prague, Alger, Paris. Nous suivons la traversée du siècle de Joseph Kaplan, médecin juif praguois, des guinguettes de Joinville à la peste d’Alger, de la guerre à l’effondrement communiste. Ses amours, ses engagements, ses désillusions sont contés à travers les tourmentes de l’Histoire. Et surtout, la rencontre qui bouleversa sa vie, celle qu’il fit un jour de 1966 avec un révolutionnaire cubain, un certain Ernesto G., échoué dans la campagne tchèque après sa déroute africaine.

Dans la lignée du Club des incorrigibles optimistes, Jean-Michel Guenassia retrace le parcours insolite d’un héros malgré lui. On retrouve l’efficacité de son talent romanesque dans cette fresque captivante et nostalgique, où se confondent l’Histoire et l’intime.

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L’amour dans l’âme de Daphné Du Maurier (Le livre de poche, 8 janvier)

Dans le premier roman de Daphné du Maurier, qui parut en France en 1950 sous le titre La Chaîne d’amour, la mer, fascinante et cruelle, occupe une place centrale. Elle lie tous les membres de la famille Coombe, installée à Plyn, un port de la côte sud des Cornouailles ; sur un siècle et quatre générations, se déroule le destin de femmes insoumises et d’hommes sauvages, navigateurs ou charpentiers de marine, qui tous ont le visage tourné vers les flots… Amours, haines, vengeances et trahisons, Daphné du Maurier excelle dans la peinture des passions humaines.

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Le bouc émissaire de Daphné Du Maurier (Le livre de poche, 8 janvier)

John, un historien anglais en vacances en France, rencontre au Mans par hasard son sosie parfait, Jean de Gué. Les deux hommes font connaissance : l’un est solitaire, sans famille, l’autre, épicurien désinvolte, se plaint de la sienne qui l’étouffe. Le lendemain matin, John se réveille, vêtu des affaires de Jean, qui a disparu. À la porte, le chauffeur l’attend pour le ramener au château. John prend alors la place de Jean… Comme dans Rebecca, on retrouve dans ce livre la cruauté, l’étrangeté et l’art du suspense de Daphné du Maurier.

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  Barbe-bleue d’Amélie Nothomb (Le livre de poche, 3 janvier)

« La colocataire est la femme idéale. » A. N.

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Ce que savait Jennie de Gérard Mordillat (Le livre de poche, 3 janvier)

À vingt-trois ans, Jennie n’a qu’un but dans la vie : réunir ses sœurs et son frère dispersés dans des familles d’accueil et un foyer afin de les emmener voir la mer depuis les falaises d’Étretat. Au cours de cette quête à travers la France, Jennie va rencontrer Quincy, un acteur qui ne veut plus l’être. Lui aussi est animé d’une volonté sans faille : venger le suicide de sa mère.  Unis face au pire et portés par une détermination farouche, ces amants tragiques mettront tout en œuvre pour parvenir à leurs fins. Un récit incarné par une héroïne bouleversante et sublime, où l’espoir mène tout droit à la folie.

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 Lucky Girls de Nell Freudenberger (10-18, 2 janvier)

 es héroïnes de ce recueil sont toutes issues de milieux aisés. Elles s’expa­trient à Delhi, Bangkok, Bombay… s’y installent, épousent les coutumes locales, y cherchent les repères qui leur manquent dans leur pays, au sein de leurs propres familles. Cinq nouvelles empreintes d’une sensation de flottement, de déplacement. Cinq héroïnes pour qui l’exil sert de révélateur sur les relations qu’elles entretiennent avec leur entourage proche. Nell Freudenberger explore l’at­tachement de ses personnages à leurs pays adoptifs, un attachement souvent plus profond et passionnel que leurs liens familiaux.

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Le roi n’a pas sommeil de Cécile Coulon (Points, 9 janvier)

Thomas Hogan aura pourtant tout fait pour exorciser ses démons ? les mêmes qui torturaient déjà son père. Quand a-t-il basculé ? Lorsque Paul l’a trahi pour rejoindre la bande de Calvin ? Lorsqu’il a découvert le Blue Budd, le poker et l’alcool de poire ? Lorsque Donna l’a entraîné naïvement derrière la scierie ?

