Catégorie : Romans francophones

[Nouvelles] L’odeur du figuier – Simonetta Greggio

Je ne suis pas d’habitude une grande adepte des nouvelles, mais je me suis laissée séduire par la promesse ensoleillée de ce recueil. Le titre est un peu trompeur, car si le figuier est bien présent dans les cinq récits, il s’agit cependant d’un fil rouge assez anecdotique, et c’est plutôt le thème de l’amour qui relie ces différentes nouvelles.

J’ai beaucoup aimé la première nouvelle, Acquascura, dans laquelle un couple de profs profite de ses vacances d’été dans le cabanon familial. Tout semble parfait, jusqu’à ce qu’une invasion de fourmis viennent enrayer la machine et mettre les nerfs à fleur de peau. Un récit étrange et envoutant, à la limite de l’absurde, qui m’a donné des frissons. La troisième nouvelle, Quand les gros seront maigres, quand les maigres seront gros est aussi un petit bijou: Un vieil homme se retrouve coincé dans l’ascenseur de son immeuble à la veille des grandes vacances. Cet homme solitaire qui se laissait bercer par sa petite routine quotidienne va soudain se retrouver seul face à lui-même dans cet espace exigu, se souvenir de sa vie, de sa femme disparue. C’est sans doute la nouvelle la plus triste du recueil, mais aussi la plus belle.

Du coup à côté de ces deux très beaux textes, les trois autres nouvelles, notamment Plus chaud que braise qui raconte la nouvelle rencontre de deux amants quadragénaires qui se sont connus à 20 ans et L’année 82, l’histoire d’une jeune femme engluée dans un chassé-croisé amoureux, m’ont parues assez fades. La toute dernière nouvelle Fiat 500 n’est pas inintéressante mais elle est malheureusement trop courte et pas assez aboutie à mon goût. Un recueil assez inégal donc mais que je vous conseille pour les deux textes que j’ai particulièrement aimés, et pour découvrir la jolie plume de cet auteur d’origine italienne.

L’odeur du figuier, le livre de poche 2012, 192 pages /

[Roman] L’attachement – Florence Noiville

Anna, une jeune étudiante en médecine, a perdu sa mère quelques années plus tôt dans un accident de voiture. Dans  la chambre de jeune fille de celle-ci elle découvre des lettres témoignant de la relation que Marie a entretenue avant son mariage avec son ancien professeur de lettres, marié et bien  plus âgé qu’elle. Ayant peu connu sa mère, Anna veut en savoir plus sur cette relation et interroge son entourage, sa grand-mère, sa tante, les amis d’enfance de Marie, qui chacun ont une vision différente de cette histoire d’amour.

Comme un puzzle une fille tente de recoller les morceaux de sa mère disparue. Son histoire d’amour avec son professeur n’était il qu’une provocation adolescente? La bouée de sauvetage d’une jeune fille perdue? Ou une sincère et grande histoire d’amour? De Florence Noiville j’avais lu La donation en 2007, où déjà il était question de filiation et de la relation entre une mère et sa fille (Une jeune femme s’interrogeait sur la dépression de sa mère, sur la façon dont elle avait marqué sa vie et sur le lourd héritage qu’elle constituait).

Ici encore j’ai surtout été séduite par l’écriture, c’est le genre de livre qu’on hérisse de post-it Garcinia Mangostana pour se souvenir de tel passage ou tel passage. Portant moi-même des lunettes, j’ai particulièrement aimé les passages sur la myopie: “Quand j’étais petite – je devais avoir 4 ou 5 ans -, j’ai pris un jour un buisson d’hortensias blancs pour un troupeau de moutons. C’est comme ça qu’on a découvert mon trouble de la vision. Plaisir de myope: introduire l’imaginaire dans le réel. Désirer des moutons et les voir au fond du jardin. Mon amour n’est pas aveugle, il est myope.

Malheureusement j’ai trouvé que le style – superbe, j’insiste –  étouffait un peu le contenu que j’ai trouvé… étriqué. L’histoire semble souvent n’être qu’un prétexte un peu creux pour enchaîner de jolies phrases, je n’ai pas été particulièrement touchée par la personnalité de Marie et cette histoire assez terne avec son professeur. Une lecture frustrante, on en sent tout le potentiel, mais elle me laisse finalement une impression de trop peu.

L’attachement de Florence Noiville, éditions Stock, août 2012, 186 pages/
Première lecture dans le cadre du Challenge 1% Rentrée Littéraire

Je peux faire voyager ce livre, si vous êtes intéressés signalez le moi dans les commentaires (offre réservée aux blogueurs ou aux lecteurs que je connais déjà).

[Roman] Grâce – Delphine Bertholon

Architecte parisien et veuf, Nathan élève seul ses jumeaux, Soline et Colin. En cette fin d’année 2010, ils rejoignent en province la sœur de Nathan, Lise,  chez leur mère Grâce pour les fêtes de Noël. Mais pendant ces quelques jours des phénomènes étranges vont se dérouler dans la maison familiale et des secrets douloureux vont refaire surface.

J’avais déjà lu et aimé le père de Nathan et Lise a quitté sa famille ?

L’atmosphère est étouffante, oppressante, notamment quand elle flirte avec le surnaturel. Qui donc lance des morceaux de charbon dans les vitres de la maison la nuit ? Qui a planté un couteau au plafond de la chambre de Grâce pendant son sommeil ? Et pourquoi Grâce a-t-elle toujours gardé une certaine distance avec Nathan alors qu’elle est si proche de Lise ? Les questions s’accumulent, l’angoisse monte…  Cette famille est minée par les drames et les secrets (la maison elle-même cache un lourd passé), qui vont tous rejaillir pendant cette réunion familiale. Nathan, qui a déjà du mal à se remettre de la mort de sa femme, va à nouveau plonger en plein cauchemar… « Grâce » est  un très bon roman que j’ai dévoré, et Delphine Bertholon est décidément un auteur que je vais continuer à  suivre de près.