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Toutes ces vies qu’on abandonne de Virginie Ollagnier (Points, 9 janvier)

En 1918, l’armistice est signé, mais les trains continuent à ramener du front des hommes meurtris. L’un d’eux, soldat anonyme au visage émacié, semble ne pas vouloir se réveiller. Est-ce l’étrange beauté de ce corps muet qui éveille les sentiments de Claire ? Ou sa détermination à soulager les souffrances ? De confessions timides en aveux fervents, la jeune infirmière et l’inconnu se découvrent…

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De là, on voit la mer – Philippe Besson (10-18, 9 janvier)

Louise, 40 ans, part s’installer dans une villa en Toscane pour écrire son roman. Elle abandonne à Paris son mari, François, meurtri mais résigné. À Livourne, ville portuaire ou règne une chaleur écrasante, tout l’enchante : la qualité du silence, la mer partout présente, l’incessant ballet des ferries vers les îles. Et cette parfaite solitude que seule vient déranger la présence discrète et dévouée de Graziella, la gouvernante qui s’occupe de la maison. Louise n’a jamais connu un tel sentiment de plénitude. Elle écrit l’histoire d’une femme qui doit réapprendre à vivre après la disparition de son mari. Les mots viennent à elle tout naturellement. Un jour, un jeune homme sonne à sa porte. C’est Luca, le fils de Graziella. Élève à l’Académie navale, il porte ses vingt et un ans avec une grâce insolente. Jamais Louise n’aurait pu envisager d’être troublée par un garçon de cet âge. Tenter de résister au charme de Luca serait pourtant aussi vain que de vouloir échapper à la moiteur de l’été. Au moment ou elle cède à la sensualité de ce corps qui l’attire, elle apprend qu’un accident de voiture a grièvement blessé son mari. Fiction, fantasme et réalité se télescopent, mais dans quel but ? Louise doit se rendre au chevet de François, plus vulnérable que jamais. Forte de cette ferveur inattendue qui lui a ouvert les yeux, elle sait que l’instant est venu d’affronter tous les mensonges accumulés avec les années, quelles qu’en soient les conséquences…

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Petit bilan 2013

Cette année je n’ai aucun mal à établir mon top 3 parmi mes 55 lectures de l’année (hors albums et BD), il a suffi d’un simple coup d’œil sur la liste de mes lectures pour que 3 romans se détachent nettement:

coups de coeur 2013

coeur La singulière tristesse du gâteau au citron d’Aimee Bender: Je n’ai pas rédigé de billet sur ce roman, et je le  regrette! C’est  l’histoire d’une petite fille qui a un don, celui de ressentir les émotions des gens à travers les plats qu’ils préparent.  Un roman familial qui évoque de manière remarquable le poids des sentiments, un livre doux et émouvant, drôle et tragique à la fois. Et la bonne nouvelle c’est que ce livre sortira en poche le mois prochain.

coeurEsprit d’hiver de Laura Kasischke: La confrontation entre une mère et sa fille un matin de noël, un huis-clos glaçant par mon auteur chouchou. Vous pouvez lire mon avis ici.

coeurNos étoiles contraires de John Green: L’histoire d’amour de deux adolescents atteints d’un cancer, un roman superbe dont on ne sort pas indemne et dont l’adaptation sortira en septembre 2014. Mon billet est .

 

lectures 2013

Mais j’ai aimé bien d’autres titres cette année notamment Le soleil à mes pieds de Delphine Bertholon, Daffodil Silver d’Isabelle Monnin, Secret d’été d’Elin Hilderbrand, le premier tome de Soeurs sorcières, le journal de Frankie Pratt de Caroline Preston, Les faibles et les forts de Judith Perrignon…

Il y a eu aussi quelques coups de griffes, je pense surtout à mon billet sur La preuve du paradis d’Eben Alexander, qui a suscité pas mal de réactions désagréables, au point que j’ai du fermer les commentaires (ce qui n’a pas empêché certains lecteurs de m’insulter par mail!).

J’ai lu aussi beaucoup d’albums en 2013, même si je n’en ai finalement présenté qu’une dizaine sur le blog.  Je vous conseille particulièrement Les fantastiques livres volants de Morris Lessmore de William Joyce, La maison hantée de Jan Pienkowski et Paul d’Alice Brière et Csil.

Et vous, quels ont été vos coups de cœur en 2013? 😉

 

[Roman] Esprit d’hiver – Laura Kasischke

esprit d'hiver

Comme chaque année Holly s’apprête à recevoir sa belle-famille et quelques amis pour le repas de Noël. Mais cette fois rien ne se déroule comme d’habitude. Holly et son mari Eric  ont un peu abusé du lait de poule la veille au soir et ne se sont pas réveillés à temps ce matin, Eric est en retard pour aller chercher ses parents à l’aéroport, la neige menace la bonne organisation de la journée, et leur fille Tatiana, adoptée 13 ans plus tôt dans un orphelinat russe, semble quant à elle d’humeur belliqueuse. Et surtout depuis son réveil Holly a une petite phrase dans la tête qui la poursuit comme une obsession,  Quelque chose les avait suivis depuis la Russie jusque chez eux

Un nouveau roman de Laura Kasischke est toujours pour moi un évènement car elle est devenue au fil des années mon auteur fétiche. J’ai désormais lu presque toute son œuvre (à part Un oiseau blanc dans le blizzard) je vous ai d’ailleurs déjà parlé sur ce blog de Les revenants ou de La vie devant ses yeux (adapté au cinéma avec Uma Thurman dans le rôle principal).

Esprit d’hiver est un huis-clos glaçant qui tourne autour de la confrontation entre une mère et sa fille adolescente. Le récit alterne le moment présent – cette matinée de Noël où rien ne se passe comme prévu – et les souvenirs d’Holly, principalement ce voyage en Sibérie bien des années plus tôt pour aller chercher sa fille adoptive. Laura Kasischke arrive à créer une impalpable sensation de malaise tout au long du roman, sans qu’on arrive à savoir précisément d’où elle vient. La menace plane, chaque détail du quotidien devient une insupportable source d’angoisse: Un rôti qui cuit, un verre qui se casse, un téléphone qui sonne, la neige qui tombe suffisent à mettre les nerfs du lecteur à rude épreuve.

Holly, Eric et Tatiana forment la famille typique de la middle-class américaine telle qu’on l’imagine,  attachée aux convenances et aux traditions, aux apparences qu’il faut sauvegarder à tout prix, vivant dans le souci de toujours faire ce que l’on attend d’eux. Mais dès que l’on gratte un peu, le vernis craque: Les invités que finalement Holly n’aime pas vraiment, une lourde histoire familiale marquée par la maladie, une vocation frustrée d’écrivain…

Certains lecteurs  ont trouvé ce roman plat ou ennuyeux. Pour apprécier toute la dimension de ce roman, je crois qu’il faut d’abord accepter de s’ennuyer un peu, parce qu’effectivement il ne s’y passe rien ou presque. La récompense c’est la chute, vertigineuse, poignante, qui remet en perspective tout le roman.  Thriller psychologique, drame familial, récit fantastique, Esprit d’hiver est un roman étouffant, oppressant, suffoquant, avec cette idée sous-jacente, qui revient dans tous les romans de Kasischke, que chacun est responsable de son destin et de ses (mauvais) choix. Le style de Laura Kasischke exerce toujours sur moi la même fascination (Comment arrive-t-elle à en dire tant sur l’âme humaine avec une telle économie de moyens?) et ce  roman brillant confirme pour moi qu’elle est l’un des plus grands écrivains actuels.

Esprit d’hiver, éditions Bourgois août 2013, 276 pages – 5 étoiles
Lu dans le cadre des Matchs Littéraires de Priceminister. Ma note: 17/20

Challenge 50 états, 50 billets (Michigan)