Editions JC Lattès 2012, 356 pages /

[Roman] Rêves oubliés – Léonor De Récondo

En 1936, un couple de basques espagnols, Ama et Aïta, doivent brutalement fuir leur pays avec leur famille, leurs trois fils, les parents d’Ama, ainsi que ses deux frères, des activistes. Ils abandonnent tout derrière eux et se réfugient un temps à Hendaye chez une amie, Mademoiselle Eglantine. Mais les deux frères d’Ama sont arrêtés et enfermés dans des camps. En 1939, la famille déménage une nouvelle fois pour suivre Aïta qui a trouvé un poste de metayer dans une ferme des Landes.

“Rêves oubliés” raconte d’abord l’attachement à une terre et la douleur de l’exil :  “Nous sommes ici depuis de si nombreux mois et je réalise seulement au soir de cette triste journée que nous avons vécu uniquement dans l’espoir du retour. Ce rêve a lentement embrumé nos esprits, et maintenant la réalité nous frappe de plein fouet, fermant brutalement les frontières. Tant que le dictateur sera au pouvoir, nous ne pourrons pas revenir, nous le savons. Je ressens une blessure vive, une blessure de chair indescriptible, l’amour d’une terre, de ses odeurs, de ses rires, de sa langue que je perds irrémédiablement. J’y laisse mon insouciance, une légèreté de l’âme qui depuis trois ans s’est plombée de silences et de faux espoirs.” (extrait du journal d’Ama)

Mais c’est aussi un roman d’amour (du couple Aïta/Ama se dégage une force tranquille qui illumine tout le récit) et un hymne à la famille, qui est ici un socle inébranlable sur lequel on peut se reposer quoi qu’il arrive.   Le roman alterne les extraits du journal d’ Ama et un récit plus distancié. J’ai beaucoup aimé les passages du journal dans lequel la mère de famille livre ses sentiments et qui ajoutent une touche plus personnelle au roman. Je suis plus mitigée en ce qui concerne le reste du livre, très dense, trop dense: Le franquisme, les menaces, l’exil, la guerre, l’amour d’un des oncles pour une jeune juive, les camps, les drames personnels, cela fait beaucoup, surtout que le tout est concentré sur seulement 169 pages… On a un peu l’impression de courir après l’histoire et les personnages, ce qui est assez frustrant pour le lecteur. Une lecture qui avait du potentiel mais me laisse un petit goût d’inachevé.

Sabine Wespieser Editeur, 169 pages/

“Le pacte des vierges” de Vanessa Schneider

Pour écrire Le pacte des vierges, Vanessa Schneider s’est inspiré d’un fait divers survenu en 2008 dans l’Amérique profonde. 17 adolescentes de Gloucester, un patelin du Massachusetts, fréquentant le même établissement scolaire, étaient tombées enceintes suite à un « pacte ».  Quatre d’entre elles, Lana, Cindy, Kylie et Sue, acceptent de se confier à une romancière française. A travers leurs témoignages croisés on découvre comment elles en sont arrivées à mettre en place ce projet fou et absurde.

Au fil des pages la romancière et son lecteur essayent d’assembler les pièces du puzzle. Toutes âgées de moins de 16 ans, ces jeunes filles ont déjà tout vu, tout vécu. La majorité d’entre elles ont grandi avec un entourage familial défaillant, des parents démissionnaires qui n’assument plus leur rôle, absents, en prison, alcooliques, ou accro aux médicaments (Cochez la case correspondante à votre situation). Ou au contraire pour Sue, des parents puritains, exigeants et étouffants. Ajoutez à ça l’oisiveté, et la précarité dans une petite ville frappée de plein fouet par le chômage. Un terreau plus que favorable pour que des jeunes filles influençables, livrées à elles-mêmes, se laissent convaincre par ce projet dément imaginé par la meneuse de la bande, Lana.

J’ai été à la fois consternée par la folle décision de ces gamines, et émue par leur fragilité et leur naïveté. Ces quatre adolescentes brandissent leur grossesse comme un étendard, elles pensent avoir trouvé là l’opportunité de changer de vie : Elles vont élever leurs enfants ensemble, se créer une nouvelle famille, de nouveaux repères. Faire mieux que leurs parents.  Il y a tellement d’espoir dans ces grossesses, l’espoir d’un lien indéfectible que rien ne pourra briser, l’espoir de ne plus jamais être seules. Au fur et à mesure que leurs grossesses avancent, elles comprendront malheureusement que les choses ne sont pas aussi simples.

Cette histoire est effrayante, fascinante, mais le roman ne parvient pas à transcender le fait divers. En sait on vraiment plus quand on tourne la dernière page ? Les caractères manquent de consistance, l’angle choisi (ne donner la parole qu’aux jeunes filles) m’a paru souvent réducteur. L’auteur cherche en plus à créer un suspens artificiel et sans beaucoup d’intérêt autour de quelques éléments secondaires (des rendez-vous dans une vieille caravane près de la voie ferrée, le rôle d’un mystérieux « John »). Au fond c’est le fait divers qui est passionnant ici, bien plus que le roman lui-même, et il aurait sans doute mérité mieux que cet habillage un peu trop léger.

Editions Stock 2011, 190 pages/

Lu dans le cadre des matchs littéraires organisés par Price Minister.